Lorsque Liz Truss a annoncé sa démission jeudi dernier, devant le perron du 10 Downing Street, la nouvelle n’était plus qu’un secret de polichinelle. Les rumeurs sur sa disparition politique imminente circulaient depuis des jours à l'intérieur comme à l'extérieur de l’enceinte du Palais de Westminster, et il est rare que les bruits de couloir se concrétisent de manière aussi précise.
Des promesses de "croissance, croissance, croissance" qu’elle scandait lors de la conférence du parti à Birmingham fin septembre, Truss est passée rapidement au statut de Première ministre la plus éphémère dans l’histoire du Royaume-Uni. Quarante-quatre jours, pour être précis. Il faut remonter à 200 ans pour trouver le précédent détenteur du record, George Canning, qui a tenu 119 jours. Toutefois, la disparition de Canning était due à des problèmes de santé. Dans le cas de Truss, il s’agit de dommages auto-infligés.
Des experts l’auraient mise en garde, dès le départ, contre la mise en œuvre de sa vision économique basée sur la théorie de ruissellement, dans la situation économique difficile actuelle. Elle n'a pas écouté, provoquant des turbulences sur les marchés par son "mini-budget", une chute historique de la valeur de la livre et une augmentation des paiements hypothécaires pour des millions de Britanniques.
Lorsqu'elle s'est rendu compte que ni les marchés ni la population n'accepteraient son plan, elle a limogé son chancelier de l'Échiquier et l'a remplacé par Jeremy Hunt, mais il était déjà trop tard. Les choses sont devenues encore plus inquiétantes pour Truss lorsque Hunt a annulé presque tous ses plans, y compris la promesse de plafonner les factures d'énergie pendant une période de deux ans. À ce stade, l'adieu de Truss n'était plus une question de si mais de quand.
Pendant l'une des pires crises du pays depuis la Seconde Guerre mondiale, Truss quitte son poste sans plan ni leadership.
"Après 12 ans d'échec de la politique des Tories, le peuple britannique mérite mieux que ce gâchis", a déclaré le leader du parti travailliste Keir Starmer après la démission de Truss. Naturellement, Starmer - comme tous les autres partis d'opposition - a appelé à de nouvelles élections.
La logique derrière cela est évidente : les travaillistes devancent largement les Tories dans les sondages et seraient très probablement en mesure de remporter une élection actuellement.
En conséquence, les Tories ont étouffé dans l'œuf toute spéculation sur de nouvelles élections et ont rapidement annoncé qu'un successeur à Truss serait trouvé au cours de la semaine.
Après que Boris Johnson - dont l’éventuel retour sur scène décrit de manière éloquente le désordre politique en Grande-Bretagne - a déclaré qu'il ne chercherait pas à reprendre la direction du parti, Rishi Sunak est devenu le grand favori. Ce dernier s’était incliné face à Truss lors de la précédente course au leadership au cours de l'été.
Cependant, Sunak se trouvera d'emblée dans une position ingrate.
D'une part, il n'a tout simplement pas de mandat populaire. Truss s’était déjà beaucoup éloignée du programme qui avait permis à Johnson de remporter sa victoire écrasante en 2019, avec sa version moderne du thatchérisme pour laquelle personne n'a jamais voté.
Lui remettre le mandat de Johnson était toléré à peine du fait de l'existence d'un précédent récent, Tony Blair remettant le bureau à Gordon Brown. Mais remettre deux fois en l'espace de deux mois un mandat si fragile ne fera que compromettre davantage la légitimité de Sunak aux yeux du public.
Dans le pire des cas, le public n'acceptera tout simplement pas Sunak, ce qui pourrait entraîner des manifestations de masse et une instabilité politique encore plus grande.
De plus, Sunak est en grande partie responsable du déclenchement de la crise gouvernementale lorsqu'il a non seulement démissionné du poste de chancelier de l'Échiquier de Johnson, mais aussi lorsqu'il a calomnié son supérieur en sortant ("le public s'attend à juste titre à ce que le gouvernement soit dirigé correctement, avec compétence et sérieux").
À la grande consternation de Sunak, Johnson continue de bénéficier d'un nombre important de partisans parmi les députés qui n'ont pas oublié la conduite de Sunak. Pour faire avancer toute législation, Sunak doit serrer les rangs, ce qui semble - dans le meilleur des cas - être un défi de taille pour le moment.
Or la tenue d’élections comme alternative idéale pour asseoir son mandat sur une assise solide n'est tout simplement pas une option pour lui. En effet, les Tories talonnent les travaillistes dans tous les sondages par de larges marges, ce qui les oblige à mener la transition de Truss à Sunak, ne servant ainsi pas les meilleurs intérêts du pays mais cherchant simplement à rester au pouvoir. Une situation qui ne promet pas le redressement dont le pays a actuellement besoin.
De plus, ces derniers jours ont montré que personne n'a tiré de leçon du chaos actuel. Des noms et des personnalités flamboyantes, sans qualités politiques certaines, ont dominé le débat public, reprenant un modèle qui avait manifestement échoué. Qu'il s'agisse de Johnson, Truss ou Jeremy Corbyn, si tous trois ont réussi à inspirer un public fidèle ou à fournir des réponses simples à des problèmes complexes, tous ont échoué en fin de compte, laissant leurs partis dans un état pire que celui dans lequel ils les avaient trouvés.
Mais la Grande-Bretagne a besoin d'un homme d'action qui soit calme et pragmatique dans son approche, fiable et capable d'assurer la stabilité. Sunak peut-il être cette personne pour les Tories et le pays ? Peut-être. Cependant, son chemin est déjà pavé d’énormes contraintes dans une période qui ne permet pas de contourner les difficultés, mais qui exige des solutions immédiates, un moyen de sortir du chaos actuel, tout de suite.
Dans ces conditions, il semble peu probable que la Grande-Bretagne sera délivrée de ses maux de sitôt. Et avec l'hiver qui s'annonce, les vrais problèmes ne font que commencer.
Les élections sont sans aucun doute dans l'intérêt du pays et sans doute même dans celui des Tories. Un gouvernement travailliste dirigé par M. Starmer pourrait apporter la stabilité tant attendue, tandis que le parti conservateur pourrait profiter de ce temps pour combler les lacunes internes, se réinventer et redevenir un acteur responsable et fiable du gouvernement.
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