Largement critiquée pour son “inefficacité” dans la crise malienne et rejetée par une large frange des opinions publiques ouest-africaines qui l’accuse d’être plus ou moins inféodée à la France ou d’ingérence dans les affaires intérieures des pays du Sahel, la CEDEAO se trouve aujourd’hui mise à l’épreuve face au coup d’État au Niger.
Quelques jours seulement après la nomination de son nouveau président, le chef de l'État nigérian, Bola Tinubu, la CEDEAO convoque un sommet extraordinaire sur le Niger, qui se tient aujourd’hui dimanche à Abuja, en vue d’examiner la situation dans le pays. Pour plusieurs analystes, l’organisation sous-régionale joue sa dernière carte.
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Tinubu a déclaré que l’organisation n’hésitera pas “à défendre et à préserver l’ordre constitutionnel”. La CEDEAO a également condamné de la manière la plus vigoureuse le coup d’État au Niger et appelé les putschistes à “libérer immédiatement et sans condition le président de la République démocratiquement élu”.
Après une rencontre à Abuja avec le président béninois Patrice Talon, le chef de l’organisation a annoncé que M. Talon, déjà désigné pour une mission auprès de ses homologues “de transition” au Burkina Faso, au Mali et en Guinée, partait pour Niamey afin d'y mener une médiation avec la garde présidentielle et le président Bazoum en vue de trouver un accord.
Selon le président béninois, tous les moyens nécessaires seront utilisés pour rétablir l’ordre dans le pays d’Afrique de l’Ouest.
"Je crois que tous les moyens seront utilisés, au besoin, pour que l'ordre constitutionnel soit rétabli au Niger, mais l'idéal serait que tout se passe dans la paix et dans la concorde. Même quand ce qu'il n'est pas acceptable se fait, il faut que dans la paix, on puisse corriger cela. C'est notre première option. Nous pensons que ce sera avec succès," avait annoncé Patrice Talon.
Toutefois, des médias africains ont rapporté que Talon n’a pas trouvé d’interlocuteur.
Le président nigérien Mohamed Bazoum est retenu depuis mercredi par des membres de la garde présidentielle après l'échec de pourparlers. Plusieurs tentatives de médiation ont échoué dont celle de l’ancien président du pays, Mahamadou Issoufou, selon une source proche de la présidence.
Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, l’un des derniers alliés de l’Occident au Sahel, devient le troisième pays de la région à connaître un coup d’État depuis 2020.
Le sommet extraordinaire sur le Niger sera donc un moment crucial pour la CEDEAO et son nouveau chef qui a annoncé vouloir faire preuve de la plus grande fermeté pour préserver la démocratie dans la région.
Intervention militaire sur la table
Les chefs d'État de la CEDEAO, composée de 15 membres, et de l'Union économique et monétaire ouest-africaine, composée de huit membres, pourraient suspendre le Niger de ses institutions, couper le pays de la banque centrale régionale et du marché financier, et fermer les frontières.
Mais, les dirigeants ouest-africains pourraient, pour la première fois, envisager également une intervention militaire pour restaurer le président Mohamed Bazoum évincé suite à un coup d'État conduit par la garde présidentielle.
Cette possibilité a poussé les chefs militaires nigériens à lancer, samedi soir, une mise en garde dans un communiqué lu à la télévision nationale contre toute intervention militaire.
"L'objectif de la réunion (de la CEDEAO) est d'approuver un plan d'agression contre le Niger par une intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec d'autres pays africains non membres de la CEDEAO et certains pays occidentaux", a déclaré le porte-parole de la junte, le colonel Amadou Abdramane.
"Nous voulons rappeler une fois de plus à la CEDEAO ou à tout autre aventurier, notre ferme détermination à défendre notre patrie", a-t-il déclaré.