C’est par un court communiqué, rendu public jeudi 21 mars en fin de journée, que la présidence de la République algérienne a annoncé la tenue d’élections présidentielles anticipées pour le 7 septembre au lieu du 12 décembre, prévu initialement.
Le communiqué de la présidence algérienne qui n’a pas donné les raisons de cette décision, ni le choix du timing a pris de court toute la classe politique, y compris parmi ceux qui ont été reçus récemment par le chef de l’Etat. Jusque-là, le président Abdelmadjid Tebboune avait fait savoir à ses invités que les élections présidentielles “auront lieu dans les délais constitutionnels”, c’est-à-dire en décembre prochain. Qu’est-ce qui a pu, donc justifier une telle décision ?
Comme c’est le cas dans ce genre de décisions, beaucoup ont pensé à une possible démission du président de la République qui a ainsi décidé d’écourter son mandat de trois mois. “A première vue, une telle décision suggère une démission du chef de l’Etat pour des raisons de santé ou politiques”, note le politologue Mohamed Hennad. Une lecture que partagent beaucoup d’autres observateurs, à l’image du journaliste politique Hamid Ghoumrassa. Cependant, le communiqué de la présidence de la République, ne fait aucune allusion à une telle éventualité. Plus que cela, les activités récentes du chef de l’Etat ont même prouvé que Abdelmadjid Tebboune compte briguer un second mandat à la tête de l’Etat, comme l’autorise la Constitution amendée en 2020.
Certains analystes établissent un possible lien entre cette décision et la visite que prévoit d’effectuer le président Abdelmadjid Tebboune en France “fin septembre ou début octobre” prochains. Le journaliste Otman Lahiani, qui connaît très bien les arcanes politiques algériens, note que le chef de l’Etat algérien veut partir à Paris “renforcé” par un second mandat pour, sans doute, “éviter des interprétations” dans le cas où la visite a lieu avant le scrutin présidentiel. Telle qu’annoncée, cette visite devait se tenir en effet juste après la convocation du Corps électoral, censé avoir lieu trois mois avant le scrutin, selon la loi électorale algérienne.
Ce n’est qu’une question d’agenda, rétorquent d’autres analystes. Les autorités “veulent tout simplement éviter” des élections en “décembre” à cause de la proximité de la fin de l’année et de l’hiver, explique Otman Lahiani qui ajoute que le chef de l’Etat et son entourage veulent “revenir à un calendrier électoral” plus pratique. Avant l’avènement du Hirak en 2019, les élections présidentielles se tenaient en avril.
Beaucoup parmi les observateurs expliquent la décision de tenir un scrutin présidentiel anticipé par une « volonté de fermer le jeu » politique de sorte à ne pas donner plus de temps à d’éventuels concurrents de s’organiser et de faire campagne. Toutefois, pour le politologue Nadjid Belhimer, « la tenue d’une élection anticipée » n’a « rien de rassurant » parce que « c’est le signe d’une instabilité politique » dans un pays.
Les partis politiques divisés
En attendant, quelles que soient les raisons officielles avancées pour justifier l’avancement de la date de l’élection présidentielle, certains partis politiques commencent à s’exprimer sur le sujet. Ainsi, l’Alliance nationale républicaine (ANR, opposition modérée) a rendu public un communiqué dans lequel elle reproche au chef de l’Etat de ne pas avoir expliqué les raisons de cette décision et de ne pas avoir « consulté la classe politique » s’agissant d’un rendez-vous « important » pour la nation. En revanche, d’autres partis politiques, proches du gouvernement, à l’image du Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique) et le Rassemblement national démocratique (RND, parti allié du gouvernement) se sont félicités du « moment démocratique » que connaîtra l’Algérie à l’automne et se disent « prêts » pour l’échéance.
Selon des sources partisanes, ce scrutin ouvrira la voie à des élections législatives et locales anticipées pour l’année prochaine. Cette décision serait motivée par la volonté de Abdemadjid Tebboune de donner la possibilité à des partis de l’opposition, qui ont boycotté le scrutin législatif de 2021, de retourner au parlement qui ne compte aujourd’hui qu’un seul parti de l’opposition, à savoir le Mouvement de la Société pour la paix (MSP, parti islamiste). Une nouvelle loi électorale, déjà révisée en 2021, est en préparation en prévision de ces échéances.