Haïti, la première République à majorité noire à avoir arraché son indépendance en 1804, en triomphant des forces coloniales françaises, croupit dans une instabilité et une pauvreté qui menacent son existence. Plus de deux siècles après cette bravoure d’anciens esclaves révoltés, l’on a peine à comprendre.
Pour Edgard Leblanc Fils, actuel président du Conseil transitoire (président de transition), l’impasse actuelle de son pays est intimement liée à son passé colonial. Il s’est largement expliqué à la tribune de la 79e session des Nations unies à New York.
Une rançon de 150 millions de francs
Pour reconnaître et valider l'indépendance d'Haïti arrachée en 1804, la France est revenue dans l'île en 1824 avec un imposant détachement militaire de navires de guerre. L’objectif de cette intimidation orchestrée alors par le roi Charles X, était l’obtention d’une importante rançon en échange de la reconnaissance d'indépendance.
La somme exigée était de “150 millions de francs français, à verser en cinq tranches annuelles. C’est bien au-dessus des moyens du pays”, commente le New York Times qui consacre une minutieuse enquête d’un an sur ce sujet.
Une somme au-dessus des moyens d’un jeune État, indépendant depuis seulement 20 ans. Dès lors, la seule option qui se présente est l’emprunt. Une opération devenue complexe, d’autant plus que la France exige que l’emprunt se fasse auprès de ses banques.
Haïti contracte alors un emprunt dont les paiements s'échelonnent sur 64 ans. Le total est évalué par le New York Times à 56 milliards de dollars actuels ! C’est “le néocolonialisme par la dette”, commente Thomas Piketty, l’un des économistes consultés par le New York Times. “Cette fuite a totalement perturbé le processus de construction de l’État”, ajoute-t-il.
L’illusion de l'indépendance financière
En 1880, le pays a cessé de payer ses dettes à la France à hauteur de 560 millions de dollars, d'après les calculs du New York Times. Il aspire alors à l'indépendance financière par la création de la Banque nationale d'Haïti. Une autre occasion manquée, dans la mesure où le partenaire choisi pour cette opération est la banque française Crédit Industriel et Commercial, ou CIC.
La CIC contrôlera la banque nationale d’Haïti depuis Paris et prélèvera des commissions sur chaque transaction effectuée. Elle siphonne alors des dizaines de millions de dollars, au profit des investisseurs français, accablant les gouvernements successifs d'Haïti d’une importante ardoise.
Le président du Conseil présidentiel transitoire vient de réchauffer une vieille revendication initiée en 2003 par l’ancien président Jean-Bertrand Aristide.
Pour le remboursement de la dette d’indépendance
À la tribune de la 79e Assemblée générale de l’ONU, Edgar Leblanc Fils, président du Conseil présidentiel de transition haïtien, a exigé des “réparations justes et appropriées“ de la part de la France. L’objectif est d'obtenir le remboursement de la dette d’indépendance, considérée comme un lourd tribut imposé par la France. Leblanc a souligné l’importance de cette démarche pour permettre au peuple haïtien de “se libérer des chaînes invisibles de ce passé injuste“.
“À cette 79e session de l’Assemblée générale, Haïti, par ma voix, ne se contente pas d’exiger des réparations, mais soulève une question de principe, celle de la justice inhérente. Ma démarche est déterminée, structurée et minutieusement documentée”, a lancé le président du Conseil présidentiel transitoire d'Haïti.
“Le Comité national pour la restitution et la réparation, a insisté Edgar Leblanc, en collaboration avec la Commission des réparations de la CARICOM, a déjà mené des recherches exhaustives sur cette question. Nous demandons la reconnaissance d’une dette morale et historique et la mise en œuvre de réparations justes et appropriées qui permettront à notre peuple de se libérer des chaînes invisibles de ce passé injuste“.
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