Il y a du monde en ce samedi 20 juillet autour de la mosquée Katchaoua, dans la basse Casbah d’Alger. Malgré la chaleur et surtout un taux très élevé d’humidité dû à la proximité avec la mer, Nabil ne se laisse pas décourager. Cet adolescent de 15 ans, lunettes noires, est venu avec sa mère et sa sœur pour “voir le bled” et “profiter du soleil” qu’il n’avait pas encore en Bretagne (Nord de la France), où il réside avec sa famille, le reste de l’année.
La famille, originaire de Blida au Sud d’Alger, a décidé de passer ses vacances en Algérie après des années d’absence. “D’habitude, nous partons en Espagne ou en Grèce. Cette année, nous avons décidé de venir au pays voir la famille et faire découvrir l’Algérie aux enfants”, assure la mère de famille, employée de bureau dans une société privée.
Aujourd’hui, c’est la Casbah d’Alger, cette médina millénaire classée au patrimoine mondial de l’Unesco, que la famille compte explorer pour y découvrir autant ses ruelles, ses maisons construites au fil des siècles par les différents royaumes qui ont gouverné la ville blanche en passant par la période ottomane avant d’arriver à la guerre d’indépendance.
La vue des maisons en ruines, d’autres en restauration, l’odeur des épices qui se dégage du marché environnant ont émerveillé les visiteurs, emmenés par un guide touristique.
Des vacances familiales et touristiques
La découverte du pays n’est pas la seule motivation de tous les émigrés algériens qui reviennent au pays pour y passer leurs vacances. D’autres familles le font un peu par habitude ou plutôt par manque d'opportunités. C’est le cas de Ali. Ce quinquagénaire, originaire de Kabylie, est venu de la région parisienne où il travaille dans une usine. Corps élancé, svelte et les cheveux grisonnants, il n’a pas caché sa joie en arrivant à l’aéroport international d’Alger accompagné de sa femme.
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Interrogé par TRT Français, il confie spontanément, sourire au coin des lèvres, être venu en Algérie pour se reposer. “Je n’ai aucune destination précise. Je vais aller dans mon village et me reposer. Je vais profiter du calme et de ma famille”, dit-il avant de se faufiler parmi les dizaines de voyageurs et de simples badauds qui animent l’enceinte aéroportuaire flambant neuve.
Comme lui, beaucoup de ressortissants algériens, particulièrement venus du Canada ou de France, arrivent, l’été, pour rester exclusivement dans leurs villages ou quartiers. C’est le cas de Aziza, venue du Canada avec ses trois enfants. Employée dans une école à Montréal, elle vient passer un mois dans son village, près de Tizi-Ouzou. Son mari, travailleur dans une manufacture, est resté sur place, faute de vacances.
“C’est important de venir pour donner la possibilité aux enfants de garder le lien avec leur pays d’origine. C’est aussi l’occasion de vivre quelques instants avec les grands-parents”, confie la mère de famille, contente de retrouver les siens après une absence de plusieurs mois.
Pour faciliter la venue “au pays” , des institutions et organisations de la société civile organisent des voyages groupés. C’est le cas de la Grande Mosquée de Paris qui a permis, début juillet, à des dizaines d’enfants de passer quelques jours en colonie de vacances en Algérie. Organisée à l’invitation du président Abdelmadjid Tebboune comme en 2023, cette visite est "la preuve que la communauté nationale établie à l’étranger est prise en considération", a confié, le 12 juillet dernier, dans une vidéo, le recteur de l’institution religieuse parisienne, Chamseddine Hafiz. Cette opération devrait toucher au moins 2 000 enfants d’émigrés qui, en plus de bénéficier de vacances gratuites, vont ainsi découvrir le pays d’origine de leurs parents dans lequel beaucoup d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds.
Faire face à la hausse des prix
Malgré cela, le flux des ressortissants a considérablement diminué cette année comparativement à la saison 2023. À en croire Mahdi, guide touristique dans la Casbah d’Alger, "le nombre de touristes issus de l’émigration a chuté d’au moins de moitié". Son constat est empirique, avoue-t-il, mais "à vue d’œil", la diminution "est vraiment perceptible", insiste le jeune homme qui affirme, par contre, que "le flux de touristes étrangers, lui, est resté stable" cette année en comparaison avec l’été 2023. S’il est trop tôt pour faire un bilan puisque la saison estivale n’est pas terminée , Mahdi explique ce recul de visites des ressortissants algériens par "la cherté" de la destination Algérie par rapport à d’autres destinations. "A prix égal, certains préfèrent aller en Tunisie, Espagne, Grèce ou Turquie", dit-il s’appuyant sur des témoignages. C’est d’ailleurs en partie cette question des prix qui pousse de nombreux Algériens à préférer partir à l’étranger pour passer leurs vacances plutôt que de rester en Algérie. En 2023, le ministère du Tourisme avait annoncé que 1,1 millions d’Algériens établis à l’étranger étaient venus visiter leur pays.
L'Algérie espère attirer 10 millions de touristes d'ici 2030
Pour tenter d’atténuer cette hausse des prix et attirer un maximum de ressortissants vers leur pays d’origine, les autorités algériennes ont pris certaines mesures. À commencer par des réductions sur les billets d’avion. Air Algérie propose désormais des formules plus abordables pour les familles. Sur le plan administratif, le gouvernement algérien a autorisé, en mai dernier, les Algériens détenteurs d’un passeport étranger d’entrer au pays sans visa même si leurs documents algériens sont arrivés à expiration.
"Sur instructions du Président de la République, (…) les membres de la communauté nationale à l’étranger sont autorisés à entrer sur le territoire national en présentant une carte d’identité nationale, jusqu’au 31 octobre 2024", avait annoncé le ministère des Affaires étrangères. "Une décision positive qui réduira la pression que subissent nos diplomates et notre personnel consulaire pour des renouvellements de passeports et demandes de visas fortuites", a commenté Abdelouahab Yagoubi, député des Algériens de France.
En plus de vouloir attirer les ressortissants algériens à se rendre dans leur pays d’origine pour les vacances, les autorités algériennes entendent ouvrir de plus en plus le pays aux touristes étrangers, notamment grâce au dispositif du visa à l’arrivée. L’Algérie vise 10 millions d’arrivées de touristes d’ici à 2030, un objectif ambitieux qui nécessite, notamment, de combler le manque d'infrastructures touristiques.