La Jordanie a annulé le sommet quadripartite prévu mercredi entre le roi Abdallah II et les présidents américain, Joe Biden, égyptien, Abdelfattah El-Sissi, et palestinien, Mahmoud Abbas.
Un fait extraordinaire de la part d’Amman qui a toujours prôné un rôle de médiateur équilibré dans le conflit.
"Il ne sert à rien de parler maintenant de quoi que ce soit d'autre que d'arrêter la guerre", a déclaré le chef de la diplomatie jordanienne Ayman Al-Safadi sur la chaîne de télévision publique Al-Mamlaka, peu après le massacre.
Le sommet se tiendra "lorsque la décision d'arrêter la guerre et de mettre fin à ces massacres aura été prise", a insisté Safadi.
Réactions en chaîne
Attendu mercredi en Israël, le président américain Joe Biden va "reporter" son étape prévue ensuite en Jordanie, a indiqué la Maison-Blanche. M. Biden s'est dit "indigné et profondément attristé par l'explosion", dans un communiqué.
"Tous les civils israéliens et palestiniens doivent être protégés", a déclaré de son côté Antony Blinken sur X se disant "profondément attristé par l'explosion de l'hôpital baptiste al-Ahli à Gaza".
Le chef de l'ONU Antonio Guterres, qui doit se rendre jeudi en Egypte frontalière de la bande de Gaza pour évoquer l'aide humanitaire, s'est dit "horrifié". Les attaques du Hamas "ne peuvent justifier la punition collective des Palestiniens", a-t-il ajouté mercredi depuis Pékin.
Guterres a appelé à un "cessez-le-feu humanitaire immédiat pour (...) apaiser les terribles souffrances humaines auxquelles nous assistons", s’adressant aux représentants de quelque 130 pays au forum des Nouvelles routes de la soie.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a qualifié l'attaque contre l'hôpital baptiste al-Ahli à Gaza de "crime terrible" : "Le gouvernement d'occupation a franchi toutes les lignes rouges".
L'ambassadeur palestinien auprès des Nations unies, Riyad Mansour, a déclaré, aux côtés des émissaires arabes de l'ONU, qu'ils étaient tous scandalisés par l'attaque meurtrière contre l'hôpital al-Ahli.
"Nous condamnons cet acte avec la plus grande fermeté et nous tenons Israël pour responsable de ce massacre, de ce crime, et les responsables de ce crime doivent être traduits en justice", a déclaré M. Mansour à la presse aux Nations unies.
En Turquie, où des manifestations de solidarité avec les Palestiniens ont eu lieu notamment à Istanbul, les réactions officielles ont dénoncé l’attaque dans les termes les plus clairs.
"Frapper un hôpital où se trouvent des femmes, des enfants et des civils innocents est le dernier exemple des attaques israéliennes dénuées de valeurs humaines fondamentales", a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan, appelant “toute l'humanité à agir pour mettre fin à la brutalité sans précédent d'Israël à Gaza".
En Europe, qui manifestait un soutien inconditionnel à Israël depuis le début de l’escalade, le président du Conseil de l'Union européenne s’est indigné de la proportion démesurée des victimes.
"Il y a trop de morts. Cela montre la situation dramatique sur le terrain pour les personnes qui y vivent. Les attaques contre des infrastructures civiles ne sont pas conformes au droit international", a déclaré Charles Michel, lors d’une conférence de presse.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a affirmé à Strasbourg que priver d'eau des populations "est contraire au droit international" et que l'UE "ne peut accepter" que ce soit le cas à Gaza.
"Suspendre l'approvisionnement en eau d'une communauté assiégée est contraire au droit international. Nous ne pouvons pas accepter cela", a déclaré Josep Borrell à la tribune du Parlement européen, réuni en séance plénière à Strasbourg.
En matière de droit humanitaire, "il est clairement indiqué que le fait de priver une communauté humaine assiégée de l'approvisionnement de base en eau est contraire au droit international, en Ukraine comme à Gaza", a-t-il soutenu.
L’Iran a condamné fermement “le terrible crime”, alors que le président iranien Ebrahim Raïssi a décrété une journée de "deuil public" mercredi.
Par ailleurs, les expressions spontanées d’indignation suite à l’attaque de l’hôpital et de solidarité avec la population de Gaza ne se sont pas fait attendre dans la région. Les manifestants sont descendus dans les rues à Téhéran, Amman, Istanbul, Tunis ou encore à Beyrouth.
“Crime de guerre”
En Palestine même, les gouvernorats de Cisjordanie observent ce mercredi une grève générale pour dénoncer l'agression israélienne toujours en cours contre la bande de Gaza pour le douzième jour consécutif, soit depuis le 7 octobre.
“Cette grève intervient à la suite du massacre perpétré par les forces d'occupation qui ont visé l'hôpital al-Ahli baptiste de la ville de Gaza par une frappe aérienne, ayant coûté la vie à des centaines de Palestiniens, et pour dénoncer l'agression israélienne continue”, rapporte l'agence de presse WAFA.
Le Croissant rouge palestinien a dénoncé un "crime de guerre", qui a fait "des centaines" de victimes civiles, "dont des femmes, des enfants, des personnels de santé".
L'Eglise épiscopale à Jérusalem, qui gère l'hôpital, a condamné une attaque "brutale" survenue "durant des frappes israéliennes", dénonçant un "crime contre l'humanité".
"Nous étions en train d'opérer dans l'hôpital, il y a eu une forte explosion et le plafond est tombé sur la salle d'opération. C'est un massacre", a déclaré le Dr Ghassan Abu Sittah, dans un communiqué de Médecins sans frontières.
La communauté internationale interpellée
À la demande de la Russie et des Émirats arabes unis, le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra mercredi une réunion d'urgence, et se prononcera juste avant sur une résolution portée par le Brésil pour tenter de trouver une position commune sur le conflit.
Depuis le 7 octobre, l'armée israélienne bombarde quotidiennement la bande de Gaza entraînant selon l'ONU le déplacement d'un million de personnes, dont de nombreuses ont trouvé refuge dans des hôpitaux. Ces bombardements ont déjà fait plus de 3.000 morts, en majorité des civils, dont des centaines d'enfants, selon les autorités locales.
Plus de 1.400 personnes ont été tuées en Israël depuis le début de la guerre, pour la plupart des civils le jour de l'attaque du Hamas qui a aussi enlevé 199 personnes selon l'armée israélienne.
L'eau et la nourriture manquent pour les 2,4 millions de Gazaouis, privés aussi d'électricité, après le siège imposé par Israël depuis le 9 octobre au petit territoire déjà soumis à un blocus terrestre, maritime et aérien depuis 2007.