C’est une mauvaise nouvelle de plus pour la Nouvelle-Calédonie. 22 000 personnes ont déjà perdu leur emploi à cause des quatre semaines d’émeutes entre mai et juin. Cette fois, c’est l’une des principales usines de la province Nord qui va fermer. Koniambo Nickel SAS est en sommeil depuis six mois.
Glencore, le groupe anglo-suisse est actionnaire à 49% de cette usine qui n’a jamais été rentable, et a accumulé les pertes. La chute du cours du nickel sur le marché mondial a décidé le groupe industriel à jeter l’éponge. La Société minière du Sud Pacifique, qui représente les intérêts de la province Nord est le second actionnaire mais elle ne peut, seule, assumer le fonctionnement de l’usine.
Crise mondiale du nickel
Le cours mondial du nickel a chuté de 45% en 2023, en raison de la surproduction de l’Indonésie qui en détient les plus importantes réserves mondiales. Le pays récupère ainsi des parts de marché lorsque ses concurrents arrêtent leur activité.
Dans ce contexte défavorable, l’usine calédonienne n’attire pas de nombreux investisseurs. Trois repreneurs potentiels sont sur les rangs mais rien n’a été signé, et la reprise pourrait ne concerner qu’une partie des activités comme l’extraction minière ou le port en eau profonde. L’activité métallurgique semble moins intéressante même si le nickel est utilisé pour produire l’acier inoxydable et les batteries de voitures.
Construite en 2010, lancée en 2013, cette usine devait permettre de développer le Nord de l’archipel, et ce fut le cas. De nombreuses entreprises se sont développées autour du complexe industriel. La zone a même gagné des habitants alors que l’archipel se dépeuple. La fermeture de l’usine va remettre tout cela en question. Elle va entraîner des pertes d’emplois avec un effet domino, les sous-traitants, les commerçants sont concernés. C’est également une perte de revenus pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
La doctrine nickel des indépendantistes mise à mal
Aujourd’hui ce n’est pas une usine mais tout le secteur du nickel calédonien qui est touché de plein fouet par la chute des cours du nickel et la hausse du coût de l’énergie. L’usine gérée par une filiale du groupe français Eramet (SNL) a enregistré une chute de ses ventes de 50 % en 2023. La troisième unité de production du nickel, l’usine Prony Resources située à Goro doit trouver un repreneur d’ici mars 2025 pour remplacer le négociant suisse Trafigura qui se désengage.
Lors d’un reportage sur la chaîne locale Calédonia, un ouvrier du nickel racontait son angoisse de perdre son emploi. “Notre usine, c’est aussi le projet de notre pays.” Cette phrase n’est pas anodine, l’extraction et la transformation locale du nickel devait être la pierre angulaire du projet indépendantiste, le nickel, cette richesse naturelle de l’archipel devait permettre à la Nouvelle-Calédonie d’envisager l’indépendance sans angoisse.
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La Grande Terre, principale île de l’archipel recèle entre 20 % et 30 % des réserves mondiales et produit 8 % du nickel transformé. Lors des accords de Matignon, la compétence du nickel a été transférée au gouvernement local. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a élaboré une “doctrine nickel” qui prévoit la maîtrise de la ressource, l’arrêt des exportations de minerai brut et la prise de contrôle des unités de production.
Mais aujourd’hui, le nickel produit en Nouvelle-Calédonie est trop cher et se vend mal. Sollicitée pour relancer le secteur, le gouvernement français a répliqué en juillet 2023 que la France n’allait pas subventionner un modèle économique non-rentable. En d’autres termes, Paris souhaite que le gouvernement local accepte d’exporter son minerai brut, et laisse tomber “la doctrine nickel”.