C’est le jour J pour les 50 millions d’électeurs français appelés à voter pour les élections européennes.
Les bureaux de vote ont ouvert à 8h et fermeront à 18h (GMT+2), excepté dans certaines grandes villes où il sera possible de voter jusqu’à 20h notamment à Marseille, Lyon et Paris). Les premières estimations nationales tomberont à 20h ce dimanche, par parti national et par groupe politique. A l’instar de la France, une vingtaine de pays votent pour choisir leurs eurodéputés. Ce scrutin clôture un marathon susceptible de redessiner les équilibres politiques du Parlement européen où l'extrême droite risque de faire une percée.
Selon les derniers sondages, le RN en France pourrait arriver en tête pour la troisième fois lors d’une élection européenne.
Le journal Le Figaro a publié des pronostics, le 3 juin. 33,5% des voix pour la liste de Jordan Bardella, 15,5% des voix pour la liste Renaissance, 7% seulement pour les Républicains. À gauche, la liste du PS affiche une légère progression avec 14% des intentions de vote et LFI est à 7%.
Cette année, si les sondages se confirment dans les urnes, le RN obtiendrait 31 sièges sur les 81 qui reviennent à la France. Pour rappel, l’élection européenne est une élection à la proportionnelle à un tour. L’extrême droite ne va donc pas rafler tous les sièges de députés alloués à la France.
Emeric Bréhier, politologue et directeur de l’Observatoire de la vie politique à la Fondation Jean Jaurès nuance les sondages pour TRT Français. “Il faut attendre le scrutin car à chaque élection, les chiffres sont revus à la baisse ou à la hausse”, dit-il.
“En 2019, les écologistes devaient faire 9%, ils ont fait 13%, la France Insoumise devait faire 8,5% ils ont fait 6,5% donc il faut faire attention. Mais, le RN va sans doute faire mieux qu’en 2019, et la majorité présidentielle risque une déconvenue. En 2019, elle faisait 22% en rattrapant, dans les dernières semaines avant le scrutin, le retard qu’ils avaient sur la liste RN. Cette fois-ci, ce ne sera pas le cas, ils ont même dévissé, ils sont à 15% des votes dans les sondages”, poursuit le politologue, mais il nuance : “depuis 1999, il n’y a jamais eu d’élections européennes où le parti au pouvoir a été gagnant.”
Que changerait un succès du RN dans les urnes ?
Ce qui semble certain, aujourd'hui, c’est que le RN va obtenir plus de députés européens, mais il n’y aura pas de conséquence sur les institutions françaises.
Légalement c’est une élection européenne, et non nationale. Bien sûr, le RN essaie de jouer cette carte en demandant la dissolution de l’Assemblée nationale française s'il arrive en tête. Emeric Bréhier estime que ce n’est sans doute pas à l'agenda du président de la République : “il n’a pas de majorité à l'Assemblée nationale mais s’il convoque de nouvelles élections législatives, cela pourrait être pire”.
La France n’est pas un cas unique. Les partis populistes sont en tête dans huit autres pays européens mais ne vont pas tous performer. Selon un sondage Ipsos, le RN en France, l’Alternative pour l’Allemagne, le PVV (Parti pour la Liberté) aux Pays-Bas et les partis de droite radicale AUR et SOS Romania en Roumanie devraient améliorer leurs résultats, mais la Ligua italienne et le PiS polonais semblent plutôt stagner.
Un groupe ultra-droite avec 158 députés ?
Au Parlement européen, l’arrivée d’un nombre plus important de députés d’extrême droite ou populistes ne va pas créer de cataclysme mais le bloc d’extrême droite sera sans aucun doute plus fort. Aujourd’hui, les partis anti-européens siègent dans deux petits groupes, Les Conservateurs et réformistes européens (CRE), qui compte le PIS (Droit et Justice) polonais et le parti Fratelli d’Italia de Meloni, et Identité et Démocratie (ID) où on retrouve le RN français, l’Alternative pour l’Allemagne (AFD) et le parti de la liberté d’Autriche (FPO).
Les deux groupes devraient gagner chacun 10 députés supplémentaires.
Pour Emeric Bréhier, le parlement pourra toujours fonctionner avec le PPE (Parti populaire européen avec 176 députés aujourd'hui) qui rassemble des démocrates-chrétiens et des centristes et le SD (Sociaux démocrates avec 139 députés).
Selon une projection publiée par Europe Elects en début de semaine, le groupe des libéraux, Renew, devrait perdre 20 sièges et passer à 80 députés. Les écologistes perdent du terrain également, notamment en Allemagne à cause de leur participation à la coalition d’Olaf Scholz devenue impopulaire. Ils devraient perdre une vingtaine de sièges. “Les équilibres seront peut-être plus difficiles à trouver mais le Parlement européen fonctionne toujours sur des compromis car personne n'y a une majorité absolue”. Une question demeure : les deux formations à l’extrême droite pourraient-elles fusionner ? C’est peu probable car ces différents partis européens ont des désaccords profonds.
L’immigration au cœur de la campagne
Le RN l’a placée au centre de sa campagne. Jordan Bardella a conclu son débat avec le Premier ministre, Gabriel Attal, par un “le 9 juin, c’est un vote pour ou contre l’immigration de masse !“.
Dans les faits, il s’agit d’une déformation de la réalité puisque l’UE a voté en juin un pacte immigration et asile qui vise à limiter, encore, l’accès aux pays européens pour les migrants et les immigrations illégales sont revenues à un niveau d’avant la crise syrienne. Peu importe, les sondages le montrent, les deux thèmes que les électeurs mettent en tête de leur préoccupation sont le pouvoir d’achat et l’immigration.
Ce sont des thèmes privilégiés pour les populistes, souligne pour TRT Français, Raphaël Liogier, directeur scientifique à l’Université Mohamed VI Polytechnique, à Marrakech “C’est la première fois qu’on assiste à un affrontement dans l’ensemble de l’Europe entre les partis politiques européens traditionnels et un nouveau populisme. Ce n’est plus une division entre gauche et droite, entre écologistes et libéraux. Il y a un enjeu fort sur la survie européenne”.
Ce nouveau populisme européen joue sur l’angoisse collective d’une perte d’identité des Européens, explique le chercheur. “Il y a une angoisse sur le déferlement, ça peut être l’immigration, l’Islam, le grand capital dont l’Europe serait le cheval de Troie. Ce sont des gens anti-européens qui vont se retrouver au Parlement européen. Donc, s’ils sont trop nombreux à Bruxelles, c’est l’effondrement de l’Europe de Jean Monnet”.
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En face de ce nouveau populisme, se trouvent les libéraux, des partis qui défendent des valeurs humanistes, des valeurs de liberté, de paix. La solution peut venir d’eux, estime le politologue Emeric Bréhier, soulignant que “la solution, c’est qu’ils travaillent ensemble et trouvent des réponses aux angoisses de leurs électeurs”.
Reste la plus grande inconnue de ce scrutin, l’abstention. Dans un sondage Ipsos publié par le journal le Monde, mi-mars, 40% des personnes sondées ne savaient pas si elles allaient voter.