Le fascisme est arrivé aux États-Unis, mais d'une source improbable -un segment de plus en plus important de la communauté des migrants indiens, en particulier ceux qui ont été radicalisés par l'idéologie politique ultranationaliste de l'Hindutva (hindouité).
C'est un fléau qui est resté inaperçu jusqu'à ce que l’Association des hommes d’affaires indiens (IBA) a organisé une parade à Edison, dans le New Jersey, à l’occasion de la Fête de l'Indépendance où l’on pouvait voir un bulldozer orné des affiches de personnalités nationalistes hindoues, dont le Premier ministre indien Narendra Modi et le chef du gouvernement local de l’État de l'Uttar Pradesh, Yogi Adityanath.
Le bulldozer symbolise non seulement la démolition illégale de maisons et d'entreprises de musulmans, mais aussi la dernière arme en date utilisée par le gouvernement indien dans sa quête de la suprématie hindoue. Cette "justice du bulldozer", célébrée par les milieux nationalistes hindous dans les rues américaines, a été décrite comme un outil de génocide.
Les participants au rassemblement d'Edison ont également entendu des expatriés indiens chanter "Jai Sri Ram", une vénération en l’honneur de la divinité hindoue Ram, qui a été instrumentalisée par les nationalistes hindous pour intimider et menacer les minorités religieuses de l'Inde, alors que le bulldozer roule dans les rues. "Jai Sri Ram" sont généralement les derniers mots qu'un musulman entend avant d'être agressé, voire lynché.
Nous assistons à l'infiltration de la diaspora indienne aux États-Unis par l'idéologie Hindutva qui s’inspire dans ses croyances haineuses et génocidaires des mouvements fascistes européens du XXe siècle, y compris le parti nazi. Mais cette infiltration des espaces politiques et civiques se déroule de manière totalement inaperçue.
On peut facilement imaginer l’indignation générale, à tous les niveaux de la société américaine, après avoir assisté à un rassemblement organisé par des nazis qui scandaient "Heil Hitler", tout en marchant au pas de l'oie. Cependant, pas un seul dirigeant politique n’a condamné la célébration de la persécution et de la dépossession des musulmans par les immigrés indiens d’Edison radicalisés par l’Hindutva.
En fait, des dirigeants politiques nationaux et nationaux, dont le président de l'Assemblée du New Jersey Craig Coughlin et le député démocrate Frank Pallone, ont assisté au rassemblement qui a pris l’allure d’une célébration manifeste de la persécution religieuse en Inde, et malgré le fait que le gouvernement américain ait récemment exprimé sa préoccupation face à la recrudescence des violations des droits des minorités religieuses par des responsables gouvernementaux en Inde.
En outre, les scènes horribles observées dans le New Jersey ne peuvent être considérées comme agissements d'une minorité marginale, mais plutôt comme le reflet du même genre de politiques haineuses et discriminatoires adoptées et promulguées par le gouvernement nationaliste hindou de l'extrême droite à Delhi, d’autant plus que l'événement a été soutenu par la société des Amis du BJP outre-mer (OFBJP) -l'agent du parti au pouvoir en Inde à l’étranger- avec le porte-parole du BJP, Sambit Patra, nommé Grand maréchal du défilé.
Il est évident que les organisateurs et supporters de l'événement ont eu l'intention d'envoyer aux musulmans, chrétiens, dalits et autres minorités parmi la communauté indo-américaine un message sans équivoque: vous n'êtes pas à l’abri des persécutions, même ici aux États-Unis.
Le projet Hindutva est une idéologie d’exclusion parce que ses adeptes au gouvernement visent à transformer l'identité laïque et multiculturelle de l'Inde en une autre pour les minorités non hindoues sont absentes ; et rien n’est épargné pour atteindre cet objectif, y compris le bulldozer.
Les nationalistes hindous passent des lois discriminatoires, tout en incitant à la violence dans les rues pour atteindre cet objectif, aussi bien en Inde qu'à l'étranger, comme l'illustre une attaque menée le 15 août par des nationalistes hindous contre des Indo-américains qui manifestaient à Anaheim, en Californie, pour accroître la sensibilisation à la persécution des musulmans et des Dalits en Inde.
"Nous avons été basculés et traités de “stupides musulmans” et de “terroristes”, et on nous posaient des questions comme : Êtes-vous pakistanais? ", a déclaré l'un des manifestants.
