Dans la vieille ville de Homs, des enfants et un adulte peignent le nouveau drapeau de la Syrie/ Photo: AFP (AFP)

Le 8 décembre, les Syriens de France sont restés collés à leur téléphone ou devant leur télé. Ils ne pouvaient y croire.

Nawar Al Bulbul est un acteur syrien. Il vit actuellement dans le sud. Son implication dans les manifestations à Damas et à Homs, sa ville d’origine, ont failli le conduire dans les geôles syriennes. Le 8 décembre dernier, euphorique, il publie sur son compte X une photo de lui, le drapeau de la révolution syrienne sur les épaules.

“Le cauchemar est fini. La joie est partout même si des problèmes au quotidien persistent. Mais chaque jour, ça va mieux”, assure-t-il à TRT Français.

Nadia Al-Soleman est aussi originaire de Homs. Elle habite actuellement en France et est directrice de l’association AREA. “On ressent beaucoup de joie, après cinquante années de tyrannie. C’est un moment historique pour la Syrie. On peut maintenant commencer à réfléchir à l’avenir de notre pays“, souligne-t-elle dans une interview à TRT Français.

Les forces d’opposition, qui ont fait chuter le régime de Bachar Al-Assad, portent le nom de Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Des pays occidentaux dont la France, qui considéraient ce mouvement comme étant un groupe terroriste, examinent la possibilité de le retirer de leurs listes d’organisations terroristes.

Un espoir teinté d’angoisse

Les médias occidentaux mettent en garde contre les risques de guerre entre les communautés. Nawar Al Bulbul est malgré tout optimiste.

“Les Syriens sont très prudents. Et ce, pour ne pas tomber dans les mêmes travers qu’un régime dictatorial. Il y a autour de nous l’Irak, la Libye. On ne veut pas de guerre entre nous. Mais, surtout, la plus grande différence, c’est que ce sont des Syriens qui ont fait tomber les statues de Hafez et Bachar Al Assad et pas une armée étrangère”, affirme l’acteur syrien en exil.

Nadia Al-Soleman nuance. Sa ville Homs compte aussi bien des chrétiens, des alaouites, que des druzes et des sunnites. “Depuis 2011, le régime de Bachar a exacerbé le sentiment confessionnel, et aujourd’hui on peut assister à des vengeances individuelles, c’est certain. Mais depuis la France, on organise des comités locaux dans Homs pour apaiser les tensions”. La jeune femme est alaouite et lors de l’avancée des forces armées d’opposition, sa famille et sa communauté, qui est importante à Homs, était anxieuse. “Il y a une semaine, la peur était réelle, la tension baisse aujourd’hui”, dit-elle simplement.

La France a coupé ses relations avec la Syrie en 2012

Avec d’autres militants, Nadia organise des comités de “paix civile” à Homs pour, par exemple, le nettoyage des rues, et pas moins de mille personnes vérifient les informations et rumeurs qui risquent de déclencher des échauffourées.

Nadia reste pragmatique. “Il y avait une mission, faire tomber Bachar. Maintenant il faut laisser la place à un processus de reconstruction démocratique. On a des inquiétudes mais aussi beaucoup d’espoir”.

La France a soutenu les mouvements de contestation dès 2011, mais en 2012, Nicolas Sarkozy prend une position très critique envers Bachar Al-Assad croyant à une chute imminente du régime. Le 2 mars 2012, Paris ferme son ambassade à Damas emboitant le pas aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Sous la présidence de François Hollande, la France aide à la reconnaissance internationale de l’opposition syrienne (le Conseil national syrien puis la Coalition nationale syrienne) et surtout décide de rejoindre la coalition internationale qui va bombarder Daesh notamment en Syrie. Emmanuel Macron prend une position plus pragmatique, le Quai d’Orsay va essayer de réintégrer Damas dans le jeu diplomatique.

Il suit un peu le jeu de François Mitterrand qui comme d'autres avant lui considère que les Al-Assad sont “le moindre mal”, ils assurent une forme de stabilité dans la région et avoir une relation même bancale permet de limiter sa capacité de nuisance envers les intérêts français au Liban notamment.

La France aujourd’hui a pris contact avec les nouveaux dirigeants intérimaires de la Syrie. Ce 17 décembre, Jean-François Guillaume, l’envoyé spécial français à Damas a déclaré: “la France se prépare à être aux côtés des Syriens dans la durée". Paris compte rouvrir son ambassade, et a promis de l’aide humanitaire et un soutien dans la poursuite des responsables de tortures du régime de Bachar Al-Assad.

TRT Francais