Bien sûr, le travail est difficile et aléatoire. Les équipes bougent au gré des bombardements. Aujourd’hui l’ONG emploie seulement des Gazaouis qui, eux aussi, doivent déplacer leur famille à chaque opération militaire.
Elsa Softic, adjointe au directeur des opérations revient pour TRT Français sur une année qui a marqué l’ONG. Première Urgence travaillait surtout dans le nord de la bande de Gaza. “C’est un an de bombardements, un an de convois humanitaires non protégés, un an de déplacements, un an où les palettes d’aide humanitaire sont bloquées à l’entrée de Gaza. C’est un an d’entrave au travail humanitaire.”
Plusieurs camions de l’ONG, transportant des médicaments, de la nourriture et des produits de première nécessité comme des couvertures, des tentes, sont bloqués à Rafah depuis plusieurs mois.
L’aide humanitaire toujours et encore bloquée par Israël
“C’est bloqué, on ne sait pas quand ça va se débloquer, si ça va se débloquer, si la cargaison sera complète, si elle sera abîmée. La situation impacte nos programmes, et nos opérations dans Gaza, c’est aussi très difficile de faire entrer des humanitaires dans l’enclave. C’est possible un jour ou deux par semaine, on doit être inscrit sur une liste, on ne sait jamais quand on sera sur la liste. Et pourtant l’ONG travaille sous mandat humanitaire, et est connue depuis vingt ans à Gaza.”
Malgré tout, Première urgence internationale a maintenu des services. Elle continue à distribuer de l’eau potable, les réseaux de distribution d’eau ont été pratiquement tous détruits par les bombardements. Elle a aussi fourni 20 000 kits d’hygiène et des articles de première nécessité comme des matelas.
L’ONG rappelle que la bande de Gaza était sous blocus israélien avant le 7 octobre, les camions étaient donc déjà fouillés, inspectés, ralentis et que de nombreux produits n’étaient pas autorisés à “entrer”. L’enclave palestinienne avait besoin de 200 camions par mois pour approvisionner la population en biens de première nécessité, “aujourd’hui, il y a moins de 30 camions qui entrent par mois”, regrette la déléguée à la direction des opérations de l’ONG, alors que les besoins ont décuplé.
Le droit humanitaire est mort et enterré dans la bande de Gaza
L’ONG est présente dans 25 pays en guerre, mais Gaza est le terrain le plus difficile qu’elle a connu. Première Urgence International travaille au Soudan, en RDC, des pays difficiles en guerre et même si l’ONG savait qu’il y allait avoir une réponse militaire d’Israël à l’attaque du 7 octobre, “on ne s’attendait pas à ce déchaînement de violence et nous avons été choqués que les zones dites sûres pour les déplacés ont été bombardées” explique Elsa Softic.
A propos de la situation dans l’enclave palestinienne, l’adjointe au directeur des opérations décrit: “À Gaza, 90% de la population est déplacée, c’est énorme, il n’y a pas d’espace de sécurité. Les hôpitaux, les écoles, les camps de déplacés ne sont pas protégés.” Elsa Softic rappelle la mort de 121 humanitaires à Gaza entre janvier et août 2024 et 163 en 2023 selon l’OCHA, le bureau humanitaire de l’ONU.
Une ampleur qui est un marqueur nouveau et qui va de pair avec les bombardements des hôpitaux, des écoles, des civils, en violation du droit humanitaire international.
Dans les faits, cela veut dire que les ONG travaillent lors des pauses dans les bombardements, Première Urgence n’a pu distribuer que 29 palettes de médicaments aux hôpitaux locaux en une année, cela veut aussi dire que parfois les blessés ne peuvent pas être transférés à l'hôpital parce que l’ambulance a été bombardée.
“Il ne reste que 17 hôpitaux dans la bande de Gaza, qui fonctionnent partiellement et ils sont encore bombardés. Le droit humanitaire est mort et enterré à Gaza,” regrette Elsa Softic.
La faim est une arme de guerre à Gaza
Première Urgence a aussi mis l’accent sur la nécessité de maintenir coûte que coûte la production de pain. Elle aide des groupes de femmes palestiniennes avec farine et matériel et ainsi près de 200 000 pains ont été confectionnés. Les Nations Unies estiment qu’un demi-million de Gazaouis sont au bord de la famine aujourd’hui.
L'humanitaire répète à plusieurs reprises durant l’entretien les craintes de l’ONG que l’attaque sur le Liban ne fasse sortir Gaza un peu des radars au moment où les bombardements y sont quotidiens et où le nord de la bande de Gaza a de nouveau été déclaré “zone de combat” par Israël, des habitants qui étaient retournés dans leur quartier doivent donc à nouveau partir.
41 800 personnes ont été tuées à Gaza, des milliers de personnes sont disparues et on compte environ 100 000 blessés.