La relation de la France-Afrique vit des bouleversements majeurs, les vagues de coups d’Etat récents au Mali, Burkina et Niger ont conduit à l’arrivée au pouvoir dans ces pays de responsables politiques désireux d’inviter à une nouvelle collaboration avec la France. En outre, la brillante élection de Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour à la tête du Sénégal, un pays central pour la politique française en Afrique vient rebattre les cartes, en sachant que le nouvel homme fort du pays et son parti ont des sensibilités et des élans d’émancipation face à toutes formes d’influence étrangère.
Le contexte de la relation France-Afrique est donc nouveau, l’époque où la France chuchotait aux oreilles des présidents africains la direction à suivre pour leurs pays, est remise en question. La mise en place de l’AES (Alliance des pays du sahel) par les juntes militaires inquiète les dirigeants de la Cédéao, mais aussi de la France car nombreux sont les pays de cette organisation qui utilisent le franc CFA.
Or, la France a un intérêt au maintien du Franc CFA car avec la fixation du taux des réserves obligatoires, la France participe au “co-pilotage” de la politique monétaire de ces pays, quand bien même les banques centrales africaines gardent aussi une autonomie “relative” dans la conduite de leurs politique monétaire.
Toutefois, au-delà de la question du CFA, la Cédéao reste un interlocuteur privilégié pour la France et l’Union Européenne. Par conséquent, avoir des interlocuteurs différents et un émiettement des organisations sous-régionales ne facilitent ni la constance ni l’efficacité des relations entre ces organisations et les pays partenaires.
Turquie et Maroc, des partenaires qui comptent en Afrique
En outre, la France est concurrencée aujourd’hui par la présence d’autres acteurs, notamment la Russie et la Chine. Il fait aussi mentionner des pays comme la Turquie et le Maroc. D'ailleurs ces deux derniers pays sont très importants, la valeur des investissements turcs en Afrique s’élevait à plus de 71 milliards de dollars en 2021, d’après les chiffres du Think Tank marocain Policy Center For The New South, ce qui traduit une présence turque non négligeable dans le domaine économique. Le Maroc, par la présence d’entreprises multiples dans des secteurs variés comme la banque, l’aviation, l’enseignement, est aussi fortement présent en Afrique. D’ailleurs l’inauguration récente de deux somptueuses mosquées construites par le Maroc en Côte d’Ivoire et en Guinée traduit la bonne santé des relations entre ces pays...
Alors que la France est en perte de vitesse dans ces pays, et que certains pays comme le Maroc et la Turquie ont l’oreille de certains dirigeants africains, il serait judicieux pour la France de s’appuyer sur ces pays pour renouveler sa relation avec les pays africains. Des pays comme la Turquie peuvent être un relais d’une nouvelle politique France-Afrique fondée sur des bases nouvelles, une relation plus horizontale s’appuyant sur des partenariats économiques “gagnant-gagnant”, mais aussi sur des relations culturelles approfondies sans éluder des partenariats de défense et militaire qui puissent offrir aux pays africains les clés de leurs propres défenses.
La langue française, un outil clé pour garder un lien
Alors que la Turquie et le Maroc ont réussi à nouer cette relation “pragmatique” avec ces pays africains, la France a tous les atouts nécessaires pour engager un nouveau paradigme avec les pays africains, basé sur des relations équilibrées bénéficiant aux deux parties sans ingérence dans la politique interne de chaque État. Le récent réchauffement des relations entre Rabat et Paris, est l’occasion pour la France de s’appuyer sur le réseau de ce pays et la confiance forgée auprès de certains États pour réengager le dialogue avec les différentes juntes.
L'élection de Diomaye Faye, qui souhaite par ailleurs renégocier les accords de pêche avec l’Union européenne, ne doit pas inquiéter. Bien au contraire, elle doit pousser les autorités françaises à prendre acte de la nouvelle configuration politique à laquelle elle est confrontée en Afrique, et bâtir de nouvelles relations plus “solides” avec les pays africains, sur la base d’un respect mutuel.
L’idée n’est pas de s’éloigner de l’Afrique mais que le concept de France-Afrique devienne plus “positif ”, soit synonyme de partenariat “vertueux” plutôt qu’ingérence et collusion dans les affaires internes des pays africains comme cela était le cas pendant la période Foccart...
Certes, on assiste à des moments de tempête en Afrique, mais la langue française qui est un patrimoine et un dénominateur commun entre la France et les pays africains, doit permettre de reconstruire des relations nouvelles. Il faut que la langue devienne un élément de rassemblement et non de division, par le partage du théâtre, de la littérature française et des passions de ce pays avec une jeunesse africaine qui a l’appétit d’apprendre…
Par ailleurs, la politique des visas pour les étudiants doit être facilitée pour favoriser les échanges et une meilleure connaissance de ces peuples…
Alors que des pays comme le Maroc appuie sur le dénominateur commun qu’ils ont avec certains pays africains, particulièrement l’islam, pour approfondir les relations, la France doit elle aussi s’appuyer sur la langue ; non pas une langue “fixe” qui est juste vecteur de communication, mais une langue en mouvement, en action qui, seule, peut permettre une meilleure connaissance “réciproque” des cultures, et peut être le prélude à des relations diplomatique renouvelées et plus “solides”...