Paris, ville hôte des JO-2024, en souffrance sur ses équipements sportifs
Ville olympique en 2024, Paris soumet les sportifs du quotidien à un parcours du combattant, entre rareté et vétusté des équipements dont les associations s'arrachent les créneaux. Un déficit structurel impossible à combler à court terme.
Paris "manque d'équipements sportifs" pour ses 2,1 millions d'habitants (Reuters)

Un terrain de football neuf qui "s'est déchiré", des toilettes hors service pendant des mois, une piste d'athlétisme dans un état "catastrophique": à deux ans des JO-2024 (26 juillet-11 août 2024), les exemples abondent de malfaçons ou défauts d'entretien des infrastructures sportives parisiennes.

Sur le terrain de football de la Poterne des Peupliers (XIIIe arrondissement), des "trous et creux dangereux" ont causé la saison dernière quatre ruptures des ligaments croisés chez les joueurs de l'Entente sportive Paris XIII, selon un responsable du club, Pedro Sobral.

Et quand les piscines ne sont pas en travaux, les grèves perlées des agents opposés à l'application des 35 heures hebdomadaires peuvent entraîner leur fermeture inopinée, y compris en cet été caniculaire.

Autre sujet de crispations, le "manque de créneaux pour les associations", regrette Samia Badat-Karam, vice-présidente (LR et apparentés) de la commission sport et JO au Conseil de Paris. "C'est terrible, on a des associations qu'on refuse tout le temps", dit cette élue du XVIe arrondissement.

Pedro Sobral s'interroge lui "sur les critères d'attribution" des créneaux et dénonce une "injustice": selon lui, certaines associations ont "plus de facilités" à les obtenir.

Vieillissement accéléré

Un constat relativisé par Gérald Reman, président de l'association de volley Contrepied, pour qui la mairie "fait au mieux" et "trouve toujours des solutions" pour les clubs "très demandeurs" de créneaux comme le sien (380 adhérents).

En début de saison, il a pourtant dû refuser une centaine de demandes d'adhésion faute de lieux d'entraînement.

Entre crise sanitaire et difficultés budgétaires, la Ville a pris "beaucoup de retard sur l'ensemble des réalisations, même sur les petits équipements de proximité qu'il faudrait sortir pour les Jeux", déplore le patron des élus communistes Nicolas Bonnet-Oulaldj.

Pour lui, "l'héritage" de Paris-2024 serait "qu'il y ait plus de Parisiens qui pratiquent du sport après les Jeux". Mais "nous sommes en incapacité de répondre à toutes les demandes et tous les besoins" dans les piscines, s'alarme-t-il.

Paris "manque d'équipements sportifs" pour ses 2,1 millions d'habitants, reconnaît volontiers l'adjoint aux sports et aux JO Pierre Rabadan, qui souligne l'effort de rénovation et d'investissement depuis l'arrivée de la maire Anne Hidalgo en 2014: 400 millions d'euros, dont 150 pour les piscines.

L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) fait un lien entre forte urbanisation et rareté des équipements sportifs, à Paris (14 équipements pour 10.000 habitants), dans les Bouches-du-Rhône (27) ou le Rhône (29).

Un cercle vicieux pour la capitale, puisque gymnases, stades et piscines "sont surutilisés et vieillissent plus vite", constate Pierre Rabadan, dont les agents doivent constamment jouer aux équilibristes, en particulier lors des rénovations.

Exemple avec les piscines, dont 6 sur 42 font actuellement l'objet de lourdes rénovations.

Cet "énorme plan d'investissement" en vue des JO a pour effet négatif de "bloquer les bassins pendant les travaux", note Olivier Hosatte, président du club de waterpolo La Libellule.

Le périph', une opportunité ?

Les équipes de la Direction de la jeunesse et des sports doivent mieux "penser les différentes activités sportives au moment de la conception du bassin", déplore le poloïste.

Son club s'est vu attribuer un créneau dans une des deux nouvelles piscines inaugurées début 2020, avant de s'y voir interdire les jeux de ballon en raison de "luminaires fragiles en bord de bassin"...

L'exécutif d'Anne Hidalgo promet une troisième nouvelle piscine fin 2024 dans le XVIIIe arrondissement, tandis que deux autres sont à l'étude, indique l'adjoint à la construction publique Jacques Baudrier.

Seul site olympique construit pour les Jeux intra muros, l'Arena de la porte de La Chapelle (XVIIIe) aura deux gymnases annexes, tandis qu'une cité des sports de 10.000 m2 est prévue à Python-Duvernois (XXe), selon M. Baudrier.

Dans une ville où le moindre mètre carré fait l'objet de convoitises, "le problème de fond, c'est quand même le foncier disponible et les Jeux ne vont pas révolutionner cela", prévient M. Rabadan.

L'ex-rugbyman veut croire aux "opportunités foncières" que la transformation du périphérique en boulevard urbain, à l'horizon 2030, pourrait offrir aux structures sportives.

D'ici là, il ne voit que trois leviers pour la Ville: une "optimisation de l'utilisation des créneaux", le partage d'équipements dans d'autres communes franciliennes et une "meilleure exploitation des bois de Boulogne et de Vincennes", pourvoyeurs de nombreux terrains extérieurs.

AFP