Une militante exige le rapatriement des dépouilles d'Amérindiens morts dans un "zoo humain" à Paris
Corinne Toka Devilliers, dont l'ancêtre a été exposé dans un "zoo humain" à Paris dans les années 1890, demande le rapatriement de six dépouilles d'Amérindiens de France, afin que ses ancêtres puissent bénéficier de rituels appropriés.
Une militante exige le rapatriement des dépouilles d'Amérindiens morts dans un "zoo humain" à Paris / Photo: AFP (AFP)

La descendante d'une adolescente amérindienne qui a survécu à une exposition dans un "zoo humain" à Paris au XIXe siècle demande instamment à la France de rapatrier les restes de six autres personnes qui y ont trouvé la mort.

Corinne Toka Devilliers affirme que les ossements de ces six êtres humains sont entreposés au Musée de l'Homme de la capitale française depuis plus d'un siècle. "Cela fait 132 ans qu'ils sont dans une boîte", s'indigne-t-elle auprès de l'AFP.

Elle milite pour qu'ils soient rendus à leur terre ancestrale en Guyane française, un territoire d'outre-mer d'Amérique du Sud, afin qu'ils puissent recevoir les rituels appropriés.

Début 1892, 33 Amérindiens ont embarqué à Paramaribo, la capitale de la Guyane hollandaise, devenue le Suriname après l'indépendance, selon les recherches de Mme Devilliers.

Agés de trois mois à 60 ans, ils étaient des enfants, des femmes et des hommes des tribus Kali'na et Arawak de l'embouchure du fleuve Maroni qui sépare aujourd'hui la Guyane française du Suriname voisin.

Depuis 1877, un parc parisien organisait des "spectacles ethnologiques" d'êtres humains provenant de continents lointains, aujourd'hui dénoncés comme des "zoos humains".

Le directeur du Jardin d'Acclimatation, un parc d'attractions parisien, avait demandé à l'explorateur français François Laveau de ramener des Amérindiens pour faire partie de la dernière exposition. Laveau avait promis aux 33 indigènes qu'il les paierait et qu'ils reviendraient, selon Toka Devilliers.

Mais "ils n'ont jamais été payés et huit d'entre eux n'ont jamais revu leur patrie", a-t-elle déclaré.

Les descendants de Moliko

Toka Devilliers a grandi en entendant leur histoire, car son ancêtre Moliko, qui était adolescente à l'époque, était parmi eux et a survécu aux mauvais traitements reçus. "Mon grand-père me racontait souvent son histoire, mais je n'y prêtais pas attention", dit-elle.

Mais après avoir vu un documentaire en 2018 sur ces "zoos humains" profondément racistes, elle a décidé d'agir.

Elle a créé l'organisation non gouvernementale Moliko Alet+Po, dont le nom signifie "Les descendants de Moliko" en langue kali'na, afin d'obtenir des réparations pour le traitement subi par ses ancêtres.

De 1877 à 1931, le Jardin d'Acclimatation a accueilli une trentaine de "spectacles ethnologiques", selon son site internet. Ces spectacles mettaient en scène des "sauvages" d'Afrique, des Amériques, d'Océanie, de l'Arctique et du Subarctique, dont certains étaient rémunérés, précise le site.

Seuls "quelques anthropologues" ont dénoncé ces événements.

Toka Devilliers précise que, sur les 33 personnes qui ont quitté la Guyane pour arriver à Paris en plein hiver, huit ont développé "des bronchites ou d'autres problèmes pulmonaires".

Parmi ces huit personnes, l'une a été enterrée et l'autre disséquée pour de prétendues recherches scientifiques. Les restes des six autres sont conservés au Musée de l'Homme.

"S'ils avaient su, ils ne seraient jamais montés sur ce bateau", a-t-elle déploré.

Les efforts de Toka Devilliers pour les rapatrier sont restés vains jusqu'à présent. L'année dernière, le Parlement français a adopté un projet de loi qui ouvre la voie au rapatriement dans leur pays d'origine des restes humains contenus dans les collections de ses musées.

Mais cette loi ne prévoyait pas de dispositions pour les territoires français d'outre-mer.

Une fois qu'elle aura réussi à restituer les restes des six personnes, Toka Devilliers affirme qu'elle continuera à se battre pour la mémoire de ses ancêtres.

AFP