L'Espagnol "Ali" Javier Puertas a toujours eu l'esprit curieux lorsqu'il grandissait dans la région aride du sud de l'Espagne.
Bien qu'issu d'un foyer typiquement chrétien de la région autonome d'Andalousie, M. Puertas explique que ses parents l'ont toujours laissé suivre son propre chemin dans la vie.
Mais sa curiosité à remettre les choses en question lui a valu d'être renvoyé de son cours de bible, après que le professeur lui a dit : "Tu viens ici pour croire, pas pour être dans l'erreur".
"Les années ont passé, je suis allé à l'université à 22 ans et je me suis lié d'amitié avec un Marocain musulman", explique M. Puertas à TRT World.
Tous deux âgés d'une vingtaine d'années, Puertas et Alal, son ami musulman marocain, s'affrontaient, notamment lors de leurs examens de droit.
En deuxième année, Alal a suggéré que Puertas le surpasserait probablement, car son énergie était concentrée sur le ramadan.
Bien qu'il ne sache rien du mois de jeûne sacré de l'islam, Puertas a voulu égaliser les chances et a donc décidé de faire le ramadan avec Alal.
"C'était mon premier ramadan. Nous avons passé les examens et nous les avons tous les deux réussis", raconte Puertas.
Par la suite, Alal a invité Puertas chez lui pour rompre le jeûne et c'est à partir de là que l'Espagnol a commencé à s'intéresser à l'islam.
Il a fini par visiter la mosquée locale de Grenade et fréquenter la madrasa, où il a été encouragé à s'exprimer et à poser toutes les questions qu'il pouvait avoir sur l'islam.
Malgré ses réticences initiales, dues au fait qu'il avait été réprimandé pour avoir remis en question certains aspects du christianisme, sa quête spirituelle l'a encouragé à étudier le Coran.
"C'est comme si un déclic s'était produit", explique M. Puertas, qui ajoute que cette lecture lui a offert une nouvelle façon de "réfléchir".
Après avoir lu la traduction espagnole du Coran, la vie de M. Puertas a pris un nouveau tournant, qu'il décrit comme sa "découverte" et son "point d'inflexion".
Puertas a continué à se familiariser avec l'islam et à poursuivre ses recherches sur cette religion.
Enfin, à l'âge de 25 ans, Puertas a prononcé la chahada, la proclamation solennelle de la foi islamique, qui constitue l'un des cinq piliers de la religion.
Depuis ce moment où il est passé d'une attitude "fermée" à l'acceptation totale d'une nouvelle communauté, Puertas affirme que son voyage dans l'islam l'a aidé à se rapprocher des autres.
Aujourd'hui, Puertas fait partie du nombre croissant de convertis à l'islam en Espagne.
Selon la Commission islamique d'Espagne, il y a 2,5 millions de musulmans en Espagne, ce qui représente environ 5,32 % de la population de 47 millions d'Espagnols. Selon la commission, le nombre de convertis a été multiplié par 10 au cours des trois dernières décennies.
"Aujourd'hui, Grenade compte 36 000 musulmans, dont 3 800 sont des convertis de la troisième génération", explique à TRT World Umar del Pozo, président de l'Association espagnole de la société islamique et de la Fondation de la Grande Mosquée de Grenade.
Il ajoute qu'une tendance similaire se produit en Andalousie dans des villes telles que Jaen, Marbella et Girola.
À Grenade, M. Pozo, qui est né dans une famille musulmane convertie, explique que des témoignages de foi (chahada) sont prononcés la plupart des vendredis parmi les Espagnols et d'autres nationalités, comme les Anglais qui vivent dans la région.
En général, il explique que les gens visitent la ville et s'arrêtent à la mosquée, où leur intérêt est éveillé après avoir discuté de l'islam avec le personnel.
Par la suite, il explique que beaucoup acquièrent de nouvelles connaissances sur la religion, ce qui, selon lui, contrebalance l'image négative de l'islam dans les médias, car beaucoup décident d'accepter la foi dans leur vie.
M. Pozo explique que le confinement de la pandémie a notamment incité les gens à réfléchir et à chercher des réponses aux questions fondamentales qu'ils se posent sur leur vie et leur identité.
