Données peu fiables
Pékin l'a reconnu: depuis l'abandon le mois dernier des dépistages à grande échelle de la population par des tests PCR, quantifier les contagions sur son territoire est devenu "impossible".
La Commission nationale de santé (NHC), qui a valeur de ministère, a arrêté de publier les chiffres quotidiens de cas et décès. Désormais, c'est le Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) qui s'en charge, mais à partir de la semaine prochaine, il ne le fera qu'une fois par mois.
Les autorités ont récemment modifié les critères permettant d'attribuer un décès dû au Covid. Ainsi, seules 15 morts de ce type ont été rapportées dans le pays de 1,4 milliard d'habitants depuis la levée des restrictions le 7 décembre.
De quoi susciter des doutes sur la capacité des chiffres officiels chinois à refléter la réalité, alors qu'hôpitaux et crématoriums sont débordés par un afflux de patients et victimes du Covid.
Les autorités ont reconnu la semaine dernière recueillir "beaucoup moins" de données par rapport à la période durant laquelle des tests à grande échelle étaient menés.
Pour "combler les lacunes" des statistiques, les autorités se fondent sur des sondages en ligne, les visites à l'hôpital, les demandes de médicaments contre la fièvre et les appels d'urgence, selon un responsable du contrôle des maladies, Yin Wenwu.
De nombreux pays dont les Etats-Unis, l'Australie et le Canada citent le manque de transparence des données chinoises pour justifier leur décision d'imposer des tests PCR aux voyageurs en provenance de Chine.
Estimations parcellaires
Quelques autorités locales ont commencé à publier des chiffres: c'est le cas de la province du Zhejiang (est), limitrophe de Shanghai, qui a évalué la semaine dernière qu'un million de nouveaux cas apparaissaient chaque jour.
La ville de Qingdao (est) a fait état de 500.000 nouvelles infections quotidiennes, celle de Dongguan (sud) en évoque 300.000.
Dans l'île-province de Hainan (sud), les autorités ont estimé vendredi le taux de contagion des habitants à plus de 50%, tandis que les villes de Quzhou et Zhoushan (est) ont calculé qu'au moins 30% de leur population a attrapé le Covid.
L'un des principaux épidémiologistes du pays, Wu Zunyou, a déclaré jeudi que le pic était passé dans les villes de Pékin, Chengdu (sud-ouest) et Tianjin (nord).
A Shanghai, l'épidémie "pourrait avoir touché 70% de la population, soit 20 à 30 fois plus" que lors de la flambée précédente au printemps 2022, a déclaré Chen Erzhen, vice-président de l'hôpital Ruijin, à un blog affilié au Quotidien du peuple.
Difficile d'assembler toutes ces données partielles pour parvenir à une image complète de la situation nationale. Des chiffres qui ont fuité d'une réunion des autorités sanitaires le mois dernier évoquaient 250 millions de contagions sur les 20 premiers jours de décembre.
Les projections indépendantes sont pessimistes. Les chercheurs de l'université de Hong Kong prédisent que près d'un million de Chinois pourraient mourir du virus cet hiver.
La société britannique d'analyses médicales Airfinity, qui estime en Chine le nombre de décès quotidiens à 11.000 et les contagions à 1,8 million par jour, s'attend à 1,7 million de morts d'ici fin avril.
Nouveaux variants ?
De nombreux pays s'inquiètent de possibles nouveaux variants et imposent des tests aux voyageurs venant de Chine.
Aucune nouvelle souche du Covid-19 n'a cependant été détectée.
Selon Xu Wenbo, un responsable du CDC, une nouvelle base de données nationale à partir de la collecte d'échantillons des hôpitaux est en préparation.
Les sous-lignages du variant Omicron BA.5.2 et BF.7 restent dominants à Pékin, a-t-il indiqué, en réponse aux craintes que le variant Delta, plus dangereux, circule encore. Omicron l'est à Shanghai.
Dans de nombreux pays occidentaux, les sous-variants XBB et BQ, plus transmissibles mais pas encore majoritaires en Chine, ont pris le dessus.
Le mois dernier, la Chine a soumis 384 échantillons d'Omicron à la base de données mondiale Gisaid, selon son site internet. Mais le nombre total d'échantillons de Pékin depuis le début de l'épidémie (1.308) reste cependant bien inférieur à ceux d'autres pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Cambodge ou le Sénégal.
Les récents échantillons apportés par Pékin "ressemblent tous fortement aux variants connus et circulant dans le monde entre juillet et décembre", selon Gisaid.
Le virologue Jin Don-yan, de l'université de Hong Kong, a estimé récemment dans un podcast que la possibilité qu'un variant plus mortel émerge en Chine reste "très faible".