Sous une pluie d’applaudissements, Elon Musk a pris la parole  lors d’un rassemblement politique du candidat républicain le 5 octobre à Butler, en Pennsylvanie (Reuters) (Reuters)

La mise en scène était presque parfaite: Donald Trump souhaitait afficher publiquement le soutien d’Elon Musk à sa candidature et c’est désormais chose faite. Sous une pluie d’applaudissements, le propriétaire de Tesla et SpaceX a en effet pris la parole pour la première fois lors d’un rassemblement politique du candidat républicain le 5 octobre à Butler, en Pennsylvanie. Bondissant sur scène, les bras levés et sautillant d’excitation, l’entrée en matière du magnat de la tech était pour le moins spectaculaire. Vêtu d’un tee-shirt “Occupy Mars” et coiffé d’une casquette noire portant l’inscription “Make America Great Again”, Musk a harangué la foule avec une étonnante décontraction. Lors de sa prise de parole, il a notamment affirmé que Donald Trump devait impérativement l’emporter le 5 novembre prochain afin de protéger la Constitution et la démocratie“. Un avertissement qu’il a réitéré dans une longue interview accordée au journaliste conservateur Tucker Carlson, diffusée lundi dernier sur son réseau X. “Je pense que si Trump ne gagne pas cette élection, ce sera la dernière élection que nous connaîtrons“, a-t-il lancé sans sourciller à l’ancien animateur phare de Fox News, la chaîne de prédilection des conservateurs américains. “Je suis à 100 % derrière lui !“ , a également martelé Musk, sourire aux lèvres, sous-entendant par ailleurs que ce soutien pourrait lui coûter sa carrière. “S’il perd, je suis foutu !“.

Derrière son apparente nonchalance, le soutien acharné d’Elon Musk au candidat Trump s’inscrit dans un plan réfléchi enclenché notamment par le rachat de Twitter. Son ambition était effectivement claire: permettre à toutes les opinions de s’exprimer, y compris les plus radicales. Mais quelles étaient les présupposés idéologiques présidant à cette stratégie ? Figure emblématique de l'innovation technologique et du succès entrepreneurial, le multimilliardaire sud-africain a, à travers l’acquisition de X, ajouté une corde jusqu’alors méconnue à son arc, celle d’influenceur politique ultraconservateur. Et ses prises de position récentes révèlent en effet des accointances de plus en plus marquées avec l’extrême-droite, y compris celle du Vieux continent. En témoigne le choix du groupe Les Patriotes au Parlement européen de soutenir sa candidature pour le prix Sakharov qui sera attribué le 24 octobre prochain. Le groupe d’eurodéputés d'extrême droite a en effet décidé de proposer le nom d’Elon Musk pour cette prestigieuse récompense que remet chaque année le Parlement européen à des défenseurs des droits humains et de la liberté de pensée.

Un choix surprenant compte tenu du conflit ouvert entre Musk et la commission de Bruxelles qui pourrait infliger à son réseau social une très lourde amende pour des violations de son règlement sur les services numériques. Pourtant, l’eurodéputé Rassemblement National (RN) Thierry Mariani estime que ce choix “n’est pas un pied de nez“ à la Commission, mais une décision mûrement réfléchie. Interrogé par le journal Le Monde, le dirigeant du parti de Jordan Bardella assure en effet que Elon Musk “œuvre avec X pour un débat véritablement libre et indépendant, alors que la liberté d’expression est menacée par l’idéologie woke et l’islamisme intégriste“. Une opinion que partage la Première ministre italienne Giorgia Meloni qui semble vouer une admiration sans borne à Elon Musk, à l’instar de la quasi-totalité de l’extrême-droite européenne.

