L'armée soudanaise a envoyé samedi son aviation contre les paramilitaires qui disent avoir pris le contrôle de l'aéroport et du palais présidentiel de Khartoum dans l'épisode le plus violent de la rivalité entre les deux généraux aux commandes depuis le putsch.
L'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, a appelé samedi militaires et paramilitaires à cesser "immédiatement" leurs combats à Khartoum et ailleurs dans le pays, alors que la rivalité entre leurs deux commandants s'est transformée dans la matinée en guerilla.
"M. Perthes a contacté les deux parties pour leur demander une cessation immédiate des hostilités pour la sécurité du peuple soudanais et épargner au pays plus de violence", indique un communiqué de la mission de l'ONU au Soudan.
Lors du putsch, Hemedti et Burhane avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais au fil du temps, Hemedti n'a cessé de dénoncer le coup d'Etat, de se ranger du côté des civils --donc contre l'armée dans les négociations politiques-- et c'est désormais son différend avec le général Burhane qui empêche toute solution de sortie de crise au Soudan.
Depuis des jours, la rue bruissait de rumeurs sur une guérilla imminente entre les deux camps. Samedi matin, Khartoum s'est réveillée au son des tirs à l'arme lourde et légère et des explosions quasi-ininterrompues.
En quelques heures, les FSR ont annoncé avoir pris l'aéroport international de Khartoum, en plein coeur de la capitale, puis le palais présidentiel où siège habituellement le général Burhane, ainsi que le palais réservé aux hôtes de l'Etat, un aéroport du nord du pays et "d'autres bases dans différentes provinces".
Et dans un communiqué, elles ont appelé la population à "se rallier à elles" et affirmé aux militaires qu'elles ne "les visent pas eux, mais leur état-major qui les utilise pour rester sur son trône, quitte à mettre la stabilité du pays en péril".
Les habitants, eux, sont cloîtrés chez eux. "Comme tous les Soudanais, je reste à l'abri", a tweeté l'ambassadeur américain John Godfrey. "L'escalade des tensions entre militaires jusqu'à l'affrontement direct est extrêmement dangereuse. J'appelle les hauts commandants militaires à cesser immédiatement de se battre", a-t-il encore écrit.
Devant ces derniers développements qui risquent encore d'empirer dans les prochains jours, le Secrétaire d’État américain Antony Blinken a qualifié la situation à Khartoum de "fragile".
Impasse
L'armée, en face, dénonce des "mensonges" et accuse les FSR d'avoir déclenché les hostilités: "Les combats" ont commencé quand les FSR ont attaqué des bases de l'armée "à Khartoum et ailleurs au Soudan", a affirmé à l'AFP le porte-parole de l'armée, le général Nabil Abdallah. L'armée, elle, "accomplit son devoir pour protéger la patrie", a-t-il ajouté.
Côté FSR, on raconte l'inverse: elles disent avoir été "surprises au matin par l'arrivée d'un important contingent de l'armée qui a assiégé leur camp de Soba", dans le sud de Khartoum, et les a "attaquées avec toutes sortes d'armes lourdes et légères".
Jeudi, l'armée dénonçait déjà un déploiement "dangereux" des paramilitaires à Khartoum et dans d'autres villes du Soudan "sans l'approbation ni la moindre coordination avec le commandement des forces armées".
Elle tirait alors "la sonnette d'alarme" face à un développement "dangereux".
Depuis des jours, alors que les civils et la communauté internationale devaient accepter un nouveau report de la signature d'un accord politique censé sortir le pays de l'impasse --à cause des divergences entre les deux généraux--, des vidéos ne cessaient de montrer l'arrivée de très nombreux blindés et d'hommes dans différentes villes, dont Khartoum.
Les divergences portent essentiellement sur l'avenir des paramilitaires: le retour à la transition démocratique est suspendu à leur intégration au sein des troupes régulières.
Si l'armée ne la refuse pas, elle veut malgré tout imposer ses conditions d'admission et limiter dans le temps leur incorporation. Le général Daglo, lui, réclame une inclusion large et, surtout, sa place au sein de l'état-major.
C'est ce différend qui bloque toujours le retour à la transition exigée par la communauté internationale pour reprendre son aide au Soudan, l'un des pays les plus pauvres au monde.