PAR: BALA CHAMBERS
Samedi matin, le groupe palestinien Hamas a lancé l'opération "Déluge d'Al Aqsa" en lançant des centaines de roquettes et en envoyant des fantassins en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime.
Les vidéos montrant des combattants du Hamas volant en parapente près d'une fête dansante israélienne en plein air et des hommes lourdement armés à bord de camionnettes parcourant les villes israéliennes ont pris de court Tel-Aviv et le monde entier.
Le groupe a annoncé que cet assaut secret était une réponse à la prise d'assaut israélienne de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem-Est occupée et à l'augmentation des actes de violence commis par les colons à l'encontre des Palestiniens.
Depuis sa création en 1987, le Hamas a joué un rôle de premier plan dans la résistance palestinienne, en particulier lors de la deuxième intifada ou soulèvement de 2000 à 2005.
Néanmoins, un débat a entouré la capacité militaire du groupe qui s'est appuyé sur des projectiles artisanaux pour riposter aux agressions israéliennes, au moment où l'armée israélienne est équipée d'armes de pointe, notamment d'avions de chasse, de chars et de missiles balistiques.
Certains analystes estiment que les groupes palestiniens ont opté pour une stratégie de guerre asymétrique contre Israël, en utilisant des moyens non conventionnels pour affronter un adversaire mieux équipé.
Et pour cause : Israël dispose du 15e budget militaire le plus important au monde et fait partie des pays qui dépensent le plus par habitant en armement. Il est également le 12e exportateur mondial d'armes et l'armée israélienne a une capacité de mobilisation d'un demi-million de soldats, rappelle Akram Kharief, expert en sécurité,
En revanche, le Hamas est "essentiellement une milice paramilitaire qui n'a pas accès au marché mondial de l'armement et dont les ressources financières sont limitées", la bande de Gaza étant fortement tributaire de l'aide du Qatar et d'autres pays, fait-il remarquer.
Fabian Hinz, chercheur en défense et analyste militaire, rappelle que le Hamas a commencé comme "une milice très ordinaire avec le type d'équipement et de capacités que l'on peut attendre d'une milice et qu'il a progressivement élargi ces capacités".
Une histoire d'indigénisation
"Au début, ils n'avaient que des grenades propulsées par fusée, des roquettes d'artillerie plus légères", indique Hinz qui note l'utilisation de la roquette Katyusha qui avait été "introduite en contrebande" à Gaza.
Au début des années 2000, selon Kharief, de nombreuses armes ont été introduites en contrebande depuis l'Égypte et la Libye.
Ensuite, les Brigades Qassam, l'aile militaire du Hamas, ont commencé à importer des roquettes d'Iran et de Syrie, explique M. Kharief, en mentionnant les roquettes de la série Fadjr d'une portée de 40 à 75 km, fabriquées en Iran.
Cependant, depuis 2003, l'industrie de défense locale de Gaza s'est développée pour fabriquer des roquettes, des missiles et des drones, tandis qu'au cours des deux dernières décennies, des "criminels israéliens" et des trafiquants d'armes auraient fourni des cargaisons d'armes, rappelle-t-il encore.
Après le blocus de 2007, Kharief affirme que les groupes palestiniens de Gaza ont commencé à produire des "copies" des roquettes introduites dans la région au cours des années précédentes.
Le Hamas a d'abord mis au point des roquettes Q-12 et Q-20 de courte portée (entre 12 et 20 km), avant de commencer en 2016 à produire des roquettes R-160, qui peuvent atteindre des cibles à une distance de 160 km. Les fusées A-120 et J-19 ont des portées respectives de 120 km et 90 km. "Cette dernière est la plus utilisée pour les barrages d'artillerie et les attaques contre Tel Aviv et d'autres villes", explique M. Kharief.
"Cette augmentation de la portée a également été suivie par des tactiques de saturation ; au lieu de lancer quelques roquettes, le Hamas lance des salves allant jusqu'à 400 roquettes par jour", ajoute M. Kharief.
Il décrit cette tactique comme un moyen d'augmenter le nombre de "frappes réussies" et de créer la "panique".
Dans le cadre de la stratégie du Hamas, Hinz fait remarquer que le recours à la contrebande fait que la quantité d'armes reçue est limitée, alors qu'il était important pour la stratégie du Hamas "d'acquérir un énorme stock afin d'avoir une sorte de force de dissuasion".
"Et c'est quelque chose qu'ils ont réussi à faire en lançant leur propre production (sur le même modèle) que le Jihad islamique palestinien et il y a pas mal d'indications, en particulier avec le Jihad islamique palestinien mais aussi avec le Hamas, que l'Iran a été essentiel pour leur permettre de vraiment construire leurs capacités de production locales", affirme Hinz.
Lors du dernier conflit, les Brigades Qassam ont déclaré dans un communiqué qu'elles avaient également lancé 35 de leurs drones d'attaque Al Zawari contre Israël.
