Tanya Haj-Hassan, médecin américano-palestinienne en soins intensifs pédiatrique et humanitaire, a fondu en larmes en narrant son expérience dans la bande de Gaza bombardée, lors d'une réunion d'information à l'ONU.
A l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, commémorée chaque année le 29 novembre, Mme Haj-Hassan, qui a travaillé à plusieurs reprises à Gaza, et plus récemment dans un hopital de la zone centrale de la bande, a raconté les souffrances dont elle a été témoin.
“Je veux que le monde entier sache que je suis un être humain au bout du compte, que je ne suis pas un stylo sur un papier, que je ne suis pas anonyme. Je ne suis pas anonyme. Je suis un être humain créé par Dieu”, a-t-elle dit.
Tout en reconnaissant le poids de son témoignage, Mme Haj-Hassan a souligné que ses mots ne pouvaient pas rendre compte de la réalité vécue par les Palestiniens "pendant plus de 400 jours et 76 ans auparavant".
“Les mots me manquent pour décrire ces histoires”
“Je me souviens du silence de la femme amenée à l'hôpital, blessée, le regard vide et incapable de parler. Elle avait accouché une semaine plus tôt et n'avait pas retrouvé son bébé de sept jours.
Je me souviens de Sewar, 6 ans, intubée aux soins intensifs pour un grave traumatisme crânien, son petit frère toujours porté disparu. Je me souviens de sa mère assise à côté d'elle, les larmes aux yeux, qui lui demandait "quel était son crime ?".
Ou encore de Mohammed, 5 ans, victime d'une blessure pénétrante à la tête, probablement un coup de feu, qui est mort aux urgences parce qu'il n'y avait pas de lits dans l'unité de soins intensifs. Il n'avait pas de famille survivante connue pour récupérer son corps et a été emmené à la morgue par l'équipe médicale. Les mots me manquent pour décrire ces histoires”, témoigne-t-elle.
“Nous avons passé les 14 derniers mois à observer la réaction du monde entier. Nous avons passé les 14 derniers mois à regarder le génocide le plus documenté et le plus diffusé en direct de l'histoire”, a-t-elle déploré accusant les institutions mondiales et les pays de ne pas réagir efficacement aux graves violations du droit international, aux atteintes aux droits de l'homme et aux crimes de guerre.
Elle a expliqué que des témoins ont fait état de crimes "qui, dans tout autre contexte, auraient donné lieu à des sanctions", ajoutant que la réponse mondiale reste "impuissante" et critiqué les "campagnes de propagande généralisées qui justifient l'injustifiable, réduisent au silence et discréditent ceux qui ont tenté de dénoncer" les crimes d'Israël.
Négligence systémique des voix palestiniennes
Mme Haj-Hassan a critiqué l'absence des voix palestiniennes dans les discussions sur leur situation. Selon elle, les barrières systémiques dévalorisent les vies palestiniennes. "Nos collègues palestiniens ne sont pas ici aujourd'hui parce que le système actuel ne reconnaît pas la valeur de la vie palestinienne", a-t-elle regretté.
La médecin a également déclaré qu'un jour, quelqu'un déterrera les archives des Palestiniens qui ont couvert leur propre génocide lorsque les journalistes internationaux ont été "interdits comme jamais auparavant".
Haj-Hassan a prévenu que la guerre à Gaza constituait une menace plus large pour l'État de droit dans le monde, citant la propagation de la violence au Liban voisin. "Si la solidarité avec vos semblables n'est pas une raison suffisante pour agir, pensez à la façon dont cela va se répandre", a-t-elle lancé.
Soulignant l'urgence d'agir, elle a critiqué le système qui donne du pouvoir à des nations dont le bilan en matière de violence mondiale est médiocre. "Il faut du courage pour lutter contre un système corrompu", a conclu Mme Haj-Hassan.
Cette situation s’inscrit dans un contexte où Israël a lancé une guerre génocidaire contre la bande de Gaza depuis octobre de l'année dernière, tuant plus de 44 300 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, et en blessant plus de 104 900.
Cette deuxième année de génocide à Gaza a suscité une condamnation internationale croissante, les autorités et les institutions qualifiant les attaques et le blocage des livraisons d'aide de tentative délibérée de destruction d'une population.
La semaine dernière, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de l'ancien ministre de la défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité à Gaza.
Israël fait également l'objet d'une plainte pour génocide devant la Cour internationale de Justice.