“Depuis le début des hostilités à Gaza, les femmes vivent des grossesses en étant dépourvues de soins médicaux de base, d’installations sanitaires, d’eau et de nourriture”, a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. “Elles et leurs bébés sont constamment exposés au risque d’une mort évitable”.
Le rapport de 50 pages détaille les faits rapportés par les personnes interviewées, femmes enceintes et personnel médical à Gaza.
Jusqu’à début janvier 2025, des soins d’urgence d’obstétrique et du nouveau-né n’existaient que dans 7 des 18 hôpitaux partiellement en état de fonctionner à travers Gaza, dans 4 des 11 hôpitaux de campagne et dans un centre de santé communautaire ; c’est trois fois moins que l’offre qui existait avant octobre.
Des femmes enceintes laissées sans suivi et sans soins
La qualité des soins médicaux que sont capables d’offrir les quelques établissements médicaux et prestataires de services encore en activité à Gaza est très réduite. Des femmes enceintes ont été obligées de quitter l’hôpital surchargé d’urgence, quelques heures après leur accouchement, afin que des blessés de guerre et d’autres patients puissent être soignés.
Tous les établissements médicaux de Gaza fonctionnent dans des conditions d’insalubrité et de surpeuplement et connaissent des pénuries d’équipements essentiels, notamment de médicaments et de vaccins.
L’armée israélienne a déplacé 90% de la population palestinienne de Gaza, soit 1,9 millions de personnes.
Il était souvent impossible d’informer les femmes sur les endroits où elles pouvaient accéder de manière sûre à des services médicaux et difficile pour les femmes de parvenir en temps voulu dans ces lieux.
Les parturientes n’ont eu quasiment aucun accès à des soins médicaux spécialisés pour la période post-natale. Un médecin travaillant dans une maternité à Rafah a souligné que cet hôpital avait si peu de couveuses et tellement de bébés nés avant terme que le personnel soignant “doit mettre quatre ou cinq bébés dans une seule couveuse. (...) La plupart ne survivent pas”.
L’organisation en conclut que des bébés sont morts, ou que des femmes ont perdu leur enfant à cause de ces conditions extrêmes, tout en admettant qu'aucun chiffre n’existe sur ce sujet. Human Rights Watch cite cependant un communiqué d’UNICEF de juillet 2024. Des experts en matière de santé maternelle concluaient que le taux de fausses couches à Gaza avait augmenté de près de 300% depuis le 7 octobre 2023. L’UNICEF a également communiqué sur la mort d’hypothermie, de huit nourrissons et nouveau-nés, en raison de “l’absence persistante d’abris de base, conjuguée aux températures hivernales “.
“Des conditions abjectes” organisées par la puissance occupante
Le rapport pointe le doigt vers Israël qui a également privé les Palestiniens de l’accès à l’eau, ce qui constitue un crime contre l’humanité et un acte de génocide. De nombreuses femmes enceintes ont souffert de déshydratation, voire d’impossibilité de se laver.
Les femmes enceintes à Gaza n’ont presque aucune possibilité d’être évacuées si leur condition l’exige, bien que selon le droit international en matière de droits humains, tout civil a le droit de quitter son pays, y compris pour des raisons médicales, ainsi que le droit d’y retourner.
Human Rights Watch rappelle à Israël le droit international qui oblige la puissance occupante. Le gouvernement israélien est tenu de veiller à ce que la population civile reçoive de la nourriture, de l’eau et des fournitures médicales dans toute la mesure des moyens dont dispose le gouvernement occupant.
Selon la Convention de Genève régissant ces pratiques, les autorités israéliennes sont obligées d’autoriser “le libre passage de tout envoi de vivres indispensables, de vêtements et de fortifiants réservés aux enfants de moins de quinze ans, aux femmes enceintes ou en couches”.
Différentes ONG ont tout au long des quinze mois de guerre alerté régulièrement sur l’impossibilité de faire entrer l’aide humanitaire nécessaire dans Gaza, que ce soit de la nourriture ou des anesthésiques.
Belkis Wille de HRW dénonce ces “conditions abjectes” et conclut que les pays alliés d’Israël doivent faire cesser ces violations du droit international. Le rapport se termine ainsi : “Les gouvernements devraient interrompre leur aide militaire ; réviser et si possible suspendre leurs accords bilatéraux, tels que l’Accord d’association UE-Israël, comme l’ont proposé les gouvernements de l’Espagne et de l’Irlande, et l’Accord de libre-échange entre les États-Unis et Israël ; et soutenir la Cour pénale internationale et les autres efforts visant à faire rendre des comptes aux responsables”.