Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a exhorté mardi le Sénégal à tenir des élections “aussi vite que possible”, au cours d’un appel téléphonique avec le président Macky Sall.
M. Blinken “ a parlé avec le président du Sénégal ce matin pour réitérer notre inquiétude quant à la situation là-bas et dire clairement que nous voulons voir les élections avoir lieu comme prévu - nous voulons leur tenue aussi vite que possible “, a fait savoir à la presse le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.
“ Et si elles n’ont pas lieu le 25 février, nous voulons qu’elles aient lieu dès que possible “ après cette date, a-t-il ajouté.
Le report de la présidentielle sénégalaise du 25 février au 15 décembre, a crispé la vie socio-politique, entraînant des heurts dans la rue entre la police et les manifestants. Trois morts ont déjà été enregistrés.
Hier, les autorités ont interdit une “marche silencieuse” du nouveau collectif Aar Sunu Election ("Protégeons notre élection"), qui revendique plusieurs dizaines d'organisations syndicales et de groupes citoyens et religieux.
Plusieurs des manifestations non-autorisées ont dégénéré en heurts, comme cela a été le cas vendredi, quand de nombreux Sénégalais avaient voulu répondre à un appel --aux auteurs non identifiés-- diffusé sur les réseaux sociaux. Les policiers et les gendarmes les en ont empêchés par la force.
Le gouvernement a également suspendu l'internet sur les téléphones mobiles "en raison de la diffusion sur les réseaux sociaux de plusieurs messages haineux subversifs", pour la deuxième fois en huit jours. Les restrictions d'accès à internet sont désormais courantes dans un certain nombre de pays pour endiguer la contestation.
La France a appelé les autorités sénégalaises "à faire un usage proportionné de la force", et a réitéré "son appel aux autorités à organiser l'élection présidentielle le plus rapidement possible (...) et à garantir les libertés publiques".
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a estimé que le droit des Sénégalais à manifester pacifiquement doit être "respecté" et a demandé aux forces de l'ordre de ne pas faire "un usage meurtrier de la force", selon son porte-parole.
Amnesty International a pour sa part exigé des autorités une enquête "rapide, minutieuse, indépendante, impartiale, transparente et efficace sur le recours à l'usage mortel de la force contre les manifestants".
Le Sénégal est en proie à l'une de ses plus graves crises politiques des dernières décennies depuis que le président Macky Sall a annoncé le report de la présidentielle le 3 février, à trois semaines de l'échéance.
L'Assemblée nationale a ensuite entériné le renvoi de l'élection au 15 décembre et le maintien du président Sall à son poste jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, a priori donc début 2025.
Ce changement in extremis dans un pays vanté pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques, a provoqué des cris de "coup d'Etat constitutionnel".
L'opposition qui dénonce “un coup d’État constitutionnel” soupçonne le camp présidentiel de s'arranger avec le calendrier parce qu'il est sûr de la défaite de son candidat, le Premier ministre Amadou Ba, désigné par M. Sall pour lui succéder.