La découverte d'un cachet en polonais sur le livre d'Emmanuel Kant offert par le président français Emmanuel Macron au pape François a provoqué une avalanche de commentaires parfois hostiles en Pologne.
Mais cette nervosité n'était pas justifiée, d'après les renseignements recueillis par l'AFP auprès du libraire parisien qui a vendu le livre à l'Elysée.
Les photos de la première page de la première édition en français de "Vers la paix perpétuelle" du philosophe prussien révèlent effectivement un cachet de la "Salle de lecture académique de Lviv".
Des médias et des internautes polonais ont immédiatement soupçonné que l'ouvrage ait pu être volé par les nazis allemands qui ont occupé cette ville ayant appartenu à la Pologne jusqu'à la Deuxième guerre mondiale et appartenant aujourd'hui à l'Ukraine.
L'affaire est devenue virale sur la toile et le geste du président français a été qualifié d'"étrange", "gênant", voire insultant pour la Pologne, selon les internautes les plus agressifs.
Le ministère polonais des Affaires étrangères a adopté une position réservée, se bornant à dire qu'il était "au courant".
L'Agence France-Presse a contacté Patrick Hatchuel, un libraire parisien spécialisé dans les livres anciens et rares, dont le nom a été donné dans le contexte de cette affaire par un journaliste suisse, Arnaud Bédat.
M. Hatchuel a confirmé à l'AFP avoir vendu le livre de Kant à la présidence française.
"L'histoire de ce volume montre qu'il ne peut pas venir d'une spoliation par les nazis. Je n'ai aucun doute à ce sujet et, étant de confession juive, je suis sensible à la question. Il vient d'une bibliothèque à Lviv, dont il est sorti quelque part entre 1850 et 1870, probablement à l'occasion d'une vente", a-t-il précisé.
"Il arrive ensuite en France. Et il est à Paris vers 1900 chez un libraire à l'histoire bien connue, Lucien Bodin, qui était spécialiste d'ésotérisme. Une étiquette imprimée en atteste. La dernière provenance, c'est un collectionneur privé qui l'a acheté il y a un demi-siècle. Et son fils me l'a revendu. Il n'y a pas de problème à ce sujet, tout est vérifiable", a ajouté M. Hatchuel.
Il a indiqué "avoir fait un prix" à l'Elysée, inférieur au prix de catalogue de 2.500 euros, et précisé avoir été interrogé par le gouvernement polonais pour préciser la provenance du livre.
Selon un site internet spécialisé sur Lviv consulté par l'AFP, la "Salle de lecture académique" ne faisait pas partie de l'université de Lviv, mais a été une importante société d'étudiants et de chercheurs de nationalité polonaise, fondée en 1867 et active jusqu'en 1939.