Les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont pénétré lundi dans le centre Goma, la plus grande ville de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), ont rapporté des témoins. L’information a été confirmée par un journaliste indépendant travaillant avec des médias occidentaux, joint sur place par TRT Français.
La tournure des événements, dans un conflit qui dure depuis trois ans, fait craindre une guerre régionale plus large et une aggravation de l'une des pires crises humanitaires au monde.
Le porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya qui a reconnu dans un tweet “la présence de l'armée rwandaise” à Goma, invitant les habitants à “rester à l'abri, à la maison”, a assuré que le gouvernement continuait de “travailler pour éviter le carnage et les pertes en vies humaines au regard des intentions du Rwanda”.
La prison, le mont Goma et l'aéroport ciblés
Les rebelles tenteraient de consolider leur emprise sur la ville en s'emparant des points stratégiques. Il en est ainsi du Mont Goma qui culmine à 1500 mètres d’altitude donnant une vue impressionnante sur une bonne partie du Rwanda.
La prison de la ville a été brûlée, d'après des témoins joints sur place. “Des rebelles incarcérés dans cette maison d'arrêt ont certainement pris le large”.
L'aéroport de Goma qui a cessé de fonctionner depuis dimanche est aussi convoité par les rebelles. Contactée par TRT français, notre source fait état d’une importante mobilisation autour de cette infrastructure des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. .
“L'aéroport de Goma abrite une base de la Monusco qui est protégée par le droit international. S'attaquer à cette infrastructure serait considéré comme un crime de guerre”, précise notre source.
Du reste, des tirs ont été entendus lundi matin près de l'aéroport, du centre-ville et de la frontière avec le Rwanda, ont indiqué des habitants. Il n'a pas été possible de déterminer dans l'immédiat l'origine des tirs. Deux habitants ont raconté que des affrontements se poursuivaient dans une partie de la ville entre des miliciens pro-gouvernementaux et des combattants du M23.
Deux sources des Nations unies ont déclaré à Reuters que des troupes de la RDC et du Rwanda ont échangé des tirs à leur frontière commune, près de la ville de Goma.
Tryphon Kin-Kiey Mulumba, président de l'Autorité du transport aérien en RDC, a indiqué que l'aéroport était toujours sous le contrôle de l'armée.
"Il y a de la confusion dans la ville. Ici, près de l'aéroport, on voit des soldats. Je n'ai pas encore vu le M23", a dit à Reuters un habitant. "Il y a aussi des cas de pillage de magasins", a-t-il ajouté.
Corneille Nangaa, chef de l'Alliance du fleuve Congo, une composante du M23, a déclaré lundi à Reuters que ses forces contrôlaient Goma et que les soldats de l'armée avaient déposé les armes.
"Ils ont commencé à se rendre, mais cela prend du temps", a-t-il dit. "Il est normal qu'ils (les habitants) voient encore des soldats", a-t-il poursuivi.
L'armée uruguayenne a indiqué que 100 soldats congolais avaient remis leurs armes aux troupes uruguayennes de la mission de maintien de la paix de l'Onu au Congo (Monusco), comme exigé par les rebelles. Cette information a été, du reste, confirmée par notre source à Goma.
Le gouvernement congolais et l'armée congolaise n'ont fait aucun commentaire dans l'immédiat.
Évacuation du personnel de l’ONU
Le personnel de la Monusco et leurs familles ont été évacués lundi matin vers le Rwanda via une dizaine d'autocars.
Notre source a précisé à TRT Français que “toutes les autorités civiles avaient quitté la ville de Goma vers Bukavu (la capitale du sud-Kivu) tandis que l'armée tentait d’opposer une résistance en battant en retraite.
Des vidéos non vérifiées partagées sur les réseaux sociaux montrent des scènes de pillage à l'extérieur de l'entrepôt des douanes de l'aéroport et des colonnes d'hommes lourdement armés, probablement des combattants du M23, marchant dans la banlieue nord de la ville.
La RDC, un pays de plus de 100 millions d'habitants et d'une taille à peu près équivalente à celle de l'Europe occidentale, compte plus de 100 groupes armés.
Des centaines de milliers de déplacés
L'offensive vers Goma lancée la semaine dernière par le M23 a entraîné d'importants déplacements de population et risque d'aggraver l'une des pires crises humanitaires au monde, selon l'Onu.
D'après les experts de l'Onu, le Rwanda a déployé entre 3.000 et 4.000 soldats et fourni une importante puissance militaire, notamment des missiles et des tireurs d'élite, en soutien au M23.
L'avancée des rebelles depuis le début de l'année a forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leurs foyers - en plus des trois millions ayant été déplacés en 2024, selon les données de l'Onu.
Le Conseil de sécurité de l'Onu a tenu dimanche une réunion de crise, au cours de laquelle les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont condamné le soutien du Rwanda à l'avancée des rebelles.
Kigali a estimé que ces déclarations "n'apportaient aucune solution" et a accusé Kinshasa d'avoir déclenché la récente escalade.
"Les combats près de la frontière rwandaise continuent de représenter une menace sérieuse pour la sécurité et l'intégrité territoriale du Rwanda, et nécessitent une posture défensive soutenue du Rwanda", a déclaré le ministère rwandais des Affaires étrangères.
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