Si l’équipe du président Biden n’a pas mentionné le vote “Non committed” [non-engagé] lors du résultat des élections dans l’État du Michigan le 27 février dernier, il n’en reste pas moins que plus de 100 000 personnes ont voté “non committed”, une sorte de vote blanc. Le résultat a fait sonner une alarme dans l’équipe de campagne de Joseph Biden, les démocrates étant habitués à récolter sans efforts notables, le vote des musulmans américains. Imaginez, dans certaines villes du Michigan, le bulletin blanc a été majoritaire comme à Hamtrack près de Detroit où 61 pour cent des votants ont voté blanc.
Les démocrates, jusqu’ici, répétaient comme une antienne “ on ne gagne pas une élection avec la politique étrangère”, sous-entendu on ne la perd pas non plus. Ils s’efforcent aujourd'hui de parer au plus pressé. Kamala Harris a demandé lundi 4 mars un cessez-le-feu en critiquant même la responsabilité d'Israël dans la crise humanitaire à Gaza. La vice-présidente a également reçu Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, et grand rival politique du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Mais les réseaux sociaux des militants musulmans raillent l’opportunisme des démocrates. Joe Biden est même rebaptisé “Genocide Jo” sur la toile. Abed A. Ayoub, directeur exécutif de ADC (The American-Arab Anti-Discrimination Committee) souligne avec colère sur son compte X que la demande d’un cessez-le-feu de 6 semaines correspond tout juste au temps qu’il faut pour que les primaires démocrates s’achèvent. Et quand certains médias mettent en garde avec un “cette mobilisation contre Biden pourrait faire gagner Trump”, le directeur de l’association anti-discrimination répond : ne les laissez pas vous culpablisez, dites-leur que “le pouvoir politique de votre communauté est si fort que vous avez destitué un président sortant”.
Le phénomène ‘"Abandon Biden" prend de l’ampleur. Des associations se sont lancées le même défi à travers le pays : mobiliser les électeurs contre l’administration Biden.
Huit États concernés par le Super Tuesday permettent de voter “non-committed”. À titre d’exemple, dans le Minnesota, les activistes distribuent des flyers avec un QR code. Le message qui s’affiche est un appel à s‘engager à voter “non-committed”. Les personnes sont également invitées à l’envoyer à trois autres familles.
La mobilisation s‘est faite dans les mosquées, dans les écoles, sur la pelouse du gouverneur démocrate et on a vu, ainsi, des associations travailler ensemble pour la première fois.
Le président Biden devrait gagner la primaire dans cet État mais avec quelle marge ? C’est la question. Les militants savent qu’il ne peuvent pas totalement retourner la situation. Leur objectif est de passer le message de leur colère et montrer qu’ils veulent du concret. “Ce qu'ils attendent des démocrates, c’est un cessez-le-feu permanent et l'arrêt de l’envoi d’armes à Israël” explique Sonia Dridi, correspondante aux Etats-Unis pour plusieurs médias français. “Cette campagne du vote arabe est une épine dans le pied des démocrates. Ça fait des mois que cela bout mais ils n’ont pas réagi. Ce qui est nouveau, c’est que la question palestinienne touche aussi des électeurs non arabes comme les afro-américains”. (Sonia Dridi est l’auteure d’un livre sur Joe Biden, le Pari de l’Amérique anti-Trump, 2020, aux éditions du Rocher)
Huwaida Arraf est américano-palestinienne, elle est avocate et cofondatrice de The International Solidarity Movement. Elle le confirme, le but des militants c’est de sortir la question palestinienne de la seule communauté arabe : “on souhaite renforcer le vote musulman mais la question de la justice et de la liberté pour les Palestiniens est bien plus large et on veut que les politiques américains comprennent que ce sujet mobilise aussi d’autres communautés comme les afro-américains ou le vote juif anti-sioniste. “
Cette colère autour de la question de Gaza effrite en tout cas la majorité composite qui a élu Joe Biden il y a quatre ans. Tous les musulmans américains ne vont pas forcément choisir la voie du vote blanc. Ainsi Ahmed, un Irako-américain installé dans le Sud des Etats-Unis depuis 15 ans, ne votera tout simplement pas cette année. “J’ai perdu tout espoir en l’administration Biden quand les États-Unis ont opposé leur veto à la demande de cessez-le-feu au conseil de sécurité des Nations Unies. Ce fut un choc. Ici le lobby juif est trop fort pour pouvoir retourner la situation.” Il ajoute que de nombreux amis n’iront pas aux urnes.
Mais durant ce super Tuesday, les yeux de l’équipe Biden seront sans aucun doute tournés vers les États de l’Arizona, de la Georgie et de Pennsylvanie, des États où les communautés arabes et musulmanes sont importantes.