Le niveau du barrage de Keddara située dans la wilaya de Boumerdès diminue à cause de la sécheresse / Photo: AA (AA)

L’image a fait le tour des réseaux sociaux : le barrage de Bakhada qui alimente la ville de Tiaret (Ouest) est quasiment à sec avant même le début de l’été. Le creux de l’ouvrage, construit en 1936, jadis rempli de plus de 40 millions de M3 d’eau les meilleures années, a troqué sa couleur bleu azur contre une couleur acre, de terre aride, symbolisant ainsi une situation de sécheresse chronique dans laquelle vit une partie de l’Algérie.

Si cette image de ce barrage sec est autant partagée, c’est parce qu’au même moment, des habitants de cette ville de Tiaret, une agglomération de plus de 100 000 habitants située à l’Ouest de l’Algérie, ont exprimé leur mécontentement face à leurs robinets d’où l’eau n’a pas coulé durant de longues semaines. Ces manifestations n’ont pas été suivies par la presse, mais elles ont fait réagir le président Abdelmadjid Tebboune qui a donné des "instructions" fermes pour que le problème de l’alimentation en eau de cette ville "soit résolu dans les meilleurs délais". Ailleurs, cette situation se caractérise par une alimentation rationnée en eau potable. A Alger, la distribution du précieux liquide se fait durant quelques heures par jour seulement, ce qui pousse de nombreux habitants à s’équiper en citernes, visibles sur la majorité des balcons et terrasses de la ville.

Pas loin de Tiaret, des champs de blé sont partout abandonnés avant même que les épis ne mûrissent. Ayant reçu très peu d’eau, ces céréales ont séché et seront fauchées pour être transformées en fourrage pour les animaux. Là encore, la baisse des quantités de pluie tombées depuis l’automne dernier sur ces régions, qui comptent de grandes plaines agricoles, a laissé des traces. "Le déficit en pluviométrie a été de plus de 70% dans les régions Ouest" de l’Algérie, a confirmé l’hydrologue Malek Abdesselam. Ce professeur d’hydrologie à l’université de Tizi-Ouzou publie régulièrement sur les réseaux sociaux ou dans les médias algériens les données sur les précipitations tombées sur les différentes régions du pays. Il explique à TRT Français que "cette région de l’Ouest a toujours connu un déficit en pluviométrie". A titre d’exemple, «les quantités de pluie qui tombent sur Oran sont quasiment les mêmes que celles de certains régions du Sud" désertique, avance-t-il. En revanche, les régions du Centre et de l’Est "n’enregistrent qu’un léger déficit allant de 20 à 40%" selon les régions. Avec ce détail important : à cause du réchauffement climatique, les quantités des précipitations peuvent être importantes, mais elles s’étalent sur quelques jours seulement, créant ainsi des situation d’érosion.

Ces sécheresses prolongées peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les humains puisque la distribution d’eau potable est perturbée, mais également sur le secteur agricole. "(…) les sécheresses représentent 85,8% des pertes de bétail. Une seule année de sécheresse peut retarder des années de développement social. La pénurie d'eau à elle seule pourrait coûter à certaines régions jusqu'à six pour cent de leur PIB d'ici 2050, déclenchant à leur tour une migration de masse et des conflits liés à la diminution des ressources", précise un rapport de la Banque mondiale publié en 2017.

Pour pallier cette situation de déficit chronique en ressources hydriques, les autorités algériennes ont construit des dizaines de barrages. Le pays compte actuellement plus de 80 barrages avec une capacité de stockage de plus de 9 milliards de m3. Mais à cause de la raréfaction des précipitations, leur taux de remplissage ne dépasse pas 4O% aujourd’hui, largement "mieux que l’an dernier" lorsque la majorité de ces retenues d’eau avait séché, créant une pénurie d’eau potable dans plusieurs régions du pays. Ces barrages souffrent d’absence de pluie mais également d’envasement ; d’où un projet, s’étendant sur plusieurs années et visant à enlever ces résidus.

Stations de dessalement : le recours salvateur ?

En plus des barrages, le gouvernement algérien a mis en place, depuis quelques années, une politique volontariste de construction de stations de dessalement d’eau de mer. Au moins 5 usines, visant à produire 1,5 millions de M3 par jour sont en construction le long de la bande côtière du pays. Elles s’ajoutent à une dizaine déjà fonctionnelle auxquelles se grefferont d’autres projets en cours de maturation.

«Les autorités du pays ont accordé la priorité absolue à la sécurité hydrique, en investissant plus de 2,1 milliards de dollars, un investissement parmi les plus importants à l'échelle internationale», a indiqué Mohamed Boutabba, le PDG de la société Algérian Energy Company SPA (AEC) qui réalise ces projets. Actuellement de plus de 18%, la part de l’utilisation des eaux dessalées devra dépasser 42% en 2025 puis plus de 60% en 2028, selon l’ambition affichée par le président Abdelmadjid Tebboune. En plus de villes côtières, ces stations de dessalement vont desservir des régions situées "dans un rayon de 150 km", a assuré le ministre de l’Hydraulique, Taha Derbal.

D’autres solutions existent. Malek Abdesselam rappelle souvent que deux grandes rivières du centre de l’Algérie, Oued El-Harrach (Alger) et Oued Sebaou (Kabylie) déversent vers la mer entre 300 millions et 500 millions de M3 par an. Or, cette eau peut être récupérée dans des barrages ou dans des retenues. D’autres experts ont également plaidé pour le dévasement des barrages, notamment ceux qui sont construits depuis longtemps, le but étant d’augmenter leurs capacités de remplissage. L’assainissement des eaux usées est aussi une des solutions envosagées. . Abdelmadjid Tebboune rappelle que "pas moins de 10%" des eaux usées sont traitées actuellement et demande à porter ce taux à plus de 6O%.

Dans le secteur agricole, la sécheresse et la pénurie d’eau dans le Nord, pousse de plus en plus d’agriculteurs à travailler dans le Sud, désertique, mais dont le sous-sol contient l’une des plus grandes réserves d’eau douce dans le monde ; la nappe albienne qui contiendrait plus de 7 milliards de M3 d’eau exploitable. Non renouvelable, cette eau est largement puisée depuis quelques années pour essentiellement l’irrigation de vastes champs de fruits et légumes plantés dans le Sahara qui est devenu le panier des Algériens. Le recours à l’exploitation intensive de l’agriculture dans ces zones a produit son effet puisque le secteur génère l’équivalent de 35 milliards de dollars de revenus par an et permet à l’Algérie de ne plus importer certains produits maraîchers et des fruits.

TRT Francais