De surcroît, depuis que l'Etat a « interrompu l'impression des Corans en Libye », les prix ont grimpé.
Il faut désormais une vingtaine d'euros, selon la qualité de la reliure, pour un Coran de taille moyenne, dit-il. L'atelier ne fait payer que quelques euros pour le matériel utilisé dans la restauration, la main-d'oeuvre étant gratuite.
Le ramadan est l'une des périodes les plus mystiques de l'année, consacrée à la prière et à la lecture du livre saint de l'islam. Et cette année, avec la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, les mosquées prévoient un afflux de fidèles, tapis de prière et Coran sous le bras.
Juste avant le mois sacré en avril cette année, il y a foule dans l'atelier de la rue Mizran, l'un des plus célèbres de Libye.
Au fond de la pièce, Abdel Razzaq al-Aroussi, la soixantaine, en bleu de travail, répertorie les Corans selon leur degré de détérioration et la durée de l'intervention nécessaire qui « variera entre une ou plusieurs heures ».
Certains clients leur confient de précieux ouvrages transmis de génération en génération, malmenés par le temps.
Il ne s'agit pas seulement de réparer mais d'établir un lien privilégié avec des clients souhaitant préserver un Coran qui véhicule des souvenirs et « porte encore l'odeur d'un grand-père, d'un père ou d'une mère », confie M. Drebi qui, malgré le succès de son atelier, travaille bénévolement et dépend uniquement de dons de gens charitables ».
Aux yeux de ces artisans passionnés, c'est davantage un « travail de mémoire » qu'un simple acte de générosité.
De plus en plus de femmes
Une nouvelle génération a rejoint l'atelier, apportant de « nouvelles techniques » utilisant l'ordinateur pour le « design graphique et des logiciels comme Photoshop pour reproduire les pages manquantes d'un Coran », souligne M. Al-Amin.
Depuis la création de l'atelier Mizran en 2008, près d'un demi-million d'exemplaires ont été restaurés et plus de 1.500 stagiaires, essentiellement des hommes, s'y sont formés.
Mais de plus en plus de femmes attirées par ce métier qui allie savoir-faire et spiritualité viennent l'apprendre avant de devenir formatrices à leur tour.
Elles apprécient d'exercer cette activité dans le confort de leurs foyers ou dans des ateliers exclusivement féminins comme celui géré par Khadija Mahmoud à Zaouia (45 km à l'ouest de Tripoli).
Retraitée de l'éducation nationale, formée à l'atelier Mizran, elle est très aimée de ses élèves, surtout des femmes non-voyantes qui retrouvent ainsi un sens à leur vie.