Après une première journée de grève largement populaire jeudi dernier, la première depuis 106 ans, les infirmières poursuivent leur mouvement pour tenter d'obtenir une augmentation substantielle après des années à se serrer la ceinture dans un système public de santé (NHS) chroniquement sous-financé.
Et dans un Royaume-Uni qui ploie sous une inflation à plus de 10%, elles sont devenues le symbole d'une population qui souffre de la crise du coût de la vie et ne s'estime pas suffisamment soutenue par le gouvernement.
Salariés des chemin de fer, de la logistique, ambulanciers, agents de la police aux frontières, des aéroports, etc., de nombreux secteurs ont décidé de débrayer en cette fin d'année, et pour beaucoup aussi début janvier.
Si des Britanniques critiquent certains de ces mouvements qui bousculent parfois leurs projets pour Noël, les infirmières jouissent elles d'un fort soutien dans la population. Car elles ont été en première ligne pendant la pandémie de Covid-19 et subissent une crise qui touche depuis des années le très respecté système public et gratuit de santé.
Selon un sondage YouGov publié dimanche dans le Sunday Times, près de deux tiers des Britanniques soutiennent les infirmières et ils sont la moitié à défendre la grève des ambulanciers, contre 37% en faveur des débrayages des salariés du rail.
"Personne à qui parler"
Cette popularité met la pression sur le gouvernement qui se montre jusqu'à présent inflexible, refusant de relever la hausse d'environ 4% prévue cette année, qui correspond à la recommandation d'un organisme composé d'experts chargé de conseiller le gouvernement.
En déplacement en Lettonie lundi, le Premier ministre Rishi Sunak a encore défendu l'approche "responsable et juste" de son gouvernement. "En matière de salaire, c'est parce que ce sujet est difficile que nous avons un processus indépendant", a-t-il ajouté.
Accorder davantage serait insoutenable pour les finances publiques britanniques, a répété à plusieurs reprises le ministre de la Santé Steve Barclay, accusé par un syndicat de se comporter comme un "macho" durant les négociations.
"Ils ne veulent pas parler avec nous de l'éléphant dans la pièce qui est la rémunération", s'est indigné lundi sur la BBC Christina McAnea, la secrétaire générale du syndicat Unison.
"La seule raison pour laquelle nous poursuivons (le mouvement) est que nous n'avons personne à qui parler de ce qui est vraiment le problème", a insisté sur Times Radio Patricia Marquis, la directrice pour l'Angleterre du principal syndicat d'infirmières, le RCN, avec ses quelques 100.000 adhérents.
"Malheureusement, s'il n'y a aucune avancée, nos membres ont voté pour la grève, et ce mandat court sur six mois", a-t-elle ajouté, confirmant la détermination des soignants à faire durer la grève si nécessaire.
Mais face au risque de voir encore la prise en charge des patients se dégrader, et devant la popularité du mouvement, l'unité au sein des conservateurs s'est lézardée ces derniers jours.
Certains députés du camp du Premier ministre ont enjoint le gouvernement à lâcher du lest ou en tout cas à ouvrir un dialogue plus constructif avec les infirmières. Plusieurs pistes ont été évoquées, comme de demander une nouvelle recommandation au groupe d'experts, sans que le gouvernement ne semble pour l'instant vouloir s'y résigner.
Le gouvernement tente lui de limiter la portée des grèves pour la population. Il prévoit de mobiliser 750 militaires pour remplacer des ambulanciers grévistes mercredi, et 625 seront déployés pour remplacer les agents de la police aux frontières.