Guillaume Meurice avait déclaré, ce mardi, qu’il avait reçu un courrier de licenciement pour faute grave. Un des piliers de l’émission de Le Grand Dimanche soir de Charline Vanhoenacker, il avait été suspendu d’antenne depuis le 2 mai dernier, après avoir répété une blague sur Benjamin Netanyahou, le qualifiant de “nazi mais sans prépuce”.
Le chroniqueur radio avait déjà tenu ces propos le 29 octobre 2023. Mais le tribunal de Nanterre avait classé sans suite la plainte de l’Organisation juive européenne. La justice avait rappelé au passage le droit à la caricature.
La présidente de Radio France, Sibyle Veil, s’est expliquée dans un message envoyé à tout le personnel de Radio France. Selon elle, le comédien a “ignoré l’avertissement qu’il avait reçu, la mise en garde de l’Arcom” (le régulateur de l’audiovisuel)” et n’a pas laissé d’autres choix à l’entreprise.
Elan de solidarité
Après que le licenciement de Meurice a été officialisé, l’humoriste Aymeric Lompret, chroniqueur du “Grand dimanche soir”, a décidé à son tour de claquer la porte de France Inter en soutien à son collègue et ami.
“Plus Guillaume = plus Aymeric. Merci pour tout, France Inter. Maintenant, je m’en vais dépenser l’argent des Français”, a-t-il annoncé sur un ton ironique, sur la plateforme X.
La chanteuse et humoriste GiedRé a également annoncé quitter France Inter après le licenciement de son collègue.
“Pour des raisons qui me semblent évidentes, je démissionne de France Inter. Je tiens à remercier chaleureusement Charline et son équipe pour la confiance qu’elle m’a accordée et la liberté qu’elle nous a offerte à tous et toutes dans son émission. Soutien à Guillaume Meurice” a-t-elle partagé sur X.
Lettre poignante de Guillaume Meurice
Après son licenciement, l’humoriste français a partagé sur X, une lettre ouverte à l’adresse de France Inter.
“Chère France Inter, d'aussi loin que je me souvienne, tu étais là. Dans le petit poste posé sur le frigo de la cuisine familiale, sur la table, dans un coin du salon. (...) Je n'oublie rien des fous rires, des sketchs, des rencontres, de ce que nous avons construit ensemble, de la chance que nous avions de rencontrer un public fidèle et de plus en plus nombreux.”
Ainsi commence la lettre de Meurice, qui dénonce le “peu de scrupule” des dirigeants de la station.
“Aujourd'hui, j'ai le cœur gros. Pas à cause de notre séparation forcée, ni de la manière dont notre histoire se termine. Si je suis si triste, c'est de te laisser ainsi, dirigée par des âmes de si peu de scrupules. De celles qui ont comme boussole leur soif d'obéir, et un tableur Excel à la place du cerveau. De celles qui s'imaginent que tu leur appartiens mais qui t'oublieront sitôt leur mandat terminé pour gérer une autre boîte, benchmarker une start-up ou un ministre.”
“Derrière leur pseudo bienveillance, leurs grands sourires, leurs coups de com', il y a les coups de mentons, les coups de matraques. Il y a ce pouvoir qui ne permet à rien de lui résister, qui écrase tout. (...) La Loi uniquement quand ça les arrange. (...) On en rirait volontiers si l'histoire s'arrêtait à mon cas personnel. Mais le projet est global. Les “libéraux” sont en train de livrer le pays clés en main à l'extrême-droite, lui offrant, ce jour, une énième victoire idéologique. (...) Je t'embrasse”, conclut-il.
Quelle place pour l’humour à Radio France ?
C’est bien la question que se pose le public. Depuis la mise à pied de l’humoriste, des intervenants de l’émission dominicale ont claqué la porte comme le Franco-marocain Djamil le Shlag, le 6 mai dernier. Waly Dia, humoriste, a, il y a une semaine, signé une chronique au vitriol contre France Inter, “en France, tu es accusé de crime de guerre, tu peux être invité dans un JT. Par contre, si tu fais une blague sur ce criminel de guerre, tu es interdit de radio”. En effet, Benjamin Netanyahou, quoique faisant l’objet d’une demande de mandat pour crime de guerre émise par la Cour pénale internationale, a été l’invité de LCI, le 30 mai dernier. .
L’affaire agite aussi la Maison de la radio. La suspension de Guillaume Meurice a été suivie par une grève des personnels, le 12 mai. Ils demandaient à la direction de renoncer à sa sanction et, surtout, s'insurgeaient contre une atteinte à la liberté d’expression.
Censure sur l’humour politique
Le Grand Dimanche soir est une émission très écoutée, avec plus de 1,4 million d’auditeurs et 3, 9 millions d’écoutes par mois en podcast. Néanmoins, ce n’est pas la première fois que Radio France a du mal à gérer l’humour politique. D’un côté, le groupe se veut un espace de liberté et d’irrévérence mais, de l’autre, il licencie ses humoristes trop grinçants.
En 2010 déjà, Stéphane Guillon et ses chroniques matinales avaient “choqué” plusieurs invités du journal de 8h00. L’acteur avait alors été licencié. Le tribunal des prud’hommes avait déclaré que le licenciement était “sans cause sérieuse”.
Avec cette vague de démissions et aujourd’hui le licenciement d’un de ses chroniqueurs vedette, le Grand Dimanche soir semble jouer sa survie d’autant plus qu’à la rentrée 2023, l’émission initialement quotidienne est devenue hebdomadaire.
Si la blague sur un premier ministre israélien ne passe pas malgré neuf mois de guerre et un mandat d’arrêt pour crimes de guerre, on peut se demander si Radio France est devenue allergique à l’humour politique ou navigue à vue selon la majorité au pouvoir ?
Charline Vanhoenacker, productrice de l’émission, n’a pas encore réagi sur son compte X. Le 2 mai, elle avait écrit : “la situation est très inquiétante mais la troupe reste mobilisée au service de la rigolade”.