Des nouveau-nés dans une situation précaire à Gaza . / Photo: Reuters (Reuters)

Après plus de quatre mois de guerre, Israël a réduit en ruines l’essentiel de l’infrastructure hospitalière de Gaza. Sans médicaments, consommables médicaux et équipements, les docteurs sont contraints de pratiquer la médecine de guerre, sous le crépitement des balles et les bombardements de l’armée israélienne. S'occuper ainsi des patients dans le plus grand dénuement apparaît comme un réel défi.

Il en est ainsi des femmes enceintes. Accoucher aujourd’hui à Gaza apparaît comme une équation à plusieurs inconnus. La peur et le stress accompagnent chaque naissance.

"Nous estimons qu'au moins 15 pour cent de ces naissances entraîneront des complications qui nécessiteront des soins obstétricaux de base ou complets", déclarait à TRT Dominic Allen le représentant du FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population) dans les territoires palestiniens.

Le blocus de l’armée israélienne qui restreint l’entrée de l’aide humanitaire, complique le travail des médecins, obligés de prendre des décisions radicales pour sauvegarder des vies.

Des chirurgiens ont déclaré avoir pratiqué, en décembre dernier, 16 césariennes à l’hôpital d’Al Awda dans le nord de Gaza, sans anesthésie ni autres fournitures essentielles.

“ Des milliers de femmes à Gaza risquent leur vie pour accoucher, subissant des césariennes et des opérations d'urgence sans stérilisation, anesthésie ou analgésiques ", a déclaré à TRT Riham Jafari de l’ONG britannique ActionAid.

"Ces femmes méritent des soins de santé de qualité et le droit d'accoucher dans un endroit sûr. Au lieu de cela, elles sont obligées de mettre leur bébé au monde dans des conditions totalement infernales."

Le sort des bébés n’est pas meilleur. Malgré leur bonne volonté, les médecins sont contraints d’assister impuissants à la mort des nouveau-nés.

“De nombreux enfants ont perdu la vie. Il y a des bébés prématurés qui naissent à 30 ou 31 semaines et nous n'avons rien pour nous occuper de [leurs cas]. Il n’y a pas de respirateurs artificiels, il n’y en a pas du tout. Nous regardons un enfant après sa naissance, [leur] poids est de 1 200 g, 1 300 g, 1 400 g ou un kilo et demi. Nous n'avons rien pour les gérer. Nous voyons des bébés perdre la vie parce que nous n’avons rien”, s’alarme Riham Jafari d’Action Aid.

Le cas des femmes

Les femmes, du fait de la spécificité de leur anatomie, ont des problèmes particuliers.

L’ONG britannique Action Aid relève que les femmes et les filles gazaouies, ont recours à des méthodes risquées pendant la période des menstrues, à cause de l’absence ou de la pénurie de produits d'hygiène personnelle.

“Elles découpent de petites pièces de tentes qui servent à se protéger du froid et de la pluie, pour les substituer aux serviettes hygiéniques, ce qui les expose au risque d'infection”, explique à TRT Français Riham Jafari, coordinatrice du plaidoyer et de la communication à ActionAid Palestine.

Avant l’intervention de l’armée israélienne à Khan Yunis, les plus téméraires et résilientes, “(...) se rendaient dans les centres de santé pour demander des pilules contraceptives afin de bloquer leurs règles en raison du manque de serviettes hygiéniques et d'eau”, confie la même source.

Outre la santé maternelle et infantile, Gaza est confronté à un afflux des blessés par balles, accueillis par des médecins rendus impuissants par le manque de médicaments et de fournitures médicales.

À Gaza, "on laissait mourir les blessés les plus graves", renchérit le médecin urgentiste français Raphaël Pitti. Administrateur de l’ONG française Mehad, il a séjourné récemment dans l’enclave palestinienne pour aider les hôpitaux de Khan Yunis.

“Comme on n’a pas le temps ou les moyens de soigner une jambe, se désole le médecin urgentiste, on ampute pour aller au plus vite. Dans le triage, on abandonne les cas les plus graves. Comme tous les blessés du crâne, on les laisse mourir sans sédatifs, sans morphine…”.

Une expérience inédite pour Raphaël Pitti qui affirme n’avoir jamais vécu une telle situation auparavant.

“Les diabétiques, cancéreux, hypertendus et épileptiques” sont condamnés à mort en raison de l’absence des médicaments et des examens”.

Avec près de 30 000 morts enregistrés à Gaza depuis le 9 octobre dernier, beaucoup sont sûrement décédés, faute de soins appropriés que la médecine de guerre ne saurait fournir.

Selon des recherches menées par des universités britanniques et américaines, 11 580 personnes mourront à Gaza d’ici le mois d’août en raison d’épidémies, de maladies et de blessures, même si un cessez-le-feu est déclaré.

TRT Francais