Les véhicules aériens sans pilote (UAV) fabriqués par le Hamas sont des aéronefs pilotés à distance ou autopilotés qui transportent toute une série de technologies, notamment des caméras. Les drones portent le nom de leur inventeur, l'ingénieur tunisien Mohamed Al Zawari, qui aurait été assassiné par les Israéliens en 2016.
Pour l'opération "Déluge d'Al-Aqsa" de samedi, le Hamas a déclaré avoir tiré des roquettes et capturé des otages israéliens.
L'armée israélienne a depuis lancé l'opération "Épées de fer" contre le Hamas, notamment en lançant des frappes aériennes sur l'enclave palestinienne de Gaza.
Samedi, le cabinet de sécurité israélien a annoncé qu'il était en "état de guerre".
"Ces roquettes tirées par le Hamas et le Jihad islamique palestinien peuvent être interceptées. Les Israéliens disposent de très, très bons systèmes pour intercepter ce type de roquettes - le Dôme de fer", explique M. Hinz.
En mars 2011, Israël a déployé ce qui était largement considéré comme un système de défense contre les roquettes à la pointe de la technologie - le Dôme de fer - dans le but de lutter contre la menace des projectiles en provenance de Gaza. Entre 2011 et 2021, les États-Unis ont contribué à hauteur d'environ 1,6 milliard de dollars au système de défense, alors que quatre ans plus tôt, le Dôme de fer avait été approuvé et développé pour la première fois par Rafael, un entrepreneur local du secteur de la défense.
Une question de coût
Construites dans des ateliers de fortune à Gaza, les roquettes utilisées par le Hamas coûtent environ 2 000 dollars l'unité.
Leur faible coût signifie qu'elles ne sont pas équipées de composants et de circuits électroniques avancés qui constituent l'essentiel des missiles modernes, explique M. Kharief.
"Les roquettes peuvent être fabriquées dans n'importe quelle forge ou atelier de soudure et peuvent être stockées directement dans les plates-formes de lancement cachées ou dans des installations de stockage souterraines", note-t-il.
Cependant, cet expert avance que chaque missile tiré dans le ciel nocturne par le Dôme de fer israélien coûte environ 50 000 dollars, tandis que chaque batterie - le système de lancement du missile - coûte environ 50 millions de dollars.
Par conséquent, selon M. Kharief, le coût réel par interception se situe entre 100 000 et 150 000 dollars, en raison des échecs et des interceptions qui tournent mal.
Il estime que le Hamas dispose potentiellement de 30 000 à 50 000 roquettes dans son arsenal, ce qui signifie que l'armée israélienne ne serait jamais en mesure de les intercepter complètement, ce qui aurait un impact de "plusieurs centaines de milliards de dollars" sur le budget de la défense israélienne.
Hinz fait également remarquer que l'équilibre des coûts est en faveur du Hamas et du PIJ, car les roquettes sont moins chères que les Tamir.
Toutefois, il estime que cela ne tient pas compte de l'essentiel, étant donné que les roquettes tirées par le Hamas visent "l'arrière-pays israélien, et pas seulement les communautés frontalières" et "les principaux centres urbains israéliens" afin de produire une sorte d'"effet psychologique".
Même si la plupart des roquettes sont interceptées, celles qui échappent parfois à l'interception, explique-t-il, causent des dommages importants, mais ne sont pas "militairement significatives" et permettent de "dissuader dans une certaine mesure" les forces israéliennes d'entreprendre "certaines actions".
"Bien sûr, si vous avez ce niveau de dissuasion, vous pouvez l'utiliser pour développer vos capacités militaires. La constitution de cet arsenal de roquettes a donc été un pilier essentiel, je dirais, de la stratégie militaire du Hamas et du Jihad islamique palestinien (PIJ)", ajoute M. Hinz.
Israël a imposé un siège total à Gaza en coupant l'électricité, la nourriture, l'eau et le carburant.
À ce jour, le nombre de Palestiniens tués par les forces israéliennes à Gaza s'élève à plus de 700, selon le ministère de la santé basé à Gaza, et 4 000 blessés ont été recensés.
Au moins 900 Israéliens ont été tués et plus de 2 600 autres blessés au cours de ce conflit, indique le ministère israélien de la santé.
"Une chose que nous n'avons pas encore vue dans la bande de Gaza, c'est le type de missiles sophistiqués que nous avons vus au Yémen et dont nous savons que le Hezbollah dispose - des missiles guidés de précision, des missiles anti-navires. Nous n'avons pas vraiment vu ces missiles et peut-être qu'ils n'existent pas dans la bande de Gaza", avance-t-il encore.
Toutefois, il estime qu'il est également "possible que les différents groupes disposent de capacités supplémentaires". La stratégie de combat du Hezbollah consiste à "garder certaines capacités secrètes" et à les dévoiler à certains moments de l'escalade, comme une "surprise".
"Il est tout à fait possible que nous assistions à quelque chose de similaire à Gaza, à mon avis, c'est-à-dire qu'il pourrait y avoir certaines capacités qui ont été gardées secrètes mais qui ne seront révélées qu'en cas d'invasion complète de Gaza", affirme M. Hinz.