Des jeux vidéo inédits avec l'Afrique au coeur
S'inspirant de footballeurs célèbres ou d'autres héros de l'Afrique, Teddy Kossoko crée des jeux vidéo avec l'ambition militante de valoriser la culture de son continent natal, l'Afrique, très en retrait dans ce secteur.
Des jeux vidéo inédits avec l'Afrique au coeur (AFP)

Incarner George Weah, ballon d'Or 1995 et président du Libéria, arpenter les terres du leader révolutionnaire burkinabè Thomas Sankara ou de la chanteuse sud-africaine engagée Miriam Makeba: le Masseka Game Studio, créé à Toulouse, propose de découvrir ou redécouvrir toute une "richesse culturelle".

"Au-delà du militantisme, c'est clairement de la politique", revendique son jeune créateur, estimant qu'"en tant qu'Africain, on part avec un handicap historique. On a tout un ensemble de choses à déconstruire. On doit apprendre aux jeunes à s'aimer, se valoriser."

Ce Centrafricain de 27 ans a lancé son premier jeu sur mobile en 2018. Il l'a baptisé "Kissoro", du nom de l'un des plus anciens jeux de plateau du monde, considéré comme l'équivalent des échecs et connu aussi comme l'awalé.

Pour Teddy Kossoko, la recette de la réussite "c'est de "piocher dans l'histoire, dans ce qui est commun aux gens". Avec 15.000 téléchargements depuis divers pays du monde, le succès est au rendez-vous.

Puis "Golden Georges", né cette année, invite les gamers à un jeu d'adresse avec un personnage inspiré de Weah au cours d'une quête initiatique, dans un décor minutieusement travaillé et coloré.

Des modèles qui leur ressemblent

"On a eu 1.500 téléchargements pour "Golden Georges" et depuis janvier, on compte 500 joueurs par jour", se réjouit Teddy Kossoko, qui espère "atteindre 50.000 à 100.000 téléchargements à la fin de l'année, avec 10.000 joueurs par jour".

L'opérateur Orange, partenaire du studio, déploie le jeu pays par pays en Afrique avec, en ligne de mire, la Coupe du monde de football 2022 qui débutera en novembre.

Natif de Bangui et arrivé en France à 18 ans pour étudier l'informatique et la gestion, il est déterminé à toujours "placer l'Afrique au coeur de la conception".

"Je me suis rendu compte qu'il y avait un réel intérêt et un réel besoin de part et d'autre de la Méditerranée", explique-t-il à l'AFP, dans son appartement où il a installé le siège social du Masseka Game Studio, qui compte aujourd'hui huit employés.

"J'ai grandi avec des personnages qui ne me ressemblaient pas, c'était très compliqué, estime-t-il, déplorant que les Africains ne puissent s'inspirer que de modèles de réussite américains ou asiatiques.

Pour lui, les exemples à suivre sont pourtant là, du "Zoulou blanc" Johnny Clegg à l'homme d'Etat congolais Patrice Lumumba. "Notre ambition est de créer de plus en plus de modèles africains pour que les gens puissent s'identifier."

Bientôt sur consoles

Un nouveau jeu, le premier pour consoles et PC, est déjà en cours de conception. "C'est notre projet phare, avec un travail qui s'étale sur cinq ans", s'enthousiasme Teddy Kossoko.

Il a aussi pour "objectif de faire du transfert de compétences et de connaissances" avec des jeux vidéo créés par les Africains eux-mêmes, en ayant quatre de ses employés basés sur le continent.

Si les premiers résultats sont bons, Masseka Game Studio est encore loin derrière les mastodontes d'une industrie très lucrative, où s'échangent des dizaines de milliards de dollars.

"On est encore un studio indépendant de petite taille, glisse Teddy Kossoko, sans cacher son ambition "de rentrer dans la cour des grands". "On vise cinq à 10 millions de chiffre d'affaires par an", précise-t-il.

Pour y parvenir, il mise sur un large développement sur le marché africain, où l'activité de l'entreprise qu'il dirige se fait pour l'instant "à perte".

"Si on réussit à lever la barrière de la monétisation en Afrique, on fera partie des gros rapidement", assure-t-il confiant, en s'apprêtant à ouvrir une filiale au Sénégal.

En parallèle, Teddy Kossoko va lancer une autre société, Gara, pour permettre aux Africains d'acheter des jeux sur mobile et des livres numériques, y compris avec leur crédit téléphonique.

AFP