Tous les regards seront tournés vers Markus Braun, 53 ans, qui était aux commandes de ce fleuron du secteur numérique ayant fait illusion jusqu'à son krach de juin 2020.
Cet Autrichien austère et longiligne, en détention provisoire depuis le début de l'enquête, lèvera-t-il enfin le voile sur les rouages des malversations dont il est accusé ?
Il a nié tout délit et se considère plutôt comme victime de la fraude. Il était resté muet lors de son audition devant une commission d'enquête parlementaire à Berlin.
Le procès-fleuve démarre à 09h00 locales (07h00 GMT) dans une salle sécurisée au sein de la prison de Stadelheim, dans la capitale bavaroise, et se poursuivra au moins jusqu'en 2024.
Patron milliardaire
Pendant les années d'ascension fulgurante de Wirecard, Markus Braun, ingénieur informatique de formation, cultivait les ressemblances avec l'ex-patron d'Apple, Steve Jobs, aimant comme lui porter des cols roulés sombres et exposer sa vision d'un avenir numérique.
Mais le parquet de Munich le voit comme un simple escroc agissant en chef de bande, le tenant comme principal responsable d'un scandale "sans précédent" dans l'Allemagne d'après-guerre, selon le ministre des Finances de l'époque Olaf Scholz, depuis devenu chancelier.
M. Braun est accusé de fraude comptable, de manipulation de marché, d'abus de confiance particulièrement graves et d'escroquerie en bande organisée.
Deux anciens cadres seront également dans le box des accusés: Stephan von Erffa, ancien chef comptable, et Oliver Bellenhaus, ancien directeur d'une filiale basée à Dubaï, qui va servir de "témoin clé" pour l'accusation.
Prenant la tête en 2002 d'une jeune start-up qui gagnait de l'argent grâce aux sites pornos et jeux d'argent, M. Braun a hissé Wirecard jusqu'à l'élite de la Bourse allemande, l'indice Dax, en 2018.
La firme d'Aschheim, dans le sud de l'Allemagne, valait alors plus que le mastodonte Deutsche Bank et M. Braun, qui détenait 7% des actions, était milliardaire.
Ventes fictives
Wirecard a coulé en Bourse en juin 2020, après que ses dirigeants ont avoué que 1,9 milliard d'euros d'actifs, soit un quart de la taille du bilan, n'existaient pas en réalité.
Acteur central de la fraude présumée, l'Autrichien Jan Marsalek, ancien bras droit de M. Braun, est en cavale depuis deux ans et demi.
L'affaire verse avec lui dans le roman d'espionnage car M. Marsalek, 42 ans, est soupçonné d'avoir bénéficié de complicités au sein de certains services secrets et d'être lié à des intérêts russes ou libyens.
L'enquête a révélé que les comptes de Wirecard pour les années 2015 à 2018 avaient enjolivé la situation, afin de rendre l'entreprise attractive pour les investisseurs.
Une partie des commissions basées sur des paiements ne provenaient pas de Wirecard mais de prétendus tiers en Asie et dans la région du Golfe, qui avaient une licence pour opérer.
Or, "il n'y avait en réalité aucun revendeur mis en relation par ces partenaires" et donc aucun chiffre d'affaires tangible, selon l'acte d'accusation.
Wirecard a pu cependant se financer des années durant, pour combler ses pertes réelles.
Politiques étrillés
Les actionnaires ont perdu dans la faillite plus de 20 milliards d'euros et les banques créancières 2 milliards d'euros.
L'affaire a révélé les lacunes du superviseur allemand des marchés financiers (BaFin), placé sous la tutelle du ministère des Finances, et du cabinet d'audit comptable, la multinationale EY.
"La politique doit s'assurer que la supervision fonctionne", or "il y a eu des carences", estime Volker Brühl, professeur au Center for Financial Studies à Francfort.
Personne n'était prêt à "admettre que des fraudeurs étaient à l'œuvre chez Wirecard", explique-t-il à l'AFP.
Le monde politique jusqu'à l'ancienne chancelière Angela Merkel, qui s'était rendue en Chine accompagnée de l'ex-PDG de Wirecard, a aussi été étrillé au long de la commission d'enquête parlementaire qui n'a pas réussi toutefois à pointer la responsabilité des gouvernants.