Les campus américains s’insurgent contre la tragédie de Gaza. C’est le sens de l’appel au boycott total des universités et centres de recherches israéliens par les structures similaires aux États-Unis. D’où l’effervescence qui s’est emparée des campus américains pour exprimer le soutien à la cause palestinienne et condamner l’horreur dans l’enclave palestinienne.
Les universités israéliennes, “sont profondément complices du système d’oppression israélien qui a refusé aux Palestiniens leurs droits fondamentaux garantis par le droit international, ou a entravé l’exercice de ces droits, y compris la liberté académique et le droit à l’éducation”, dénonce la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d'Israël (PACBI).
Les universités théorisent la colonisation
La base idéologique qui soutient et oriente la politique de colonisation et de domination des Palestiniens est élaborée dans les universités israéliennes, déplore la PACBI.
Non seulement, l’université israélienne contribue à l’innovation et à la modernisation du complexe militaro-industriel, mais elle joue également un rôle central dans la répression, et participe, de fait, à la négation des droits légitimes du peuple palestinien.
Il en est ainsi de l’université d’Ariel, inaugurée en 2012 par le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Symbole vivant de la colonisation israélienne en Cisjordanie, elle est située hors des frontières internationalement reconnues d’Israël, près de Naplouse en territoire palestinien.
Trois universités européennes ont mis au banc cette université impliquée dans la violation du droit international commis par Israël et interrompu en 2021 leur coopération avec elle.
L’université d’Ariel, une université israélienne en Cisjordanie occupée
Il s’agit des universités de Valencia en Espagne, l’institut de Recherche Technologique (IRT) Antoine de Saint-Exupéry en France et L’université de Florence en Italie.
L’Amérique s’était, de son côté, engagée à geler toute coopération avec les universités israéliennes implantées en Cisjordanie.
Les nouvelles directives adressées aux agences du gouvernement américain affirment que "s'engager dans une coopération technologique et scientifique bilatérale avec Israël dans les zones géographiques passées sous administration d'Israël après 1967 et qui font toujours l'objet de négociations de statut final n'est pas en accord avec la politique étrangère des États-Unis", avait affirmé le porte-parole du département d'État, Matthew Miller en juin 2023.
Les universités israéliennes critiquent le mouvement étudiant pro-Palestine
En réponse à la mobilisation des campus américains de solidarité avec la Palestine, les présidents des neuf universités de recherche d'Israël – ont publié le 26 avril 2024 une déclaration collective. Les présidents des universités israéliennes y voient tout simplement “ une violence grave, de l’antisémitisme [et] un sentiment anti-israélien” et qualifient ces étudiants de “ groupes incités et haineux “ qui seraient “ organisés et soutenus” par des”organisations terroristes”.
Pour eux, cette vague de mobilisation qu’ils qualifient de “situations extrêmes”, doit être sanctionnée par ” des mesures allant au-delà des outils conventionnels dont disposent les administrations universitaires”.
C’est sans surprise que Benjamin Netanyahu avait montré deux jours plus tôt son irritation et qualifiait les manifestants pro-palestiniens des campus américains de “foules antisémites” qui “ appellent à l'anéantissement d'Israël “ et “ attaquent les étudiants juifs”.
Suivis par les professeurs d’université, le Premier ministre israélien avait déclaré que les manifestations devaient être “ arrêtées “ et “ condamnées sans équivoque “.
Répression des voix dissidentes
Toute voix dissonante au sein du milieu académique et universitaire israélien est également réprimée. L’Université hébraïque de Jérusalem, a suspendu la professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian de la Faculté de droit de l’université hébraïque de Jérusalem pour avoir ouvertement accusé Israël de commettre un génocide à Gaza et plaidé pour “l’abolition du sionisme”.
Cette universitaire avait également remis en question l’argumentaire d’Israël qui tente de discréditer le Hamas : "Ils sont prêts à utiliser n'importe quel mensonge, a-t-elle lancé. Ils ont commencé avec des bébés, ont continué avec des viols, et ils poursuivront avec un million d'autres mensonges. Nous avons arrêté d'y croire et j'espère que le monde arrêtera d'y croire".
Les courants de pensée dissonants sont systématiquement réprimés au sein de l’université israélienne. Les “nouveaux historiens” qui privilégient un examen critique de la naissance d’Israël sont mal vus. Ils refusent la manipulation de l’histoire et démontrent, preuves scientifiques à l’appui, que le départ des arabes de Palestine est le fruit d’une stratégie bien pensée qui ne doit rien au hasard.
Pluralité impossible dans les universités israéliennes
C’est dans ce contexte que Ilan Pappé, l’une des figures les plus en vue du courant des “nouveaux historiens”, a été contraint à l’exil en Angleterre en 2007. Un an auparavant, il avait sorti un essai intitulé “Le nettoyage ethnique de la Palestine” dans lequel ilrevient sur la formation de l’État d’Israël.
“Entre 1947 et 1949, explique la note de La Fabrique, l’éditeur de l’ouvrage dans son édition du 10 mai 2023, plus de 400 villages palestiniens ont été délibérément détruits, des populations civiles ont été massacrées et près d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants ont été chassés de chez eux sous la menace des armes”.
“Ce nettoyage ethnique, que l’on appelle aussi la Nakba ou la catastrophe, a été passé sous silence pendant plus de soixante ans et peine encore aujourd’hui à être considéré dans sa pleine mesure”, affirme l’éditeur de cet ouvrage.
Se sentant menacé pour sa sécurité et régulièrement harcelé par l’administration de l’université d’Haïfa où il enseignait, l’auteur s’exila en 2007 en Grande-Bretagne il enseigne désormais l'histoire à l'université d’Exter et dirige le Centre européen d'études sur la Palestine.
Echaudé par le cas de IIan Pappé, les enseignants israéliens voient bien qu’ils ont dorénavant le choix entre le silence, l’adoption de la pensée dominante ou alors l’exil.
Beaucoup ont choisi le silence ou alors l’adoption de la pensée dominante. Celle de la négation des droits du peuple palestinien, comme la colonisation en Cisjordanie ou alors la tragédie de Gaza.
L’institution universitaire et académique, censée être le terreau de la liberté d’expression, de la pensée critique par excellence, reste, cependant, impassible devant le drame vécu par les Palestiniens à Gaza ou en Cisjordanie.
Feu Desmond Tutu, prix Nobel de la paix sud-africain en 1984, soulignait : "Si tu es neutre en situation d'injustice, alors tu as choisi d'être du côté de l'oppresseur".