33 ans après la chute du mur de Berlin et le début de la fin de la guerre froide, on se demande quel peut être le rôle de l’OTAN en 2022 ? Dans la guerre en Ukraine, l’OTAN a choisi son camp de façon claire non seulement face à la Russie mais aussi, dans le cas de Taiwan, face à la Chine, deux pays qui offrent une alternative à l’OTAN. Cependant, des questions sur cette institution surgissent : Doit-elle continuer à défendre l’ancien monde et l’hégémonie occidentale même au prix de la guerre ou doit-elle céder de la place à d’autres puissances au profit d’un monde multilatéral ?
Après la réunion à Madrid en juin dernier, vous avez lancé un appel vibrant et solennel pour que la France sorte du commandement intégré de l'OTAN. Pour quelles raisons liez-vous cette sortie à la guerre en Ukraine ?
Après la conférence de l'OTAN à Madrid, on ne peut clairement plus changer l'OTAN de l'intérieur. Auparavant non plus, mais aujourd’hui ça devient beaucoup plus clair. Pourquoi ? Parce que Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, a dit qu’il fallait une OTAN mondiale. Pourtant, l'OTAN s’était déjà maintenue après la chute du Mur, alors que le pacte de Varsovie était dissous. Cela n'avait plus de sens de maintenir l’Organisation après la fin de la guerre froide en 1991. Maintenant, l'OTAN apparaît comme un organe de domination anglo-américain du monde par l’armée. Vous savez, les Américains ont environ 745 bases militaires dans le monde. Le Royaume-Uni, on le dit moins, en a 135 et la Russie en a 35. Donc de quel côté est la force militaire ? Il est facile de conclure. L'OTAN s'est depuis étendue vers les frontières de la Russie. On dit aujourd'hui que l'invasion ou l'opération spéciale de la Russie de Poutine en Ukraine n'a pas été provoquée. C'est certainement faux ! On peut penser ce qu'on veut de l'opération de Poutine, mais, de mon point de vue, elle a été provoquée par cette extension de l'OTAN et par l’attitude du régime ukrainien. L'analyste suisse Jacques Beau l'explique bien. En février, des troupes ukrainiennes entassées à la frontière du Donbass, du Donetsk et de Lougansk, s'apprêtaient à lancer une offensive après avoir bombardé abondamment cette partie de l'Ukraine qui réclamait son autonomie à l'époque. Donc, Poutine a pensé qu'il devait intervenir pour préserver les russophones de cette région. En ce qui concerne la sécurité et la stabilité en Europe, il avait présenté deux mémorandums en décembre, demandant qu'un système de stabilité et de sécurité soit adopté en Europe avec une dénucléarisation progressive. Il n'a reçu aucune réponse diplomatique des Occidentaux. La situation, que nous vivons actuellement, est tragique notamment pour le peuple ukrainien qui est de loin la première victime à la fois de l'opération spéciale de Poutine, mais surtout du comportement va-t-en guerre de Zelensky et de son entourage. Et enfin, doit-on rappeler l'accord de Minsk qui avait été signé. La France et l'Allemagne n'ont pas réussi ou voulu l'imposer à l'Ukraine pour obtenir une stabilisation de la situation. C'est-à-dire qu'on reconnaisse l'autonomie du Donetsk et de Lougansk tout en assurant les conditions de la paix avec un statut pour l'Ukraine de neutralité à l'autrichienne.
Et dans ce contexte historique que vous venez de rappeler, vous lancez au mois de juin un appel pour que la France sorte de l’OTAN ?
Oui, bien entendu. L'erreur de Sarkozy en 2009, c'était de rentrer dans le commandement intégré de l’OTAN. Il ne le fallait pas. Après, il y a eu la tragédie de l'intervention française en Libye qui a créé une déstabilisation dans tout le Sahel. Nous avons commis erreur sur erreur en France et on n'a pas défendu notre indépendance nationale. Il faut donc retrouver notre souveraineté. D'une part, en refusant d’aller vers cette vision de l’OTAN promue par une oligarchie financière qui domine les États-Unis et la Grande-Bretagne. D’autre part, nous devons promouvoir un nouveau Bretton Woods qui serait un accord international pour le développement mutuel où chaque pays serait assuré dans sa stabilité et sa sécurité par le développement économique. Alors, il y a les approches de l'OCS (Organisation de la coopération de Shanghai) et des BRICS. Je suis très intéressé par le fait que la Turquie ait posé sa candidature à la fois à l'OCS et au BRICS. Il y a l’approche de Poutine, dont on pense à tort qu’il est isolé, qui consiste à créer un mouvement de résistance face à l’OTAN et l’Occident. Toutes ces approches vont, de manière informelle, dans une direction qui est contre, disons-le, le colonialisme financier des pays occidentaux.
La mission de l'OTAN semble évoluer, on le voit dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne et avec la Chine à Taiwan. Pourquoi cette institution se montre-t-elle agressive contre ces deux pays ?
Le Prophète de l’Islam dit qu'il fallait chercher la science jusqu'en Chine. L’OTAN cherche, à l’inverse, la domination jusqu'en Chine. Il y a une peur de la Chine qui n'est pas du tout justifiée, parce que c’est un pays qui n'a jamais été agressif dans son histoire. Cette peur d'un développement de la Chine, présumé agressif et dangereux, sert les intérêts de cette oligarchie financière qui se méfie d’un développement chinois alternatif au sien. Le sien, c'est l'argent à tout va, l'argent pour 5 % à 20% de la population des pays du Nord et tant pis pour le reste du monde. Du côté de la Chine, au contraire, on cherche un système avec un socialisme aux caractéristiques chinoises. C'est leur affaire, ce n’est pas la nôtre. Cependant, un accord international est nécessaire pour mettre en place un système, comme l'a dit Jean Ping, de gagnant-gagnant. De grands hommes comme Lyndon Larouche et Sergueï Glaziev y ont œuvré dans ce sens ces dernières années. Glaziev est celui qui, en Russie avec l'Union économique eurasienne, prévoit un nouveau système monétaire. Larouche, mon ami américain qui avait été le premier à démontrer vers quoi se dirigeait ce système occidental en trahissant ses propres valeurs d'ailleurs. Et aujourd'hui, les pays qui ont suivi, disons les indications, la façon de penser, la méthode de Larouche pour leur développement sont ceux qui ont réussi, particulièrement la Chine. Quant aux pays occidentaux, ils ont reculé.
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