Quelques chiffres pour commencer. L’Allemagne est le seul pays du G7 à avoir connu une récession de - 0,3 % en 2023, son secteur de l’industrie est en recul de 21% sur deux ans et l’inflation reste à un niveau élevé de 5,9%.
Les raisons ? L’économie allemande est essentiellement basée sur l’exportation mais le marché mondial tend aujourd’hui vers une nationalisation. S’y ajoutent également les coûts énergétiques importants à cause de la guerre russo-ukrainienne et une tendance à se tourner vers une économie plus verte.
Pour contrebalancer cette inflexion du marché, le gouvernement a serré les vis budgétaires en mettant notamment fin à l’aide des subventions pour le diesel agricole. Conséquence : des Allemands en colère qui sont de plus en plus nombreux dans la rue.
Plusieurs mouvements sociaux simultanés
Les cheminots sont en grève pour obtenir “des augmentations de salaires à la suite de l’inflation” et “la semaine de 35 heures sur quatre jours, sans perte de revenus”. Même revendication salariale pour les médecins qui demandent aussi moins de bureaucratie. Ils sont d’ailleurs nombreux à quitter le pays pour le Danemark et la Suède.
Les agriculteurs protestent, eux, contre “la décision du gouvernement de réduire un grand nombre de ses subventions agricoles”, notamment celle du diesel dans le cadre d'une mesure d'austérité contre la hausse des coûts de l'énergie et la stagnation économique. Des milliers de tracteurs défilent sur les routes provoquant de nombreux embouteillages.
L’enjeu ne concerne pas seulement les Allemands mais toute l’Europe. Les ministres de l'Agriculture de l'UE appellent, d’ailleurs, à répondre à une colère aux causes très diverses, avant le lancement jeudi par Bruxelles d'un "dialogue stratégique" aux contours flous avec le secteur.
Une montée inquiétante de l'extrême droite
Pour plusieurs experts, l'extrême-droite tente d'utiliser les agriculteurs comme levier politique. En effet, les agriculteurs se disent prêts à voter le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) pour récupérer les subventions supprimées par l’Etat. Dans cette optique, 98% des électeurs de l’AfD soutiennent ces manifestations qui risquent de se transformer en une vague massive de manifestations contre le gouvernement.
Dans ce contexte tendu, le média d’investigation allemand "Correctiv", a révélé qu’une réunion secrète de groupes d’extrême droite allemands, dont des membres de l’AfD, et autrichiens tenue en novembre dernier aurait élaboré des plans visant à expulser plus de 2 millions de citoyens allemands issus de l’immigration. Cet événement a déclenché une onde de choc à travers le pays. La ministre de l’intérieur, Nancy Faeser a même estimé que cette réunion rappelait "l’horrible conférence de Wannsee", où les Nazis ont planifié en 1942 l’extermination des Juifs.
Alors que la cote de popularité du chancelier Olaf Scholz a chuté, l'électorat se tourne vers les extrêmes. Pour la première fois, à l’approche des élections régionales dans trois régions fédérales en septembre, l’AfD arrive en tête des enquêtes d’opinion avec plus de 30%. Au plan national, le parti AfD est crédité de 20% à 22% en matière de résultats. A six mois des élections européennes, la montée de l'extrême droite dans plusieurs pays fait craindre un bouleversement des grands équilibres du Parlement européen.