"Lorsque le confinement a été levé, les gens sont venus directement à la mosquée et ont prononcé la chahada", explique M. Pozo.
Au pied de la Sierra Nevada, Pozo explique que les convertis ont joué un rôle fondamental dans la construction de la grande mosquée de Grenade, située à Albaicin, le célèbre quartier maure historique. Des rues pavées mènent à la mosquée, qui se trouve en face de l'un des monuments les plus célèbres de l'architecture islamique, l'Alhambra.
Ce palais et cette forteresse rougeâtre faisaient autrefois partie du royaume de la dynastie des Nasrides (1238 à 1492), derniers souverains musulmans de ce qui constitue aujourd'hui l’Espagne. La péninsule ibérique a été purgée de la majorité de sa population musulmane et juive durant les guerres de la Reconquista, tandis que ceux n’ont pu quitter leur patrie ont été christianisés de force par l’Inquisition.
"L'histoire de la mosquée est passionnante, car tout remonte au moment où Abdalqadir as-Sufi nous a dit de faire la prière de l'Aïd à la mosquée de Cordoue, car c'est là où la communauté a commencé", explique M. Pozo.
Au début des années 80, la communauté, composée en grande partie de musulmans convertis, a suivi les instructions du cheikh ou leader as-Sufi et a demandé aux autorités ecclésiastiques l'autorisation de pratiquer leur culte dans la région.
Cependant, le grand nombre de fidèles, notamment les musulmans pakistanais qui travaillaient à l'époque dans les mines de Cordoue, a entraîné des problèmes au sein de la communauté, se rappelle M. Pozo. La communauté musulmane s'est donc installée à Grenade dans l'espoir d'obtenir un terrain pour construire sa propre mosquée.
Le projet de mosquée a mis 20 ans à aboutir, avec l'aide du roi Hassan II du Maroc.
Selon M. Pozo, la découverte d'un "ancien mur ibérique" a entravé la construction de la mosquée, ce qui a entraîné une bataille juridique qui a duré 13 ans.
"Il est important de mentionner que la communauté des musulmans convertis n'a jamais cessé de travailler", déclare M. Pozo, soulignant leur "patience" pour voir le rêve d'une mosquée se réaliser, beaucoup d'entre eux ayant cherché de l'aide à l'étranger.
Après le décès du roi Hassan II du Maroc, l'émir de Sharjah, dans les Émirats arabes unis, a apporté une aide supplémentaire de 4,5 millions de dollars, tandis que le sultanat de Brunei et la Malaisie ont également apporté leur contribution.
M. Pozo précise que le maire d'Istanbul de l'époque, Recep Tayyip Erdogan, aujourd'hui président de la Turquie, a effectué deux visites qui ont contribué à la construction. À une occasion, Erdogan est venu accompagné de son épouse, investissant dans des travaux de calligraphie pour apporter son aide à la mise en œuvre d’une partie de l'intérieur de la mosquée.
En 2003, après environ cinq siècles sans mosquée, Grenade a finalement ouvert sa première mosquée dans la ville qui était autrefois l’un des bastions de la civilisation islamique.
Aujourd'hui, M. Pozo explique que le vendredi, 350 personnes sont accueillies à la mosquée qui, outre sa salle de prière, comporte également des jardins extérieurs, une bibliothèque publique, et offre un éventail d'activités dont des cours d’apprentissage du Coran et de la langue arabe.
Mais ce ne sont pas seulement les locaux qui visitent le site religieux, la mosquée suscite également un intérêt croissant de la part des visiteurs étrangers, en particulier d'Indonésie et de Malaisie, et d'un nombre croissant de convertis que M. Pozo décrit comme une communauté diverse et unie à Grenade.
Il explique qu'ils prient ensemble avec des ressortissants du Maroc, du Pakistan, d'Espagne et d'Angleterre. Si les habitants sont confrontés à des problèmes de loyer, de nourriture ou à des moments difficiles pour les familles, tels que les décès et les enterrements, il affirme qu'ils sont soutenus par les membres de la communauté de la mosquée.
En Espagne, de plus en plus de personnes se convertissent à l'islam dans leur quête d’une vie épanouie. "Les gens recherchent la paix dans leur cœur. L'islam leur apporte cette paix", conclue notre interlocuteur.