“L'UE est confrontée à 821 gangs criminels très dangereux, dont les chefs donnent des ordres depuis le Moyen-Orient ou l'Amérique du Sud”, a fait savoir Europol dans un rapport.
Les organisations, principalement impliquées dans le trafic de drogue, en particulier de cocaïne, ont étendu leurs tentacules non seulement dans des entreprises de façade telles que l'immobilier, la construction, le transport routier et les discothèques, mais elles menacent également ou soudoient des procureurs et des juges, note l’agence européenne de police criminelle.
Les autorités ont déclaré qu'elles entendent lutter contre le réseau criminel en le cartographiant et en renforçant la coordination de l'application de la loi dans les 27 pays membres.
"Le message adressé aux réseaux criminels les plus menaçants est que vous ne pouvez plus vous cacher", a déclaré la chef d'Europol, Catherine De Bolle, lors de la présentation du rapport à Bruxelles.
La ministre de l'Intérieur de Belgique, Annelies Verlinden, a ajouté : "Nous ne faisons pas que partager des constatations, nous signalons une nouvelle ère dans notre lutte contre la criminalité organisée, une ère marquée par l'innovation, la collaboration et l'engagement ferme pour assurer la sécurité et la sûreté de l'Union européenne et de ses citoyens."
Le rapport de 51 pages de l'agence basée à La Haye offre une analyse approfondie du défi criminel auquel l'application de la loi de l'UE est confrontée.
La majorité des gangs les plus dangereux d'Europe se concentrent sur le trafic de drogue - cocaïne, cannabis, héroïne et drogues synthétiques - et opèrent le plus souvent en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne.
D'autres activités comprennent l'extorsion, le racket et le trafic de migrants et d'armes.
Les organisations, qui ciblent notamment les travailleurs des ports européens pour la corruption, "sont agiles, sans frontières, contrôlantes et destructrices", a déclaré De Bolle.
Bien qu'elles mènent souvent quelques activités illicites de base dans une zone géographique, elles comptent généralement un mélange de nationalités parmi leurs membres.
"Aucun État membre n'est immunisé. C'est un environnement multinational. Parmi les 25 000 suspects, nous trouvons 112 nationalités", a fait remarquer la chef d’Interpol.
Les chefs de gangs se trouvaient le plus souvent dans le pays où leurs gangs opéraient, "mais dans six pour cent des cas, les dirigeants sont en dehors de l'UE", a encore précisé De Bolle.
"Drogues zombie"
Le ministre belge de la Justice, Paul Van Tigchelt - dont le pays détient actuellement la présidence de l'UE - a déclaré que les gangs violents attirés par le port d'Anvers en tant que principale plaque tournante du trafic de drogue en Europe étaient "principalement contrôlés" depuis des pays tiers, citant les Émirats arabes unis et le Maroc, entre autres.
Les pays de l'Union européenne doivent exercer "beaucoup plus de pression en tant que bloc diplomatique sur ces pays tiers... Nous devons nous unir contre ces pays afin qu'ils collaborent mieux avec nous", a-t-il déclaré.
Van Tigchelt a également sonné l'alarme concernant l’arrivée en Europe des "drogues zombie" - des stimulants synthétiques qui ont provoqué une augmentation des décès liés à la drogue aux États-Unis.
"Nous voyons de plus en plus de drogues synthétiques en Europe, et nous voyons des drogues synthétiques encore plus fortes et plus fortes", a-t-il déclaré, faisant référence à une drogue appelée Flakka, présente dans la région flamande de la Belgique près de la côte de la mer du Nord.
Europol a averti que bon nombre des réseaux criminels les plus menaçants existent depuis des années, un tiers d'entre eux opérant depuis plus d'une décennie - et certains criminels pouvant même continuer leurs activités depuis la prison.
Ils n'étaient souvent pas intimidés par les mesures prises contre eux par les forces de l'ordre.
"Nous sommes confrontés à une réalité criante, la menace omniprésente posée par des réseaux criminels organisés capables de menacer à la fois les juges et les procureurs", a dénoncé le commissaire européen à la justice, Didier Reynders.
Selon lui, cette menace est dirigée contre le Parquet européen à Luxembourg, un organisme créé il y a deux ans pour lutter contre la criminalité transfrontalière et les réseaux qui la soutiennent dans l'Union européenne.
Des initiatives européennes visant à contrer l'intimidation - et le risque de corruption - des responsables judiciaires étaient en cours, mais la responsabilité incombe aux autorités nationales des pays de l'UE, a déclaré Reynders.
"Cette réalité troublante doit être abordée", a-t-il noté.