En guerre contre les wokistes

En guerre ouverte contre les dérives du mouvement LGBT, Elon Musk a intensifié ses saillies anti-progressistes suite à un conflit avec son enfant Xavier. Musk semble attribuer cette rupture familiale à l’influence du wokisme, un mouvement qui “divise les familles“ et constitue un “virus qui s’insinue dans les cœurs et les esprits des jeunes“. Un positionnement qui a fait de lui une icône vénérée dans les sphères d’extrême droite occidentales. Musk a par ailleurs récemment dirigé ses critiques vers la boxeuse algérienne Imane Khelif qui a fait l'objet de commentaires virulents de sa part. Championne olympique à Paris en 2024, la boxeuse a été la cible d’un harcèlement numérique mené notamment par Elon Musk, à la suite de soupçons liés à un taux de testostérone anormalement élevé. L’entrepreneur avait notamment relayé sur X un tweet de la nageuse américaine Riley Gaines qui disait que: “les hommes n’ont rien à faire dans les sports féminins“, suivi du hashtag #IStandWithAngelaCarini, avec une photo d’Angela Carini, la boxeuse italienne battue par Imane Khelif. En commentaire, Elon Musk avait sobrement ajouté un “Absolument“ évocateur de sa totale adhésion. Pour se justifier, Musk a insinué que de telles situations étaient des conséquences directes de l'idéologie progressiste qu’il combat. Il a affirmé que l'inclusion non encadrée de certains athlètes dans des compétitions féminines dénaturait le sport et portait atteinte à l’équité des compétitions, sans citer directement Khelif. Des propos polémiques qui ont provoqué de vives réactions, notamment en Algérie, où Imane Khelif est une véritable icône. La sportive algérienne a alors décidé d’attaquer en justice Musk pour cyberharcèlement.

Techno-gourou d’extrême-droite ?

Au cours des dernières années, la présence d’Elon Musk sur la scène politique et ses interactions sur les réseaux sociaux ont ainsi révélé un positionnement de plus en plus controversé, notamment par rapport à la droite américaine et à certains de ses courants les plus extrêmes. Le milliardaire s’est en effet mué en véritable acteur politique, finançant et faisant la promotion de Donald Trump, qu’il a interviewé complaisamment le 12 août dernier sur son réseau X. Bien que Musk se soit toujours présenté comme un libertarien, ses déclarations et prises de position récentes ont souvent trouvé un écho favorable auprès des mouvements populistes de droite, voire de l'extrême droite. Dans son livre-enquête, Elon Musk, le bonimenteur, le journaliste du Nouvel Obs, Boris Manenti décrypte la personnalité de celui qu’il qualifie de “techno-gourou“. L’auteur affirme que les soirées organisées par Elon Musk illustrent “sa connivence avec l’extrême droite américaine“. Parmi ses convives, on retrouve en effet “Joe Rogan, spécialiste d’arts martiaux devenu l’animateur du podcast complotiste le plus écouté des États-Unis, Jordan Peterson, un psychologue canadien héraut des masculinistes et de l’extrême droite, et tous les protégés de Peter Thiel, le cofondateur de PayPal et conseiller de Donald Trump, en guerre contre la diversité et le politiquement correct“.

Fervent critique de la "cancel culture“, Musk a révélé plus explicitement ses penchants idéologiques lors de la récente crise migratoire aux États-Unis. Son positionnement, solidement ancré à droite, s'est une nouvelle fois illustré lorsqu'il a déclaré devant les caméras que “ l'immigration illégale doit cesser !“ à Eagle Pass, une ville texane à la frontière avec le Mexique, où de nombreux migrants franchissent le Rio Grande. Accompagné des autorités locales pour une visite sur le terrain, Musk avait alors associé volontairement criminalité et immigration. De plus en plus explicite sur ses opinions, le patron de X suit ainsi une tendance caractéristique de l'alt-right américaine, une mouvance d'extrême droite qui rejette pêle-mêle l’immigration, le multiculturalisme, et se nourrit de suprémacisme blanc, teinté notamment d'islamophobie et de théories complotistes.

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