Coup d'État au Niger: Ce qu’il faut savoir / Photo: DPA / Photo: AFP (AFP)

Jeudi, les Nigériens se sont réveillés dans un pays divisé après la destitution du président Mohamed Bazoum par un putsch militaire.

D’emblée, le gouvernement nigérien a rejeté le putsch et appelé la population à faire de même.

"Il y a eu une tentative de coup d'État, mais nous ne pouvons évidemment pas l'accepter", a déclaré Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères, dans une interview accordée jeudi à la chaîne d'information France 24.

"Nous appelons tous les patriotes démocrates nigériens à se lever comme un seul homme pour dire non à cette action factieuse qui tend à nous ramener des décennies en arrière et à bloquer le progrès de notre pays", a-t-il souligné.

Il a également appelé à la libération immédiate du président.

Le président Bazoum a été élu en 2021, lors de la première transition pacifique et démocratique du pouvoir dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, depuis son indépendance en 1960.

Il avait déjoué une tentative de coup d'État quelques jours avant de prêter serment.

Les militaires à l'origine du putsch de mercredi ont justifié leur action par la détérioration de la sécurité dans le pays et exhorté les puissances étrangères à ne pas interférer, ajoutant qu'ils avaient fermé la frontière et imposé un couvre-feu "jusqu'à nouvel ordre".

Curieusement, M. Bazoum a affirmé jeudi sur les réseaux sociaux, qu'il s'efforcerait de protéger les acquis démocratiques "durement conquis" dans son pays. "C’est le désir de tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté", a-t-il ajouté.

M. Bazoum n'était en poste que depuis deux ans, ayant pris ses fonctions en avril 2021, après avoir remporté un second tour de scrutin deux mois plus tôt.

Les menaces qui pèsent sur le leadership de M. Bazoum pourraient compromettre les efforts visant à stabiliser la région du Sahel qui a connu de multiples coups d'État ces dernières années.

À la suite de ce coup de force, les partisans de M. Bazoum ont tenté de s'approcher du complexe présidentiel, avant d'être dispersés par des membres de la garde présidentielle qui ont tiré des coups de feu de sommation, selon l’AFP. Une personne a été blessée, mais il n'a pas été possible de déterminer immédiatement si elle a été blessée par balle.

Voici ce que nous savons à ce jour sur la tentative de coup d'État militaire dans ce pays d'Afrique de l'Ouest qui a connu de fréquentes périodes de troubles.

Dirigeants de la tentative de coup d'État

L'annonce de la tentative de prise de pouvoir militaire a été faite par le biais d'un message vidéo du porte-parole du groupe putschiste, Amadou Abdramane.

"C'est le résultat de la dégradation continue de la situation sécuritaire, de la mauvaise gouvernance économique et sociale", a déclaré Abdramane Amadou dans son message vidéo.

On sait peu de choses sur Abdramane, si ce n'est qu'il est colonel-major dans l'armée de l'air nigérienne.

En 2021, des éléments de l'armée de l'air ont également été accusés d'être impliqués dans un coup d'État déjoué, deux jours seulement après l'investiture présidentielle de Bazoum.

Plusieurs personnes ont été arrêtées à la suite de cet incident, dont le meneur présumé. Cinq personnes ont été emprisonnées en février pour une peine de 20 ans.

Une deuxième tentative d'éviction de Bazoum aurait eu lieu en mars dernier alors que le président était en voyage à l'étranger, selon un responsable nigérien, qui a déclaré qu'une arrestation avait eu lieu. Les autorités n'ont jamais commenté publiquement cet incident.

Le groupe de mutins a déclaré qu'il restait attaché à ses engagements avec la communauté internationale et nationale, bien qu'il ait également mis en garde contre toute intervention extérieure, suite à la condamnation de l'Union africaine.

Aucune indication n'a été donnée dans l'immédiat quant à savoir si la mutinerie était soutenue par d'autres divisions de l'armée.

Plus tôt dans la journée de mercredi, un message de la présidence du Niger sur les réseaux sociaux indiquait que les membres de l'unité d'élite de la garde s'étaient engagés dans une "manifestation anti-républicaine et avaient tenté, en vain, d'obtenir le soutien d'autres forces de sécurité.

Le message indiquait que M. Bazoum et sa famille se portaient bien, mais que l'armée et la garde nationale du Niger "sont prêtes à attaquer" si les personnes impliquées dans le putsch ne faisaient pas marche arrière.

Une histoire parsemée de coups d'État

L'Union africaine, la CEDEAO et l'Union européenne ont condamné la "tentative de coup d'État", affirmant que de telles actions n'avaient pas leur place dans la société d'aujourd'hui.

L'Union européenne a déclaré qu'elle "s'associait" à la déclaration de la CEDEAO et rejetait "toute tentative visant à déstabiliser la démocratie et à menacer la stabilité" du Niger.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré, quant à lui, qu'il s'était entretenu avec M. Bazoum pour lui offrir le soutien de Washington.

Depuis son indépendance en 1960, le Niger est confronté à une instabilité politique chronique. Le pays a connu quatre coups d'État au cours de son histoire, le plus récent étant le putsch de février 2010 qui a renversé le président de l'époque, Mamadou Tandja.

La première transition démocratique du pays a eu lieu en 2021, lorsque Bazoum a accédé à la présidence après que son prédécesseur, Mahamadou Issoufou, se soit volontairement retiré. Bazoum était auparavant ministre de l'intérieur et bras droit d'Issoufou.

Le Niger, vaste pays d'Afrique de l'Ouest composé aux deux tiers de désert, est l'une des nations les plus pauvres du monde. La moitié de ses 26,2 millions d'habitants vit dans la pauvreté, en partie à cause du taux de natalité le plus élevé au monde, soit 6,8 enfants par femme en 2021.

Comme d'autres pays situés sur la bordure sud du Sahara, le Niger perd d'immenses étendues de terres au profit du désert, provoquant des sécheresses répétées qui aggravent la faim généralisée.

Il fait partie du projet de la Grande Muraille Verte d'Afrique, qui vise à créer un corridor d'arbres et d'arbustes de 8 000 kilomètres de long à travers le continent.

Insurrections jumelles

Tout comme ses voisins du Sahel, le Mali et le Burkina Faso, le Niger est aux prises avec le terrorisme qui a commencé au Mali en 2012 et s'est propagé à travers les frontières de la région.

Des centaines de milliers de personnes ont fui leurs foyers, ce qui a provoqué une crise humanitaire et mis à rude épreuve l'économie du pays. Les combats contre les terroristes affiliés à Al-Qaïda et à Daech se sont déroulés à moins de 100 kilomètres de la capitale.

L'une des attaques les plus meurtrières a fait 141 morts dans plusieurs hameaux de la vaste région désertique de Tahoua en mars 2021, selon un bilan officiel.

Le Niger, soutenu par les États-Unis, est un bastion de plus en plus rare de soutien aux opérations antiterroristes occidentales dans la région. La France a stationné 1 500 soldats dans le pays après avoir été chassée du Mali et du Burkina Faso.

Uranium, or et autres ressources naturelles

Le Niger possède un des plus grands gisements d'uranium au monde, une matière première clé de l'industrie nucléaire. La France, qui tire la quasi-totalité de son électricité de centrales nucléaires, a commencé à extraire de l'uranium dans le nord du Niger il y a un demi-siècle.

Le pays est également devenu un petit producteur d'or et de pétrole. Toutefois, la majeure partie de la population vit de l'agriculture.

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