Comment pourriez-vous décrire la politique du président Macron au Moyen-Orient ? Il entame son deuxième mandat, en quoi sa politique est-elle en rupture ou en continuité avec ses prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy ?
Je crois qu'il est essentiellement dans la continuité, parce que les intérêts et les contraintes sont à peu près les mêmes depuis un certain nombre d'années. Certes, Jacques Chirac était dans une tradition plus ancienne, héritée de Charles de Gaulle, qui tentait en quelque sorte de s'adresser à une opinion publique arabe s'étendant du Golfe à l'océan Atlantique. Cela a très bien fonctionné en 2003 par exemple, au moment de la guerre en Irak. Mais le monde arabe d'aujourd'hui n'est plus celui de 2003 et les contraintes sont différentes. D’un côté, on a le lourd dossier syrien avec l'impossibilité de trouver une solution politique. De l’autre côté, on a la question du terrorisme. Sur la question terroriste, en général, nous avons une coopération sécuritaire avec l'ensemble des États de la région. Il faut rappeler que l’on fait du commerce avec les pays du Golfe en tenant compte de leur importance politique qui est réelle. Je parle des Émirats Arabes Unis, du Qatar et de l'Arabie Saoudite qui sont des acteurs politiques relativement importants sur la scène internationale. Enfin, dans le dossier libanais, Monsieur Macron s’implique, plus que ses prédécesseurs sauf probablement Jacques Chirac, qui était très lié au Liban.
Quelle est la position de la France dans le conflit israélo-palestinien sous la présidence Macron ?
Si on s'en tient aux déclarations officielles, en particulier des porte-paroles du Quai d'Orsay, mais aussi de la représentante française à l'ONU, on n'a pas bougé du tout depuis très longtemps sur le dossier palestinien. C’est-à-dire refus de la colonisation, refus des annexions, nécessité d'un processus de paix, etc. Nous rappelons régulièrement nos positions, presque chaque semaine ou tous les quinze jours, dans les instances internationales, mais ça n'implique aucun geste concret sur le terrain. Le conflit de Palestine aujourd'hui, jadis appelé israélo-arabe, est un conflit qui se répercute de façon forte à l'intérieur des sociétés externes à la région, dont la société française. Ce n'est pas un privilège de la société française. Donc, tout gouvernement, quel qu'il soit, est contraint de tenir compte des tensions internes de la société sur ce sujet, avec l'antisémitisme, l'islamophobie, etc. Je ne sais pas ce que pense réellement Emmanuel Macron du sujet, mais en tant que garant des équilibres de la société française, il doit être d'une grande prudence sur ce domaine.
En tant qu'intellectuel, quel regard portez-vous sur ces appels au boycott en France de la Coupe du monde au Qatar ? N'y a-t-il pas un risque d'être moins compris et influent au Moyen-Orient ?
En tout cas, ce n'est pas la position de l'État français, qui est favorable à ce Mondial. Il y a quelques semaines, présent au Qatar, j'ai pu voir que l'ambassade de France était très engagée du côté du Mondial et prenait la défense du Qatar. Donc, vous avez l'effet de société civile, une cible de gens qui est, de toute façon, un peu dans l'indignation automatique, ce qu'on appelle un peu le “Qatar bashing”. Alors, au-delà de ce point, je crois que ce n'est pas tellement la dimension musulmane du dossier qui pose problème, même si le Qatar est un État très conservateur. Quand je m'étais rendu au Qatar, vous aviez par exemple des affichettes demandant aux Occidentaux de respecter les mœurs locales. Et visiblement, ces affichettes ne venaient pas du gouvernement, mais de la société qatarie elle-même qui exprime une demande. Non, je crois que tout simplement que l'image d'un État richissime, appuyé sur la rente pétrolière et gazière à un moment où les prix du gaz et du pétrole connaissent une formidable culbute vers le haut en France, donne un sentiment d'exaspération à une partie de la population française. Et c'est cela qu'on reproche au Qatar, le mécontentement vient plutôt de la situation de la crise de l'énergie. Je pense que si le baril de pétrole était moitié moins cher et le gaz encore en moins, on n'aurait pas les mêmes réactions qu’aujourd'hui.
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