Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait qualifié mardi de "provocation" les menaces du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, qui avertissait que le Liban subirait des "destructions et souffrances similaires à celles de Gaza".
Quelques jours plus tôt, le 5 octobre, le président français Emmanuel Macron appelait à mettre fin aux livraisons d’armes à Israël, ce qui n’avait pas manqué de provoquer la colère du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui a vivement répliqué “honte aux dirigeants qui appellent à des embargos sur les livraisons d'armes à Israël”.
Face à cette colère, Macron avait rapidement rétropédalé, affirmant qu'Israël "a le droit de se défendre contre le terrorisme".
Malgré ces ajustements, la multiplication des réactions françaises laisse tout de même entrevoir un changement dans la posture diplomatique de la France.
Ce léger changement de ton semble être motivé par l'obligation de protéger ses liens historiques et culturels qui l’unissent au pays du cèdre depuis un millénaire.
Liens historiques
Dès le XIe siècle, la France a voulu jouer le rôle de “protecteur” des chrétiens d’Orient, notamment les Maronites, un rôle qui s’est progressivement institutionnalisé, au point d’ancrer une proximité linguistique et culturelle toujours d’actualité.
Tout commence avec la première croisade au XIe siècle, quand les Maronites, installés sur le Mont Liban, forment une communauté chrétienne qui attire l’attention de Philippe 1er, le roi des Francs.
L’engagement de Saint Louis au XIIIe siècle marque le début d’une longue tradition qui se veut “protectrice” des chrétiens d’Orient.
Ce lien confessionnel prend une tournure diplomatique sous François Ier, qui, en s’alliant avec le Grand Turc, Soliman le Magnifique, renforce la place la France au centre des enjeux géopolitiques de la région.
Cette alliance se matérialise plus concrètement au XIXe siècle, avec l’intervention française lors des guerres au Mont Liban en 1860. Dans un contexte de colonisation progressive, Napoléon III envoie des troupes pour protéger les intérêts de la France dans la région.
Cette action culmine après la Première Guerre mondiale avec la création du “Grand Liban” sous mandat français en 1920, marquant une étape décisive dans la construction moderne du pays.
Influence du français
L’influence française dans la fondation de l'État libanais se traduit par la mise en place d'institutions modernes, d'une Constitution et l’établissement du français comme langue officielle.
Le français, bien que n’étant plus langue officielle depuis l’indépendance de 1943, est encore largement parlé et enseigné, illustrant le rôle clé de la France dans la sphère éducative et culturelle du Liban.
Le réseau d’écoles françaises au Liban et la forte présence de la langue dans l’administration témoignent de cette relation particulière. La francophonie y reste bien vivante, avec près de 40 % de la population qui parlent encore le français.
Enfin, le lien entre les deux nations est régulièrement renforcé au plus haut niveau de l’État. Tous les présidents français, depuis François Mitterrand, se sont rendus au Liban, soulignant à chaque occasion le caractère unique de cette relation historique.
Ainsi, le Liban reste pour la France un partenaire privilégié, non seulement de par les liens historiques, mais aussi les relations culturelles et linguistiques.
Si les réactions françaises demeurent pour l'instant assez timides face à l'ampleur des dégâts subis par le Liban, et malgré les liens historiques et culturels qui unissent les deux pays, les récentes prises de position de la diplomatie française semblent indiquer un léger regain de courage.
Il reste à voir si la France osera élever davantage la voix contre Israël et honorer ses liens historiques avec le Liban.