Aux confins de la Corne de l'Afrique, du Sahel et du Moyen-Orient, le Soudan est plongé dans le chaos depuis que le 15 avril, les deux généraux arrivés au pouvoir par un putsch ont retourné leurs armes l'un contre l'autre.
Depuis, les combats entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo ont fait 3.000 morts et plus trois millions de déplacés et réfugiés.
L'Egypte, grand voisin influent du nord, a reçu le plus gros contingent avec plus de 255.000 réfugiés, suivie du Tchad (240.000) et du Soudan du Sud (160.000).
La communauté internationale qui avait promis 1,5 milliard de dollars lors d'un sommet en juin "doit tenir ses promesses" et "aider les pays voisins", a martelé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
"Circulation des armes"
"En une semaine, nous avons reçu plus de 150.000 personnes, en majorité des femmes et des enfants" fuyant le Darfour, où les pires atrocités sont recensées, a abondé le président tchadien, le général Mahamat Idriss Déby Itno.
De nouveau jeudi, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU a rapporté qu'au moins 87 personnes apparemment tuées par les FSR et leurs alliés avaient été enterrées dans une fosse commune au Darfour où l'ONU évoquait déjà de possibles "crimes contre l'humanité" dans un conflit désormais ethnique.
Déplorant "une flambée des prix" et des "pénuries" dans les régions frontalières, le président centrafricain Faustin Archange Touadéra, a mis en garde contre une hausse de "la circulation des armes légères à travers les frontières poreuses".
Les sept pays réunis au Caire, aux côtés des patrons de l'Union africaine et de la Ligue arabe ont souligné qu'ils feraient tout pour éviter que le Soudan ne devienne "un eldorado pour le terrorisme et le crime organisé", selon leur communiqué commun.
Mais sur le terrain, jeudi encore, les millions d'habitants de Khartoum sont sous les bombes: ils rapportent à l'AFP des combats à l'arme lourde en différents quartiers.
Et, comme dans la plupart des Etats du Soudan depuis 24 heures, ils n'ont plus d'électricité.
A Wad Madani, la ville où s'entassent la plupart des déplacés à 200 km au sud de Khartoum, la coupure du courant a en plus privé de nombreuses familles de l'accès à l'eau, faute de pompes. Une file d'attente devant un point d'eau atteint 300 mètres, a constaté un correspondant de l'AFP.
Famine, pluies, épidémies
Au Soudan, l'un des pays les plus pauvres au monde, plus d'un habitant sur deux a besoin d'aide pour survivre, l'alerte à la famine est maximale et plus des deux-tiers des hôpitaux sont hors service.
Avec la saison des pluies qui a débuté, les épidémies vont exploser, comme chaque année, dans un contexte de malnutrition aggravée.
Les humanitaires, eux, continuent de réclamer un accès aux zones de combat en vain. Les autorités, disent-ils, bloquent l'aide aux douanes et ne délivrent pas de visas aux humanitaires.
Jeudi, Human Rights Watch (HRW) pointe du doigt un autre obstacle: la décision de l'Egypte en juin de demander des visas à tous les Soudanais. Alors qu'avant, les femmes, les enfants et les hommes de plus de 50 ans n'en avaient pas besoin.
Cela "met en danger de mort des demandeurs d'asile", selon l'ONG.
Quant aux efforts diplomatiques, jusqu'ici emmenés par Saoudiens et Américains seuls, ils n'ont abouti qu'à de courtes trêves rapidement violées.
Les pays africains tentent de reprendre la main. Mais la dernière réunion de l'Igad, le bloc de l'Afrique de l'Est, à Addis Abeba lundi a été boycottée par l'armée soudanaise.
Malgré tout, a plaidé le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, "nous devons nous aligner sur les mécanismes de l'Igad et de l'Union africaine", a-t-il dit en Egypte, un pays avec lequel il est régulièrement à couteaux tirés, notamment sur le dossier soudanais.