Dans la campagne électorale américaine pour la présidentielle de cette année, entre la candidate démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump, l'Afrique a brillé par son absence dans les débats.
Et l’on se demande même si Joe Biden, qui avait promis de visiter le continent avant son mandat, honorera sa promesse, alors que Trump a souvent utilisé des jurons pour parler de l’Afrique.
Pour autant, l’Afrique est bien au cœur des préoccupations américaines. Qu'il s’agisse de Kamala Harris ou Donald Trump, le continent est perçu comme une réserve stratégique de métaux critiques qu’il faut préserver des convoitises chinoises.
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Le continent possède 30% des réserves prouvées de minerais essentiels dans le monde d’après le FMI. Dans les détails, il s’agit de : 85% de manganèse, 80% de platine, 47% de cobalt et 11% de cuivre. À l’heure de la transition énergétique, le cuivre, le cobalt, le lithium et le nickel, notamment, sont des minerais incontournables, très recherchés en ce moment.
Ils entrent dans la fabrication de véhicules électrifiés (cobalt, cuivre, lithium, graphites), dans les piles à combustible (métaux du groupe platine) et dans les technologies de l’éolien et du solaire photovoltaïque (cuivre, lithium, cobalt, nickel).
Voilà qui pourrait expliquer le duel à distance sur le continent entre les États-Unis et la Chine sur fond de financement des infrastructures de chemin de fer.
Dans cette course effrénée pour l'accès au cuivre ou au cobalt africain, la Chine a signé le 4 septembre dernier à Pékin, dans la foulée du Forum pour la coopération sino-africaine, un accord de financement avec la Zambie et la Tanzanie.
Duel Chine-Amérique sur fond de corridors
Il est question d’investir un million dans la remise à niveau et la gestion du chemin de fer Tanzanie-Zambie Railway (TAZARA) qui relie le Copperbelt zambien au port de Dar-Es-Salaam en Tanzanie.
Avant le financement de la remise à niveau du TAZARA, la Chine avait conclu, en 2008, avec la RDC le “contrat du siècle”. Il s'agit d' un contrat sous forme de troc. La RDC fournit du cobalt et du cuivre à la Chine, en échange de la construction d’infrastructures pour un montant de 9 milliards de dollars. Depuis le 14 mars, cet arrangement jugé “très favorable” à la Chine a été révisé, sous l’impulsion des nouvelles autorités de RDC.
Si les Chinois sont actifs sur le corridor de TAZARA, les Américains, de leur côté, en partenariat avec l’Union européenne s’activent sur le corridor de Lobito, entre le port angolais éponyme et le Copperbelt zambien.
Les Américains envisagent ainsi de relier le port angolais de Lobito (sur l’Atlantique) au nord de la Zambie et au sud de la RDC, afin de sécuriser l’approvisionnement en cuivre, cobalt et manganèse notamment. Les États-Unis ont annoncé leur intention de mobiliser 600 millions de dollars pour parvenir à leur objectif.
Dans cette lutte pour l'accès aux minerais critiques, les Américains ont à cœur de normaliser la situation de Dan Gertler, le magnat israélien des mines en RDC. Suspendu du système financier américain pour corruption dans le secteur minier, sa réhabilitation pourrait s’apparenter à un tremplin pour accéder aux minerais stratégiques (cobalt et cuivre), dans un contexte de concurrence accrue avec les Chinois.
“Pour le moment, explique Jean Claude Mputu du collectif CNPAV (le Congo n’est pas à vendre, ndlr), aucune entreprise américaine ne peut collaborer avec Dan Gertler tant qu’il est sous sanction”. Une levée de sanctions favoriserait alors l'accès au cobalt ou au cuivre de RDC.
“Il ne fait l’ombre d’aucun doute que si Trump arrive au pouvoir, il lèvera aussitôt les la mesure excluant Dan Getler du système financier américain”, soutient l’activiste Emmanuel Umpula du collectif “Le Congo n’est pas à vendre”.
Harris ou Trump, quelle que soit l’issue du vote, “l’essentiel sera la préservation des intérêts économiques de l'Amérique en Afrique”, conclut l’analyste politique congolais Espoir Ngalukiye.