Un Maghreb uni, rêve ou chimère ?
Pour Mohammed Zakaria Aboudahab, politologue marocain, “au lieu de créer de nouvelles instances, il faudra repenser l’UMA” (l'Union du Maghreb arabe).
Le président Kais Saied (au centre) organisant un mini-sommet du Maghreb aux côtés du président algérien Abdelmadjid Tebboune (à gauche) et du président du Conseil présidentiel libyen basé à Tripoli, Mohamed al-Menfi, à Tunis le 22 avril, 2024. (Photo : Présidence tunisienne / AFP) (Others)

Le sommet de Tunis, tenu le lundi 22 avril 2024, en présence du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, le président tunisien, Kaïs Saïed, et le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Younes Al-Manfi, ressuscitera-t-il le projet d’une union maghrébine qui sommeille depuis des décennies dans les tiroirs des 5 pays formant ce bloc ?

Les trois chefs d’Etats ont évoqué lors de ce sommet plusieurs sujets d’intérêt commun notamment la lutte contre le terrorisme, la sécurité des frontières, les défis climatiques et la sécurité alimentaire. Toutefois, aucune déclaration formelle et solennelle n’a été émise concernant une éventuelle formation d’un nouveau bloc maghrébin, une alternative à l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui est devenue une véritable coquille vide, en raison notamment de divergences politiques et de tensions diplomatiques. Quoi qu’il en soit, il est difficile de prédire la réussite d’un tel projet puisque deux pays du Maghreb, le Maroc et la Mauritanie, n’ont pas participé au Sommet de Tunis. La Maroc n’a pas été convié et la Mauritanie a décliné l’invitation.

«On ne peut pas parler de Maghreb uni sans évoquer et impliquer les 5 pays. A priori, si l’Algérie, la Tunisie et la Libye voudraient coopérer et unir leurs forces contre le terrorisme, c’est une bonne chose et cela renforcera l’intégration maghrébine. Or, le problème c’est qu’ils le font sans le Maroc et la Mauritanie. Ce dernier pays n’a pas voulu y assister car il estime qu’il existe déjà une institution qui joue ce rôle de projet d’intégration maghrébine et qui est l’UMA», déclare à TRT Français, le politologue marocain, Mohammed Zakaria Aboudahab. L’expert au Policy Center for the New South, professeur de droit public et de Sciences politiques, Université Mohammed V de Rabat, rappelle, par ailleurs, qu’au lendemain de la tenue de ce sommet, la Libye aurait fait volte-face. En effet, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, avait reçu, mardi à Rabat, Sami El Menfi, envoyé du Président du Conseil présidentiel libyen, porteur d’un message écrit au roi Mohammed VI par Mohamed Younes El Menfi, Président du Conseil présidentiel libyen.

Dans ce message, la Libye a salué le rôle du Maroc dans le processus de règlement de la crise libyenne, ainsi que les efforts du Royaume dans le cadre du renforcement de l’Union du Maghreb arabe (UMA), mettant en avant le rôle agissant joué par le Maroc en faveur de l’intégration maghrébine.

«L’UMA ne sera pas remplacée, mais devra être réactivée. Cette récente tentative l’a clairement démontré. La Mauritanie a été sage et la Libye a précisé que l’UMA reste l’organe officiel de ce groupement régional. Une nouvelle instance régionale ne pourrait être portée que par deux des cinq pays qui forment ce bloc. De plus, l’approche du Sommet de Tunis apportera des difficultés d’ordre juridique par rapport à l’UMA», a poursuivi Mohammed Zakaria Aboudahab. Une situation qui, sans aucun doute, contribuera à une fragmentation d’un espace déjà fragilisé, un espace composé de plus de 103 millions d’habitants et d’un énorme potentiel d’intégration économique.

Pour le politologue, au lieu de créer de nouvelles instances, il faudra repenser l’UMA et l’inscrire sur de nouvelles bases, intégrer la composante amazighe et redéfinir les objectifs du traité de Marrakech (l’UMA a été créée à Marrakech en 1989) qui est aujourd’hui inadapté au contexte géopolitique actuel.

TRT Francais