PAR: PAUL SALVATORI
La facilité avec laquelle des dizaines de combattants du Hamas ont pu pénétrer dans les villes israéliennes et frapper des cibles militaires de l'autre côté de la frontière a soulevé des questions sur les capacités des formidables services de renseignement israéliens qui n'ont pas vu arriver ce qui s'est passé au cours du week-end.
La question est d'autant plus pressante que le Mossad, la principale agence d'espionnage israélienne, dispose d'un large éventail de technologies d'espionnage et s'appuie depuis longtemps sur des taupes au sein des groupes armés palestiniens pour glaner des informations. Celles-ci fournissent régulièrement au Mossad des renseignements détaillés sur les opérations de ces réseaux.
Une attaque aussi massive et meurtrière de la part des combattants palestiniens qui ont lancé simultanément une incursion terrestre, aérienne et maritime n'aurait pas dû passer inaperçue. A la surprise générale, ce fut le cas.
Comment le Mossad a-t-il pu manquer cela ?
"L'appareil de renseignement et de surveillance israélien, tant vanté, a échoué de manière catastrophique [à empêcher l'attaque]", explique à TRT World Antony Loewenstein, auteur de The Palestine Laboratory, un livre récent qui plonge dans les technologies d'espionnage avancées d'Israël.
"Des têtes vont tomber dans l'appareil militaire et politique israélien, mais je doute que cela ait un impact sur l'industrie de l'armement israélienne qui a déjà atteint des niveaux record ces dernières années.
M. Loewenstein ajoute : "Le monde occidental tout entier soutient Israël et voudra soutenir l'État hébreu en achetant ses armes et en approuvant sa décimation brutale de Gaza".
Soucieux de ne pas perdre la face, Israël ne dévoilera pas publiquement les raisons de l'échec de son vaste appareil de renseignement. Mais les analystes avancent déjà différentes théories.
Selon certains, le Hamas, affaibli par des années de blocus de Gaza, n'était pas considéré par Israël comme capable de lancer une attaque d'une telle ampleur, et c'est le Hezbollah, soutenu par l'Iran au Liban, qui constituait une menace plus probable.
Il est permis de penser que le Hamas a tiré parti de cette perception, en mettant progressivement en œuvre son plan d'attaque - de la construction de roquettes tirées sur des villes israéliennes à la destruction, à l'aide d'un bulldozer, de la clôture de barbelés qui sépare Gaza d'Israël - sans susciter de réaction immédiate de la part de Tel-Aviv.
Une autre théorie, similaire à la première, soutient qu'Israël n'a pas su reconnaître l'ingéniosité du Hamas.
"Les Israéliens connaissaient la haine malveillante qui animait le Hamas", relève un article du Washington Post. "Ce qu'ils n'ont pas apprécié, c'est la créativité et la compétence de leurs adversaires. Il s'agissait d'un niveau de malveillance organisée qui était, littéralement, impensable".
Bien qu'il soit malavisé de qualifier l'attaque de "malveillance organisée", puisqu'elle émane d'un désir moralement sain que la Palestine soit libérée de la cruelle domination israélienne qui dure depuis des décennies (l’auteur ne dit rien de la malveillance qu'elle implique), l’essentiel de son observation est correct : l'ampleur de l'attaque, sans parler de son impressionnante coordination logistique et autre, n'avait pas été anticipée par Israël.
On peut imaginer que leur arrogance à l'égard de la Palestine y est pour quelque chose.
Au lieu de prendre sérieusement en compte ce que les mouvements de résistance palestiniens ont appris au monde au fil des ans, témoignant de l'efficacité de l'élément de surprise plutôt que de la puissance militaire pure, ils ont choisi de minimiser ces efforts.
Y a-t-il eu des luttes internes au sein de l'État israélien qui, bon gré mal gré, l'ont empêché d'agir suffisamment vite pour éviter l'attaque ? L'auteur de l'article semble le penser et, selon la troisième théorie, il pense que cela a été permis parce que le Mossad a vu son caractère laïc directement en conflit avec le gouvernement religieux ultra-orthodoxe de M. Netanyahu.
Il est donc possible que le Mossad ait été au courant de l'attentat palestinien ou qu'il en ait eu connaissance. Toutefois, compte tenu du manque de coopération, il n'était pas enclin à communiquer ces informations à Netanyahou. En retour, Israël est devenu une cible plus accessible pour les Palestiniens.
Quelles que soient les raisons pour lesquelles Israël ou, plus précisément, le Mossad n'a pas réussi à empêcher l'attentat, il est impossible qu'Israël ait "laissé faire", affirme David Miller, chercheur principal au Centre for Islam and Global Affairs d'Istanbul.
Selon M. Miller, "il est très embarrassant que les factions de la résistance [palestinienne], qui ne se limitent pas aux groupes publiquement décrits comme le "Hamas", aient pu apparemment - et à volonté - quitter la prison ouverte de Gaza et envahir plus de dix bases israéliennes et une vingtaine de colonies".
"Les pertes au sein de l'IDF [armée israélienne]", a poursuivi M. Miller, "semblent être très élevées, y compris un grand nombre de commandants et d'officiers supérieurs, en outre, plus de cinquante personnes faites prisonnières, dont un général et d'autres commandants". Trois jours plus tard, les médias israéliens rapportent que les combats se poursuivent dans les villes israéliennes.
On ne sait pas combien de temps cela va encore durer. Mais une chose est sûre : les Palestiniens, rien qu'au cours des derniers jours, ont montré qu'ils étaient capables de saper une puissance militaire bien plus forte et bien équipée.