Six mois après le début de l’offensive militaire sur Gaza, Israël donne l’impression de se comporter comme si le Sinaï égyptien faisait partie intégrante de son territoire. Un territoire dans lequel il agirait à sa guise, sans aucun consentement.
Après avoir presque vidé le nord et le centre de l’enclave palestinienne de ses habitants et piégé plus d’un million de personnes à Rafah, tout indique qu’Israël semble préparer l’expulsion des Palestiniens de Gaza vers le désert égyptien du Sinaï.
Wikileaks, l’ONG créée par le journaliste Julian Assange a publié le 30 octobre 2023 des informations classifiées, dont un document datant du 13 octobre du ministère israélien des Renseignements, repris par le journal “Mekomit”. Il y est question de déplacement forcé des civils de Gaza vers le désert du Sinaï Égyptien, sans l’aval du Caire.
Dans cette perspective, révèle le document du ministère des Renseignements, Israël construirait une ville de tentes dans le Sinaï, contre le gré de l’Égypte, qui serait placée devant le fait accompli. Un corridor pour permettre à la population gazaouie de rejoindre le désert du Sinaï viendrait compléter ce plan.
D’après un article d’opinion de Malik Ghazawy, journaliste à la BBC paru dans le Middle East review monitor, Israël nourrit depuis environ 57 ans un ambitieux plan visant à “reprendre la péninsule stratégique du Sinaï, ou au moins une partie de celle-ci”.
Le journaliste qui exploite des documents issus des archives nationales britanniques de Kew, révèle par ailleurs que le plan “impliquait des lobbyistes pro-israéliens en Occident et remet en question la légitimité de la souveraineté égyptienne sur ce territoire stratégique après la guerre des Six Jours de juin 1967.
Pendant la guerre, Israël a occupé le Sinaï, la Cisjordanie et Gaza en Palestine, ainsi que le plateau du Golan syrien. La péninsule du Sinaï d’une superficie d’environ 61 000 kilomètres carrés, équivaut à environ six pour cent de la superficie totale de l’Égypte, mais près d’un quart de la superficie d’Israël.
Les documents d’archives, remis au goût du jour par le journaliste Malik Ghazawy, établissent que les britanniques reconnaissent la souveraineté égyptienne sur le Sinaï.
Les Israéliens ont essayé de convaincre les Britanniques que “ les prétentions [de l’Égypte] de posséder le Sinaï doivent être considérées comme douteuses et même moins durables que celles d’Israël “.
C’est dans cette logique que, deux ans après l’occupation israélienne du Sinaï en 1969, le Jewish Observer and Middle East Review, alors publication officielle de la Fédération sioniste de Grande-Bretagne, a publié un article avec en couverture une légende intitulée “ Le Sinaï sans les Égyptiens – un nouveau regard sur le passé, le présent et futur”.
Cette campagne avait déclenché une discussion au sein du ministère britannique des Affaires étrangères et du Commonwealth (le FCO, appelé à cette époque Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement), insiste Malik Ghazawy. Ces révélations ont valu au journaliste d’être traité d’anti-sémite en Angleterre.
Malgré une intense campagne des lobbyistes occidentaux en faveur d’Israël, les Britanniques ont conclu qu’”aucune revendication israélienne de souveraineté sur une quelconque partie du Sinaï ne se tiendrait”.
Aujourd’hui, Israël piétine les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et donne
l’impression de vouloir réaliser cette vieille obsession.
L’entêtement de Benjamin Netanyahou à vouloir absolument lancer un assaut de grande envergure sur Rafah est à réévaluer à la lumière de ces archives.
Sans issue pour regagner le nord ou le centre de Gaza, la seule perspective pour le million et demi d’habitants de Rafah, serait alors de se réfugier dans le désert du Sinaï.
Ce scénario est rejeté par le Caire qui le considère comme une ligne rouge, aux conséquences imprévisibles. .