Des tensions électrisent les campus américains, depuis lundi, des manifestants pro-palestiniens se disant déterminés, malgré la forte présence policière, à se battre pour leur liberté d'expression face à la droite qui les accuse d'antisémitisme.
Lundi, sous un soleil printanier, des dizaines de tentes sont plantées sur la grande esplanade de l'université Columbia à New York, occupée par les manifestants. Ils dénoncent la guerre menée par Israël à Gaza, territoire palestinien en proie à un désastre humanitaire.
À l'entrée du campement, un groupe d'étudiants distribue des masques et contrôle les entrées. "Nous nous engageons à ne pas partager les noms ou les informations sur qui que ce soit (...), pas même à la police ou à l'administration", peut-on lire sur une affiche.
Depuis jeudi, préambule au campement estudiantin du lundi, l'arrestation d'une centaine de personnes lors d'un rassemblement sur le campus, a accentué les tensions, d'abord à Columbia puis sur de nombreux campus dans le pays.
La présidente de Columbia, Nemat Shafik, a décidé, lundi, que tous les cours se tiendraient en distanciel et a appelé dans un communiqué à "remettre les choses dans l'ordre".
"On restera ici jusqu'à ce qu'ils nous parlent et écoutent nos demandes", affirme à l'AFP Mimi Elias, étudiante qui dit faire partie des personnes arrêtées et, depuis, suspendues par l'université.
"99% des gens sont ici pour la libération de la Palestine", fait-elle valoir. "Nous ne sommes pas pour l'antisémitisme ni pour l'islamophobie. Nous voulons la libération de tout le monde".
Ces manifestations "se sont transformées en une question sur la liberté d'expression", a résumé à l'AFP un étudiant ne soutenant aucun des deux camps, et qui n'a pas souhaité donné son nom.
- "Dire ce que l'on a à dire" -
"L'une des choses les plus importantes quand on est étudiant, c'est de pouvoir explorer et dire ce que l'on a à dire, sans être puni et sans que la police ne débarque sur le campus", insiste-t-il.
Les arrestations, c'était "l'option nucléaire", regrette Joseph Howley, professeur de grec et de latin à Columbia, estimant que l'université a "empiré la situation".
Membre d'un groupe d'enseignants pro-palestinien, il accuse "l'extrême droite américaine" de vouloir museler les "opinions politiques qu'elle n'aime pas". "Aujourd'hui, c'est sur Israël et la Palestine. La semaine prochaine, ce sera sur les questions raciales ou de genre, les vaccins ou le climat", s'inquiète-t-il.
Le débat fait rage au sein du monde universitaire entre, d'un côté, ceux qui dénoncent les manifestations provoquant, selon eux, une montée de l'antisémitisme, et de l'autre, ceux qui défendent la liberté d'expression, en l'occurrence en faveur de la cause palestinienne.
"C'est un sujet très, très sensible. On essaie de faire de notre mieux", a déclaré, lundi, Mike Gerber, responsable aux affaires juridiques de la police new-yorkaise. "Aucune forme de violence ne sera tolérée".
Plus au sud de Manhattan, le campus de la New York University (NYU) est aussi sous tension. La direction a demandé à des manifestants d'évacuer une place. Les policiers ont commencé à arrêter des étudiants dans la soirée du lundi, selon le New York Times.
- "Anarchie" -
Sur le campus de l'université Yale, au nord de New York, des centaines d'étudiants ont agité drapeaux et pancartes pro-palestiniens. Au moins 47 personnes ont été arrêtées, selon un communiqué de l'université diffusé lundi.
A Boston, Rayan Amim, étudiant à l'Emerson College, a expliqué à l'AFP manifester "pour condamner sans relâche le génocide en cours des Palestiniens de Gaza et le nettoyage ethnique qui dure depuis plus de 75 ans".
Le parc au cœur du campus de Harvard est fermé au public pour toute la semaine. Un groupe pro-palestinien a annoncé sur Instagram sa suspension par l'université.
Les campus américains sont le théâtre de tensions depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre.
Dénonçant ce qu'ils considèrent comme de l'antisémitisme, des républicains se sont emparés, dès l'automne, du sujet. Après une audition houleuse au Congrès, les anciennes présidentes de l'université de Pennsylvanie et d'Harvard ont démissionné.
Celle de Columbia, entendue la semaine passée au Congrès, a assuré que "'lantisémitisme (n'avait) rien à faire sur notre campus", ce qui n'a pas empêché les appels à sa démission d'élus républicains, qui dénoncent "l'anarchie".
Lundi, le président américain, Joe Biden, a condamné les "manifestations antisémites" tout en dénonçant "ceux qui ne comprennent pas ce que vivent les Palestiniens".