"Vous êtes sous la protection de l’Etat". Lors de son inauguration de la foire de la production algérienne, jeudi 14 décembre au Palais des expositions à Alger, le président Abdelmadjid Tebboune a tenu à rassurer les investisseurs privés de son pays. Depuis son arrivée au pouvoir il y a de cela 4 ans, il veut faire de l’entreprise privée le fer de lance de sa nouvelle politique économique basée sur la diversification de l’économie du pays, jusque-là dépendant à plus de 95% de ses exportations des hydrocarbures.
Sortir de cette dépendance à une seule richesse a toujours été une préoccupation des dirigeants algériens depuis de très longues années. Mais à cause notamment des besoins énormes en financements pour les infrastructures de base, le projet a été sans cesse reporté et les recettes issues de la vente des hydrocarbures ont servi de seule source de revenus pour l’Etat-providence qui a lancé de gigantesques chantiers de construction d’infrastructures de base. Mais la baisse des prix du pétrole en 2014 a mis le pays devant sa réalité : une politique d’austérité a été mise en place et les réserves de change ont fondu comme neige au soleil. Mais les autorités de l’époque n’avaient pas le temps de réagir. A peine ont-elles commencé à réfléchir à la parade que le hirak, ce mouvement populaire pacifique qui a poussé l’ancien président Abdelaziz Bouteflika à démissionner le 2 avril 2019, a tout mis entre parenthèses. Et rien que pour les quatre premiers mois de l’année 2019, les réserves de change avaient chuté de 7 milliards de dollars.
Dès lors, Abdelmadjid Tebboune, arrivé au pouvoir en décembre 2019, a fait de la diversification de l’économie algérienne son principal cheval de bataille. Après avoir tenté de rassurer les investisseurs et les décideurs, qui avaient peur de subir le même sort que les hommes d’affaires proches du régime Bouteflika mis en prison, le chef de l’Etat a tenté une autre méthode. Il a fait adopter un nouveau code des investissements "qui met fin à la bureaucratie", comme le souligne pour TRT Houari Tighersi, professeur d’économie et ancien député. "Cette loi est en rupture totale avec la législation bureaucratique d’avant", a-t-il encore indiqué. En effet, cette loi instaure par exemple un "guichet unique" qui permet aux investisseurs de ne plus s’éparpiller entre plusieurs administrations avant de concrétiser leurs projets, elle permet un accès plus fluide au foncier et donne de grandes possibilités aux investisseurs étrangers de transférer leurs dividendes plus facilement. A cela s’ajoutent des avantages fiscaux importants que l’Etat accorde aux investisseurs qui réalisent leurs projets dans des régions éloignées, notamment au Centre du pays et dans le Grand Sahara, dépourvu de grands projets d’investissements. Le résultat est que les crédits à l’investissements ont légèrement augmenté sur une année, selon les statistiques fournies par la banque centrale.
Pour faire redécoller la machine économique, les autorités algériennes ont défini plusieurs secteurs stratégiques. "Les secteurs de l’Agriculture, des Mines, des nouvelles technologies, du Tourisme et de la pêche sont devenus prioritaires pour les autorités", atteste Houari Tighersi qui dit "constater déjà une amélioration du climat des affaires dans le pays". Cela commence par exemple par une production agricole abondante, estimée par le président Tebboune lui-même à près de 25 milliards de dollars par an. Les secteurs de l’Industrie et notamment des mines a beaucoup évolué ces dernières années, porté par une coopération importante avec de grandes sociétés étrangères, notamment chinoises.
Des partenariats salvateurs
Les premiers résultats de cette politique sont visibles à travers la hausse constante des exportations hors-hydrocarbures. De moins de 2 milliards de dollars en 2020, elles ont atteint plus de 6 milliards l’an dernier et devront terminer l’année en cours avec 13 milliards de dollars, selon les prévisions des autorités qui ont crée des conditions d’incitation au exportateurs. Pour doper encore les exportations, le chef de l’Etat a demandé, la semaine dernière, à "enregistrer les entreprises et les secteurs qui couvrent intégralement les besoins nationaux" et à "leur octroyer une licence d’exportation vers l’Afrique, y compris dans le cadre du troc" que l’Algérie signera bientôt avec des pays africains voisins.
En plus des entreprises locales, l’Algérie mise sur la participation de partenaires étrangers dans la réalisation de sa nouvelle politique économique. En plus des partenaires traditionnels comme la France et la Russie, le pays entretient depuis des années, une relation très étroite avec la Turquie et l’Italie. "Les échanges commerciaux entre l’Algérie et la Turquie sont actuellement de l’ordre de 6 milliards de dollars. Les autorités des deux pays veulent les porter à au moins 10 milliards de dollars par an", s’enthousiasme Djellal Serandi Maamar, Président du conseil d’affaires algero-turc. Selon lui, il existe en Algérie près de 1550 entreprises turques en Algérie, dont une majorité travaille dans le domaine du Bâtiment et travaux publics. Il existe également de grandes entreprises comme Tosyali, plus grande société sidérurgique d’Afrique qui a investi près de 5 milliards de dollars à Oran (Ouest) et exporte désormais ses produits dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis. Les deux pays ont également crée une grande usine de textile, grâce à l’entreprise turque Tayal. L’usine installée à Relizane devrai employer plus de 25000 personnes à terme.
L’autre partenaire important pour l’Algérie est l’Italie. Les deux pays ont échangé pour l’équivalent de 20 milliards de dollars en 2022 et les investissements italiens ont atteint 10 milliards de dollars essentiellement dans les équipements industriels, les hydrocarbures et les énergies renouvelables. Cela s’étend également aux industries mécaniques et même militaire. Des secteurs qui devront notamment permettre des transferts de technologies et la formation d’une main d’œuvre qualifiée. Surtout que, politiquement, ces deux pays n’ont aucun conflit politique avec l’Algérie.