Dans le cadre d’un contrat nommé Projet Nimbus, un accord de plusieurs milliards de dollars signé avec Israël en 2021, Google fournit à l’armée israélienne de l‘intelligence artificielle, une collaboration qui s’est intensifiée depuis le 7 octobre 2023.
Le Projet Nimbus, signé par Google et Amazon, visait à moderniser l’infrastructure technologique du gouvernement israélien, y compris ses ministères et son armée.
Si Google a insisté sur le fait que l’accord n’était pas destiné à des “charges de travail hautement sensibles, classifiées ou militaires”, les déclarations de responsables israéliens prouvent le contraire.
Gaby Portnoy, directeur général de la Direction nationale israélienne de la cybersécurité, a affirmé lors d’une conférence organisée par le média israélien People and Computers que le Projet Nimbus avait directement soutenu des applications militaires.
“Grâce au Projet Nimbus, des choses phénoménales se produisent pendant les combats, et ces choses jouent un rôle significatif dans la victoire — je n’en dirai pas plus”, a-t-il déclaré.
Une collaboration intensifiée depuis le 7 octobre
L’armée israélienne a longtemps investi dans l’IA pour accélérer le traitement des images de surveillance et automatiser certaines décisions tactiques.
Les documents montrent que, dans les semaines suivant l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, Google a répondu aux demandes urgentes de l’armée israélienne pour élargir l’utilisation de son service Vertex.
Ce service permet aux utilisateurs d’appliquer des algorithmes d’IA à des ensembles de données personnalisés, offrant ainsi des capacités analytiques avancées.
En novembre 2024, alors que Gaza était dévastée par une année de bombardements israéliens, un document interne montre que les forces israéliennes ont demandé à accéder à Gemini, l’assistant d’IA génératif de Google DeepMind.
Cet outil aurait été utilisé pour développer un assistant destiné à traiter des documents et des fichiers audio, renforçant encore les capacités technologiques de l’armée.
Un haut responsable de l’armée israélienne, qui a parlé sous couvert de l’anonymat à The Washington Post, a confirmé que l’armée israélienne avait considérablement investi dans de nouvelles technologies, souvent en partenariat avec des entreprises américaines.
En parallèle, l’armée a testé diverses applications d’IA générative, comme l’analyse audio, vidéo et texte des systèmes militaires, pour évaluer et optimiser leurs opérations.
Parmi les technologies utilisées figure un outil interne nommé Habsora, conçu pour fournir des cibles aux commandants israéliens.
Basé sur des centaines d’algorithmes, Habsora analyse des données comme les communications interceptées et les images satellites pour identifier des cibles militaires potentielles, telles que des tunnels ou des rampes de lancement de roquettes.
Protestations internes chez Google
Depuis l’annonce du contrat Nimbus, Google a fait face à une forte opposition de la part de ses employés.
En 2022, plus de 50 salariés ont été licenciés après avoir protesté contre ce partenariat, dénonçant les risques que les technologies de Google soient utilisées pour des opérations militaires susceptibles de nuire aux Palestiniens.
Dans un e-mail envoyé l’été dernier, plus de 100 employés ont demandé à la direction de Google et à l’équipe des droits humains de l’entreprise d’examiner la collaboration de l’entreprise avec l’armée israélienne. Ces demandes sont restées sans réponse, rapporte un employé au Washington Post.
Les critiques internes rappellent également que, lors de l’acquisition de DeepMind en 2014, Google s’était engagé à ne pas utiliser cette technologie pour des applications militaires ou de surveillance.
Pourtant, sous la direction de Demis Hassabis, DeepMind a vu son champ d’application élargi, y compris à des outils controversés comme l’assistant génératif Gemini, désormais utilisé dans des contextes sensibles.
Google, qui se présente comme un leader responsable de l’innovation technologique, dispose de politiques en matière d’IA visant à éviter toute utilisation de ses produits qui pourrait causer des dommages.
L’entreprise affirme examiner ses produits pour garantir leur conformité avec des normes internationales comme la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies.
Cependant, ses contrats militaires et son partenariat avec l’armée israélienne montrent que la réalité est tout autre.