Le Conseil indien des musulmans d'Amérique a qualifié cette attaque de "sans précédent", tout en prévenant que la montée de l’Hindutva aux États-Unis n'est plus un problème que les forces de l'ordre peuvent se permettre d'ignorer.
L'an dernier, les groupes de droite hindous aux Etats-Unis s'étaient farouchement opposés à une conférence universitaire sur Hindutva. Des journalistes américains, des militants des droits de l'homme et des universitaires, qui ont participé à la toute première grande conférence en ligne sur Hindutva aux Etats-Unis, ont été visés par des menaces de viol et de mort, tandis que les universités, y compris Harvard et Stanford, ont été inondées par près d'un million de messages email et de spam.
Cette campagne électronique a été orchestrée par la Fondation Hindoue américaine (HAF), un nom inoffensif en apparence et trompeur derrière lequel se cache une organisation qui promeut et encourage Hindutva, l'idéologie politique, et non l'hindouisme comme religion.
La controverse a été déclenchée par la HAF en Californie il y a plusieurs années, quand elle s'est associée à la Fondation d’Éducation hindoue (HEF), une filiale américaine de l'organisation paramilitaire Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), pour faire pression sur le département d'éducation de l'Etat afin de l’amener à adopter des points de vues nationalistes hindous dans les manuels scolaires, y compris la caractérisation des musulmans comme des envahisseurs étrangers.
Cette campagne d’influence agressive et de lobbying est soutenue par des dizaines de millions de dollars, comme le montre un récent rapport qui a révélé que sept groupes affiliés à Hindutva basés aux États-Unis ont dépensé plus de 158 millions de dollars sur divers projets au cours des deux dernières décennies, notamment pour persuader les membres du Congrès de soutenir les politiques du parti d'extrême-droite en Inde Bharatiya Janata Party.
Ces groupes ont réussi à recruter et financer plusieurs représentants aux niveaux local et national ces derniers temps, dont l'ancienne parlementaire Tulsi Gabbard (D-HI), le député Raja Krishnamurthy (D-IL), le représentant de l'Etat du Michigan Padma Kuppa, et l'ancien représentant de l'Etat du Texas, Sri Kulkani.
Remarquablement, ces récents événements aux États-Unis ont lieu la même année marquant le 20e anniversaire du pogrom du Gujarat, au cours duquel plus de 2 000 musulmans ont été enlevés, brûlés et tués par des nationalistes hindous radicaux, qui ont pris l’exemple du gouvernement nationaliste hindou de l'État, dirigé alors par le Premier ministre actuel Narendra Modi.
Au cours des deux dernières décennies, Modi et ses partisans ont non seulement escamoté son rôle dans l'incitation au génocide, mais ont également minimisé et nié les violences qui ont eu lieu au cours de cette frénésie de trois jours de viols et de meurtres.
Aujourd'hui, cependant, les nationalistes hindous célèbrent ouvertement le génocide du Gujarat, allant jusqu’à faire l'éloge en public de la remise en liberté les 11 condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, après avoir violé une femme enceinte musulmane il y a vingt ans ; une décision qui n'a pas seulement pour but d'effacer et de nier leurs crimes, mais aussi les transformer en champions. La libération anticipée de ses agresseurs risque également de faire du viol et du meurtre de musulmans une source de fierté.
En ce sens, les forces nationalistes hindoues emboîtent le pas aux forces nationalistes serbes en Bosnie-Herzégovine, où le déni du génocide de Srebrenica a ouvert la voie pour la célébration de ceux qui ont assassiné plus de 8.000 musulmans bosniaques en 1995.
En Inde aujourd'hui, nous assistons à un effort orchestré pour faire de Modi un héros national pour son rôle indéniable dans le génocide du Gujarat, et pour renier aux musulmans leur statu de victimes, un procédé qui se déploie actuellement dans les rues américaines en pleine vue du public américain.
Le fascisme est arrivé en Amérique, mais pas sous une forme facilement reconnaissable. Les dirigeants politiques et la société civile du pays doivent répondre à cette menace nouvelle et émergente à la démocratie, à la pluralité et au bien-être de millions d’immigrés Indo-américains.
L’ADN idéologique de l’Hindutva est une réplique du nazisme et doit être confronté en conséquence.
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