Il n’a pas survécu aux violents échanges de tirs à balles réelles entre ses hommes et des militaires tchadiens. Lui, c’est Yaya Dillo Djérou, président du Parti socialiste sans frontières (PSF). Son corps a été retrouvé, inerte, le 28 février dernier au siège de son parti à N’Djamena, la capitale tchadienne.
Le Parti socialiste sans frontières (PSF), principal parti de l’opposition au Tchad, accuse les militaires d'avoir "exécuté à bout portant" son leader, pour l'évincer de la course à la présidentielle qui aura lieu dans deux mois, contre son cousin le général Mahamat Idriss Déby Itno, chef de la junte.
"C'est une exécution, ils ont tiré à bout portant sur lui pour l'exécuter, car il était devenu gênant", a assuré à l'AFP Robert Gamb, secrétaire général du Parti socialiste sans frontières (PSF).
Un porte-parole du PSF accusait spécifiquement la garde présidentielle, l'unité d'élite de l'armée chargée de la sécurité du chef de l'État, d'avoir mené l'assaut contre le siège du parti en plein centre de N'Djamena.
"Il a refusé de se rendre, il y a eu des échanges de balles, il n'y a pas eu d'exécution" dans cet assaut qui a fait quatre morts chez les militaires et trois dans le camp de M. Dillo, a précisé le ministre de la Communication, Abderaman Koulamallah, pour lequel l'opposant avait "lui-même tiré sur les forces de l'ordre".
“Yaya Dillo devenait gênant”
Au Tchad explique à TRT Français l’essayiste Eric Topona, auteur de “Essai sur la refondation du Tchad “, “ Yaya Dillo devenait gênant. C’était le principal opposant à Mahamat Idriss Deby, son cousin. Le pouvoir est détenu depuis 1990 par la communauté Zaghawas dans laquelle, il n’y a aucune contestation”.
D’après l’essayiste, le pouvoir attendait la moindre occasion pour “mettre l’opposant hors d’état de nuire”.
Propulsé président de transition le 20 avril 2021, Mahamat Déby promettait aussitôt de rendre le pouvoir aux civils par des élections après cette période intermédiaire de 18 mois. Ce terme échu, il l'avait prolongé de deux ans. L'opposition dénonçait une "succession dynastique" des Déby.
“Le chemin qui mène au pouvoir est balisé. Je ne vois aucun opposant qui peut tenir tête aux ambitions présidentielles de Mahamat Deby”, explique Eric Topona.
“La mort brutale de Yaya Dillo a plongé la société dans la peur, rappelant la répression dans le sang de la manifestation du 20 octobre 2022”. Ce jour-là, une partie de la population tchadienne protestait contre la prorogation de la transition.
Au-delà de la violence, explique l’auteur de “Essai sur la refondation du Tchad”, la junte a réussi à “apprivoiser” l’essentiel des forces de l’opposition.
“Saleh Kebzabo, qui s’est longuement opposé à feu Idriss Deby a été Premier ministre de Mahamat Deby, avant de céder la place à Succès Masra", explique Eric Topona.
Samedi dernier, le chef de la junte, le général Mahamat Idriss Déby Itno, a annoncé qu'il sera candidat à l'élection présidentielle prévue le 6 mai prochain. “ Une formalité”, analyse l’essayiste qui “ne voit pas ce qui empêchera Mahamat Deby d’atteindre le pouvoir”.
La France, ancienne puissance coloniale et principale alliée du régime, semble s’accommoder de la situation. “Chassée du Mali, du Niger et du Burkina Faso, le Tchad est son dernier allié dans la région. Prudente, elle n’a pas élevé le ton outre mesure. Faut-il rappeler que le Tchad abrite depuis 40 ans une importante base militaire française au Tchad ? L'on a vu le président Emmanuel Macron venir soutenir Mahamat Deby lors des obsèques de son père”.
Pour sa part, Human Rights Watch (HRW) a réclamé une "enquête indépendante" avec une "aide étrangère" sur "le meurtre" du principal opposant à la junte au Tchad, Yaya Dillo Djérou, dans l'assaut de son QG par l'armée mercredi et à deux mois de l'élection présidentielle.
"Le manque de clarté entourant l’attaque du siège du PSF, les menaces précédemment proférées à l’encontre de Dillo et la répression politique générale dans le pays rendent nécessaire l’ouverture d’une enquête indépendante, avec une aide étrangère", poursuit l'ONG qui exhorte l'Union africaine (UA) à "prendre l'initiative" de la réclamer.
Favorable à une enquête pour faire la lumière sur ce drame, l’Union européenne pense que "ces événements affaiblissent les efforts nécessaires pour assurer une transition transparente, pluraliste, inclusive et pacifique que l’UE continue à soutenir", selon la déclaration qu’elle a émise.
Le Premier ministre, Succès Masra, a promis une enquête de “type international” alors que le siège du Parti socialiste sans frontières a été complètement rasé.