L’intervention des puissances internationales pour éviter le pire au Soudan est plus pressante que jamais, à un moment où des soupçons planent sur l’implication du groupe Wagner dans le conflit.
Les combats meurtriers au Soudan se poursuivent malgré un nouveau cessez-le-feu de 72 heures sur lequel les parties au conflit se sont accordées, à la faveur d’une médiation de Washington et de Riyad.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué mardi que ces affrontements entre l'armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont déplacé, depuis mi-avril, plus de 334.000 personnes à l'intérieur du pays.
Quelles sont les perspectives pour une paix à même de mettre fin aux souffrances des Soudanais ? Quel rôle peut jouer l’Administration américaine en vue d’arriver à une solution au conflit ? Entretien avec W. Johann Schmonsees, porte-parole francophone du Département d’Etat américain et directeur du hub régional des médias pour l’Afrique.
L’Onu avait mis en garde contre la propagation de la violence vers les pays voisins du Soudan. Quelle est votre évaluation des risques?
Les États-Unis sont très inquiets par la possibilité que le conflit au Soudan ne se propage ailleurs dans la région. Nous sommes particulièrement inquiets par la situation des réfugiés vu qu'il y a déjà des centaines de milliers de réfugiés soudanais dans des pays voisins, spécialement au Tchad.
Nous sommes en contact avec le gouvernement tchadien et l'ONU pour assurer que les besoins des réfugiés seront satisfaits au milieu de ce conflit. Le flux des réfugiés commence à croître et cela est source d’une grande inquiétude pour nous et pour la communauté internationale.
La situation humanitaire au Soudan se dégrade et le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés craint un exode massif qui pourrait voir plus de 800.000 Soudanais fuir le pays. Jusqu'à quelle mesure vous voyez que ce risque est bien réel?
Nous sommes en contact continu avec M. Martin Griffiths, le Haut représentant de l'ONU pour les réfugiés et les États-Unis restent le premier donateur pour les besoins des réfugiés dans le contexte de l'ONU et dans d'autres cadres. Nous voulons continuer à travailler avec les pays voisins et aussi avec nos partenaires dans la communauté internationale pour garder la lumière sur ce problème qui peut éclater à tout moment.
Les parties au conflit ont accepté de prolonger le cessez-le-feu de trois jours, mais les combats se poursuivent encore. Quel rôle joue l'Administration américaine pour pouvoir mettre un terme à ces violences?
Les Etats-Unis sont conscients que la trêve actuelle, qui a commencé dimanche pour une durée de 72 heures, approche de sa fin et il est presque temps de la renouveler. Au moins, les deux parties ont montré une volonté d'observer un cessez-le-feu à deux reprises. Il y a bien sûr des exemples de non-respect du cessez-le-feu, mais il faut continuer à fournir des efforts sur ce point là pour pouvoir le renouveler.
Nous appelons toutes les parties à commencer à respecter les droits humains. C’est fondamental. La situation au pays ne va pas s'améliorer sans le respect des droits humains et de la situation humanitaire.
A quoi sert un cessez-le-feu ou une trêve qui est tellement fragile et n'est pas respectée? Les Soudanais sont toujours exposés à des bombardements, des tirs et à des explosions.
On travaille pour le moment dans le cadre de la possibilité du cessez-le-feu, parce que c'est le moyen qu'on a trouvé jusqu'à maintenant pour améliorer un peu la situation et créer un contexte pour d'éventuels pourparlers entre les deux parties. Et ça, c'est au moins une mesure qu'on peut prendre pour parvenir éventuellement à une solution.
Les parties au conflit ont accepté de négocier par l’intermédiaire de représentants et très probablement les négociations auront lieu en Arabie Saoudite. Quelles sont les chances pour que ces négociations aboutissent à une fin du conflit ?
Les États-Unis remercient tout d’abord le gouvernement de l'Arabie saoudite pour son rôle non seulement dans les discussions diplomatiques, mais aussi pour son aide dans les évacuations des citoyens américains et aussi d'autres ressortissants qui ont fui le pays pendant les deux dernières semaines. Je crois que tous les pays voisins jouent un rôle.
Les États-Unis préfèrent toujours travailler à travers des institutions internationales, comme l'ONU, l'Union africaine par exemple, et dans le contexte des pays voisins pour soutenir la diplomatie.
Donc, vous pensez que ce conflit ne peut être réglé qu'à travers des moyens diplomatiques et qu’il n'y a pas d'issue militaire au conflit?
Dans pareilles situations, la solution la plus favorable, c'est toujours la diplomatie. S'il y a une solution militaire, ce n'est pas aux États-Unis de le dire, mais la situation sécuritaire continue à s'aggraver et il faut trouver une solution gagnant gagnant par la voie de la diplomatie.
Quelle est votre évaluation de l’intervention internationale, notamment des États-Unis, dans le soutien aux populations civiles et l’évacuation des ressortissants étrangers?
Les États-Unis trouvent que les opérations d'évacuation ont été jusqu'à maintenant un grand succès et sont aussi très valables non seulement pour nos ressortissants mais pour d’autres personnes qui essaient de fuir le pays. Les États-Unis ont travaillé de façon très étroite avec l'ONU pour organiser des convois à partir du Port-Soudan. Le 3ème convoi vient de partir de Port-Soudan.
La situation n'est pas stable et jusqu’à maintenant nous ne sommes pas en mesure d'organiser une évacuation plus large et à une plus grande échelle.
Nous sommes reconnaissants à l'ONU pour son rôle qui nous a permis d’évacuer un nombre de nos citoyens. Les États-Unis comptent toujours plus de 15. 000 de ses citoyens qui sont toujours au Soudan. La majorité d'entre eux ont la double nationalité, c'est-à-dire qu'ils ont un “chez eux" au Soudan et connaissent le pays. Le meilleur choix pour eux c’est de rester sur place pour éviter tout risque.
Pensez-vous que le vrai mobile de ce conflit est le pouvoir ou, comme l’avancent des médias, la volonté de contrôler une région riche en gisements d’or?
Depuis le début et même avant que le conflit n’éclate, les États-Unis ont appelé les deux parties au conflit à éviter la confrontation militaire et à résoudre les différends par la voie des négociations. Il y a bien sûr des racines de ce conflit dans l'histoire récente du Soudan. Maintenant, ce qui est le plus important, c'est de trouver une solution et de restaurer la stabilité dans le pays.
Washington a évoqué dans le passé la présence du groupe Wagner au Soudan et dans d’autres régions en Afrique. Est-ce que cette organisation a un rôle dans le conflit soudanais?
La communauté internationale a récemment constaté, en particulier en Afrique, que le groupe Wagner n'est jamais une solution pour apporter la stabilité et la sécurité dans un pays. Ce groupe promet d’établir la sécurité, de soutenir le gouvernement et un dirigeant dans le pays, mais ce qu’il amène, c'est la corruption, l'exploitation des ressources naturelles et les violations des droits humains.
Si on examine son histoire dans le continent africain, le groupe Wagner n’est pas une solution ni à court ni à long termes et n'a pas de rôle à jouer au Soudan.