Le Maroc, frappé vendredi soir par un séisme meurtrier et destructeur qui a fait plus de 2.000 morts et plus de 2 400 blessés, n'a toujours pas formulé officiellement une demande d'aide internationale et a pour l'instant accepté l'aide de l'Espagne, de la Grande-Bretagne, du Qatar et des Émirats arabes unis. Alors que de nombreux autres pays, dont les Etats-Unis, avaient proposé leur aide au Maroc, le manque de réponse du Maroc à la proposition de la France a pris une dimension particulière dans la presse française qui pointe des relations tendues entre les deux pays.
"Une mauvaise polémique"
“Les relations conflictuelles entre Paris et Rabat à propos du Sahara occidental compliquent la donne dans l'offre d'assistance du président français au Maroc, après le séisme”, affirme Les Echos “Entre la France et le Maroc, une relation des plus tendues”. Il s’agit d’un “enjeu d’image et diplomatique pour Rabat”, écrit le Parisien dans son article Séisme au Maroc : la solidarité… et la gêne.
Mais la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a appelé lundi à ne pas créer de "mauvaise polémique" autour de l'aide éventuelle de la France au Maroc après le séisme dévastateur.
"C'est une mauvaise querelle, une querelle tout à fait déplacée", a-t-elle déclaré, sur la chaîne BFM qui l'interrogeait sur les raisons pour lesquelles le Maroc n'avait pas demandé d'aide de Paris alors qu'il a accepté celles de l'Espagne et du Royaume-Uni.
"Le Maroc n'a refusé aucune aide, aucune proposition. Ce n'est pas comme ça qu'il faut présenter les choses", a-t-elle déclaré, martelant que "le Maroc est souverain". "Il est seul en mesure de déterminer quels sont ses besoins et le rythme auquel il souhaite que des réponses soient apportées", a-t-elle ajouté.
"Nous sommes à la disposition des autorités marocaines et nous leur faisons toute confiance pour organiser les secours de la façon dont il leur paraît la meilleure", a-t-elle également déclaré, mettant de côté les tensions dans les relations entre les deux pays.
"Les Marocains gèrent le Maroc"
Le Maroc n’a accepté l’aide que de quatre pays : Espagne, Grande-Bretagne, Qatar et Émirats arabes unis. C’est une décision prise après "une évaluation minutieuse des besoins sur le terrain", assure le gouvernement marocain. Tout en remerciant tous les pays qui ont proposé l'envoi de secouristes, les autorités marocaines affirment que le Maroc a accepté celle de quatre d'entre eux uniquement "en tenant compte du fait qu'une absence de coordination pourrait être contre-productive".
L’enjeu n’est pas d’accepter ou non de l’aide mais surtout de coordonner l’arrivée de l’aide sur le long terme. En effet, le Maroc pourrait accepter l’aide des autres pays quand il en aura besoin dans les prochains jours et notamment pendant la reconstruction des villes. Il faut que l’aide étrangère soit en pleine coordination, sinon cela risquerait d’aggraver la situation.
"Le Maroc essaye pour l'instant de coordonner sa propre aide", expliquait lundi Patrick Sauce, éditorialiste politique internationale BFMTV. "Entre les différents étages: local, régional, national. Il y a des instructions qui ont été données par le Roi Mohammed VI. Pour l'instant, les Marocains gèrent le Maroc", résumait-il.
Des relations froides
Les relations entre la France et le Maroc sont difficiles depuis quelque temps. Le poste d'ambassadeur du Maroc en France était resté vacant pendant plus de trois mois avant la nomination en décembre de François Courtier et la visite du président français au Maroc ne s'est toujours pas concrétisée. Catherine Colonna a toutefois assuré que les relations étaient loin d'être rompues, soulignant qu'Emmanuel Macron avait échangé "à de nombreuses reprises" au cours de l'été avec le roi du Maroc Mohammed VI.
Elle a elle-même longuement échangé avec son homologue marocain dimanche.
"Tous les contacts sont pris à tous les niveaux. Mettons ça (les tensions) de côté. Des gens souffrent. Des gens ont besoin d'aide", a-t-elle insisté.
La cheffe de la diplomatie française a par ailleurs annoncé une aide de 5 millions d'euros pour aider les ONG qui sont actuellement "sur place".
Des associations et des équipes sur place
Paris est particulièrement investi aux côtés du Maroc, quatre ressortissants français ont été tués dans le séisme, selon un bilan provisoire, et 15 autres ont été blessés. La France compte par ailleurs des centaines de milliers de ressortissants binationaux franco-marocains.
La solidarité en provenance de France s'est organisée malgré l'absence de feu vert officiel à l'aide humanitaire française. De nombreuses organisations caritatives françaises ont lancé des appels au don. En raison de leur statut non gouvernemental, ces organisations peuvent déjà agir sur le terrain grâce aux fonds qu'elles ont à leur disposition.
Le Secours populaire français a annoncé qu'il allait utiliser 200 000 euros de son fonds d'urgence pour venir en aide aux enfants et aux familles touchés par la catastrophe. De plus, un montant de 500 000 euros a été collecté en dons, tandis que la Fondation de France a déjà alloué 250 000 euros pour aider les victimes.
Dans la nuit de samedi à dimanche, cinq membres de l'association française Ulis (Unité légère d'intervention et de secours) sont arrivés sur place pour participer aux opérations de secours et de recherche des personnes disparues, accompagnés de quatre chiens renifleurs. La Protection civile se tient également prête à mobiliser une équipe d'environ trente personnes, comprenant des médecins, des infirmiers, des sauveteurs, des déblayeurs et des maîtres-chiens, comme l'a indiqué leur porte-parole, Jérémy Crunchant.